France

Le résumé de la séance Hadopi, version théâtre

Temps de lecture : 11 min

Téléchargeons les œuvres de nos députés quand ils se font artistes...

Comme si vous y étiez, un résumé, plein d'entrain et d'allant des débats sur Hadopi de la première séance du mercredi. Quatre heures de réflexions passionnées. Le compte-rendu des débats sur la loi Hadopi est très long, le texte qui suit n'est donc qu'un résumé des meilleurs moments.

Quand Frédéric Lefebvre est un intermittent de l'hémicycle, quand tout devient «scandaleux» ou «rocambolesque», quand l'UMP croit au «Père Noël», quand le député socialiste Patrick Bloche a des «hélas» raciniens et que Christine Albanel «connaît les courtisans», l'Assemblée devient théâtre, comme le reconnaît Philippe Gosselin, député UMP.

Slate.fr vous présente donc, une pièce en x actes: Hadopi, acte II, scène 1

Protection de la création sur Internet, discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi.

***

M. Alain Néri (PS). Tout d’abord, monsieur le président, comme de nombreux Français, je suis stupéfait de voir qu’est remis en cause un vote de l’Assemblée nationale acquis dans des conditions parfaitement exemplaires.

Mme Martine Billard (Les Verts). C’est vrai !

M. Alain Néri. Comme vous l’avez fait justement remarquer dans plusieurs communiqués, c’est inacceptable. (…) Je m’adresse particulièrement à M. Lefebvre, qui s’est cru autorisé à tenir des propos mensongers, irresponsables, calomnieux, et même assimilables à un faux témoignage, pour une raison évidente, c’est qu’il était absent de la séance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Martine Billard. Absolument !

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C’est scandaleux ! Des excuses !

M. Alain Néri. Son goût immodéré du spectacle, comme je l’ai rappelé, fait sûrement de lui un permanent de la salle des Quatre Colonnes mais un intermittent de l’hémicycle, ce qui explique qu’il n’a pas pu participer au débat. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Des excuses !

M. Alain Néri. Certains n’ont alors pas eu suffisamment de réflexe et de lucidité et ont peut-être fait preuve d’un amateurisme coupable vis-à-vis de la majorité et du Gouvernement.

M. Philippe Gosselin (UMP). Le vote était engagé !

M. Alain Néri. …et, comme la suspension est de droit, je la leur aurais accordée.

M. Copé, lui aussi, était absent (Protestations sur les bancs du groupe UMP)…

M. le président. Je vous prie de rester calmes. Sinon, cela ne fera que compliquer la reprise de nos débats.

Veuillez conclure, monsieur Néri.

M. Alain Néri. (…) Vous avez ensuite été contraint, certainement sous la pression de quelques-uns ou peut-être pour mettre de l’huile dans les rouages de la majorité un peu en difficulté sur cette affaire (Protestations sur les bancs du groupe UMP), de me retirer la présidence de la séance de ce soir que je devais assurer.

M. Patrick Bloche (PS). C’est une honte !

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C’est scandaleux !

(…)

Mme Martine Billard. …ce n’est pas à l’opposition de sortir lorsqu’il n’y a pas assez de députés UMP présents ; c’est au groupe UMP d’assurer la permanence pour être majoritaire quand il pense que des textes doivent être votés. (longue argumentation)

(…)

M. Roland Muzeau (PCF) et Mme Chantal Robin-Rodrigo (PRG). Magouilles !

M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur, pour le groupe UMP.

M. Marc Laffineur (UMP). Ce texte est suffisamment important pour que nous commencions les débats avec beaucoup de sérénité,…

M. Jean-Pierre Brard (PCF). C’est normal, avec toutes les sentinelles que l’UMP a fait venir !

M. Roland Muzeau. Vous avez augmenté les primes de présence ?

M. Marc Laffineur. (…) Je rappelle que, le jour de l’examen du texte de la CMP, [Monsieur Lefebvre] était présent jusqu’à douze heures quinze, mais qu’il a dû quitter l’hémicycle pour participer à une réunion (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC),…

M. Jean-Pierre Brard. Pour aller chercher les ordres !

M. Jean-Louis Gagnaire (PS). Était-ce une réunion préparatoire au G20 ? (Sourires.)

(…)

M. François Sauvadet (NC). (…) Enfin, je rappelle que nous allons disposer de droits nouveaux grâce à la révision constitutionnelle, qui prévoit une organisation différente des travaux parlementaires. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Roland Muzeau. Vous croyez au Père Noël !

(…)

M. le président. Nous en venons à la discussion du texte.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission des lois, mesdames, messieurs les députés, le 2 avril dernier, j’avais l’honneur de soumettre à votre assemblée, en première lecture, le projet de loi Création et Internet.

M. Jean-Paul Bacquet (PS). Avec quel succès !

M. Patrick Roy (PS). Un mauvais texte !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. …dont nous allons entamer l’examen, est d’ailleurs fidèle à l’accord trouvé avec le Sénat lors de la CMP.

M. Patrick Bloche. Hélas !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Puis le texte de la CMP a été rejeté, dans les dernières minutes des dernières heures des derniers jours, cela après plus de quarante heures de débats dans cet hémicycle – car le débat a vraiment eu lieu ! –, dans des circonstances rocambolesques sur lesquelles je ne reviendrai pas. (Très vives protestations prolongées sur les bancs du groupe SRC)

M. Jean-Louis Gagnaire. Provocation !

M. Christian Paul (PS). C’est honteux de dire ça, madame Albanel, vous qui n’avez jamais été élue !

M. Alain Néri. Respectez l’Assemblée nationale.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. L’essentiel, c’est aussi la défense de la diversité culturelle.

M. Didier Mathus (PS). C’est votre incompétence qui est rocambolesque !

(…)

M. Patrick Roy. Un projet de loi rocambolesque !

M. Didier Mathus. Une nullité !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Les créateurs ont-ils le droit de vivre de leur travail ou doivent-ils être expropriés de ce droit, en contrepartie d'une indemnisation collective sous forme d'une chimérique contribution créative, injuste et infaisable ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Paul. Arrêtez le carnaval !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Cette collectivisation, les artistes n'en veulent pas. Ils l'ont d’ailleurs écrit à la première secrétaire du parti socialiste, toutes disciplines et toutes appartenances politiques confondues. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Patrick Bloche. Quels artistes ?

M. Didier Mathus. C’est rocambolesque !

M. Christian Paul. Allez affronter le suffrage universel !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Car ce n'est que par le droit de propriété, qui protège ses œuvres, que le créateur de l'ère moderne a pu s'affranchir de sa condition de laquais ou de courtisan soumis aux caprices d'un bienfaiteur.

M. Christian Paul. Les courtisans, vous connaissez !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. C'est ainsi qu'il a acquis son indépendance économique et, par là même, sa liberté de créer.

Souhaitons-nous abdiquer, sur Internet, un droit fondamental consacré par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen voici deux siècles, sacrifier l'État de droit sur l'autel d'une licence mal comprise ?

Internet est une chance formidable pour la culture.

M. Jérôme Cahuzac. C’est lumineux ! Quelle banalité !

M. Christian Paul. Quelle dissertation !

(…)

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Pour cette raison, le projet qui vous est présenté est un texte tout simplement moderne. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR.)

M. Michel Françaix (PS). Pas ça !

M. Jean-Louis Gagnaire (PS). Mais vous ne comprenez rien !

M. Didier Mathus. Retournez à Versailles !

(…)

M. Franck Riester (UMP), rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais d’abord vous dire à quel point je suis affligé (« Nous aussi ! » sur les bancs du groupe SRC) du comportement de l’opposition. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) (…)Les Français qui nous regardent attendent mieux de notre démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(…)

M. Jean-Louis Gagnaire. La majorité n’avait qu’à être présente !

M. Franck Riester, rapporteur. Oui, une regrettable manœuvre de l’opposition, qui a délibérément choisi d'entraver l'aboutissement d'un processus parlementaire pourtant mené normalement à son terme !

M. Frédéric Lefebvre. Absolument !

M. Franck Riester, rapporteur.(…) Le groupe UMP a laissé libre cours à l'expression des convictions de chacun, ce qui n’est pas le cas sur tous les bancs : certains députés socialistes ayant exercé d'éminentes fonctions gouvernementales,...

M. Jérôme Cahuzac. Gardez-les, on vous les donne !

M. Franck Riester, rapporteur. ... du seul fait de leur adhésion à ce projet de loi, se sont immédiatement attiré les foudres de leurs collègues ne partageant pas leur opinion, comme si le simple fait d'afficher un soutien à cette réforme était synonyme de je ne sais quelle ineptie idéologique.

M. Jérôme Cahuzac. Faisons un mercato !

M. Albert Facon (PS). Et si vous prenez Allègre, on vous fait un prix : un acheté, un gratuit !

(…)

M. Franck Riester, rapporteur (…)Ce texte qui vient en débat aujourd'hui est très proche, pour ne pas dire quasi-identique, à celui adopté le 7 avril par la commission mixte paritaire.

(…)

M. Franck Riester, rapporteur (long paragraphe) En conclusion, je suis convaincu que le texte issu des travaux de la commission des lois répond aux attentes des acteurs de la création,…

(…)

M. Franck Riester, rapporteur. Vous ne serez donc pas étonnés, mes chers collègues, que je vous invite à l'adopter tel quel ; j’ajoute par avance que je serai bien évidemment défavorable à tous les amendements qui visent à remettre en cause l'esprit de compromis sur lequel il repose. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Albert Facon. Dictateur !

(…)

M. Patrick Bloche. Avant de défendre la motion de procédure du groupe SRC, monsieur le président, je souhaite que les débats s’engagent avec toute la sérénité nécessaire. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Depuis presque une heure, l’opposition fait l’objet de provocations systématiques de la part du Gouvernement, de la majorité et de son premier responsable, le président du groupe UMP. (Mêmes mouvements.) Dans ces conditions, nous ne pouvons que demander une suspension de séance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Suspension et reprise de la séance

M. Patrick Bloche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 9 avril dernier, au sein même de cet hémicycle, une majorité de députés rejetait le projet de loi HADOPI, traduisant ainsi le doute qui avait gagné jusqu’aux rangs de l’UMP.

M. Jean-Pierre Door (UMP) . Quinze députés !

M. Patrick Bloche. Ce qui s’est passé ici le 9 avril, ce n’est pas « une petite manip », comme voudrait nous le faire croire M. Copé…

M. Christian Paul. Qui n’est pas là !

M. Patrick Bloche. …ni « un coup de flibuste », pour reprendre l’expression de M. Karoutchi…

M. Christian Paul. Qui n’est pas là non plus !

(Longue argumentation de Patrick Bloche)

M. Philippe Gosselin (UMP). Nous avons vraiment l’impression d’être au théâtre ! Et, comme au théâtre, il y a quinze jours, la pièce était jouée : on croyait le rideau tombé ; erreur, il était soulevé, dans un coup d’éclat, par une manœuvre de piratage facile, mais efficace. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Nous voilà donc en train de jouer un bis de cette pièce dont nous avions apprécié la générale.

M. Philippe Martin (PS). Quel talent !

M. Philippe Gosselin. Une fois de plus, l’opposition se trompe totalement de débat ! On nous parle de droits, d’une loi liberticide, d’une droite ringarde qui n’aurait rien compris ni à Internet ni à la culture. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Faut-il rappeler les chiffres ? Ce sont 220 000 emplois qui dépendent des activités culturelles en France au sens large : musique, audiovisuel, édition. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Louis Gagnaire et M. Christian Paul. Et les intermittents ?

M. Philippe Gosselin. Cela représente, vous le savez, une part importante de PIB.

Mme la ministre a rappelé tout à l’heure quelques chiffres : le DVD est en baisse de 35 %, la musique de 50 % depuis cinq ans.

Mme Martine Billard. Et le 78 tours, où en est-il ?

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Quel talent!

M. Philippe Gosselin. S’agit-il de faire le jeu de quelques post-soixante-huitards attardés ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je le refuse !

(…)

Question préalable

M. Christian Paul. Dans une démocratie qui ne serait pas confisquée, HADOPI aurait déjà rejoint les oubliettes de l’histoire, et l'on pourrait enfin passer à un ordre du jour plus sérieux.

M. Jean-François Copé. Ça commence à bien faire ! (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Un peu de calme !

Veuillez poursuivre, monsieur Paul.

M. Christian Paul. L’un d’entre eux, excellent connaisseur de l’Internet, m'a confié, il y a une heure, qu'il partait entendre Macbeth à l'Opéra, pour ne pas faire ici de la figuration imposée ! (…)À l'épreuve de force, nous, socialistes, préférons la force des idées. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Lesquelles ?

M. Christian Paul. À cette loi d'exception, nous préférons, une nouvelle fois, l'exception culturelle.

M. Yves Fromion (UMP). Oh là là !

M. Bernard Deflesselles. Vous n’êtes qu’un donneur de leçons !

(Longue argumentation de Christian Paul)

M. Christian Paul. Je termine, monsieur le président.

Je le répète : on peut aujourd'hui procéder à une telle répartition.

Tout cela, nous l’avons affirmé et écrit : allez donc lire nos blogs, monsieur Riester, puisque le temps me manque pour développer cette question.

M. Jean-Louis Gagnaire. Il n’a plus accès à Internet ! (Sourires.)

(…)

M. Philippe Gosselin. Je veux laisser le temps à mes collègues de l’opposition de faire une standing ovation à leur orateur, si cela peut leur fait plaisir. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

C’est vrai, monsieur Paul, la culture n’est pas un bien comme les autres.

M. Jean-Louis Gagnaire. Ce n’est pas à nous qu’il faut le dire.

(…)

Mme Martine Billard. Je me félicite de la présence de nombreux députés, cette fois-ci, pour suivre ce débat. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Nous sommes touchés !

(…)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Mis en scène par Quentin Girard

Image de une : Assemblée nationale. CC Flickr Kimdokhac

[Via Gilles_bruno et AudeBaron, la pièce vue par Le Post]

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