Depuis le 1er janvier et jusqu'au 30 juin, la présidence de l'Union Européenne est assurée par la République Tchèque. Elle succède à la France et précède à la Suède. A cette occasion, Slate.fr, publie les Chroniques Praguoises diffusées sur Arte.fr, sur la vie politique et culturelle en République Tchèque.
Les dernières semaines n'ont pas été simples pour tout Tchèque fier de l'être : la crise économique commence à se faire sentir, le pays ne possède plus de gouvernement opérationnel et toute l'Union européenne rit de cette classe politique qui n'a pas été capable de faire primer l'intérêt général sur son intérêt particulier... Mais en pleine dépression, ce fut précisément la Cour de justice européenne qui a apporté du soulagement à la nation. Elle a décidé que la bière «Budweiser» était définitivement tchèque et non américaine. Il paraît que, même outre-Atlantique, les connaisseurs de bière ont donné leur verdict il y a bien longtemps...
Notre spécialiste canadien s'exalte: «une bière fantastique», «belle couleur dorée», «âcre et savoureuse...» Et, avec tout cela, «une entreprise américaine a volé le nom de cette unique bière tchèque.» Mais que s'est-il vraiment passé? Au début du XIXe siècle, un entrepreneur austro-hongrois fonda une brasserie dans la ville de České Budějovice au sud de la Bohême. Sa bière devint rapidement un symbole de la ville et du goût marqué des Tchèques pour cette boisson en général. Cependant, vers 1850, un brasseur américain de Saint-Louis vint en Europe pour chercher un nom qui pourrait rappeler à ses clients «le vieux continent». Arrivé à České Budějovice, il pensait avoir trouvé ce qu'il cherchait et déposa sa nouvelle marque aux États-Unis, où elle devint «Budweiser» et fut vendue au géant agroalimentaire Anheuser-Busch.
Les premiers procès commencèrent dès la fin du XIXe siècle et la dispute dura pendant plus d'un siècle. Mais, début avril 2009, la Cour de justice européenne à Luxembourg a tranché: la petite brasserie tchèque du sud de la Bohême sera la seule à pouvoir commercialiser son breuvage sous le nom de «Budweiser» sur le territoire communautaire.
Un verdict perçu et annoncé à la télévision comme la «victoire décisive» de tout un peuple. Ce qui est peu étonnant dans un pays qui grandit, vit et meurt avec cette boisson à base d'orge sur laquelle existent plusieurs centaines de livres publiés rien qu'au cours des dix dernières années. Et, avec un peu plus de 160 litres de bière consommés par an et par personne (et ce n'est que la moyenne!), les Tchèques sont les champions du monde incontestés en la matière, laissant loin derrière eux d'autres peuples traditionnellement amateurs comme les Allemands ou les Irlandais.
Mais, ce qui plaira le plus aux Tchèques, c'est sûrement la victoire du David Budvar contre le Goliath Anheuser-Busch, le plus grand fabricant de bière au monde. La petite brasserie de Bohême entre donc dans le panthéon de ces héros qui ont lutté contre les grands du monde entier: Jan Hus, Alexander Dubček, et maintenant : Budvar...
Alexander Knetig
Crédit photo: Bière praguoise, Panoramas Creative Commons / FLICKR