L'UMP s'est livrée le 18 octobre à un magnifique exercice de mauvaise foi lors de sa Convention sur le projet socialiste. Derrière les intervenants, un compteur rappellant celui du Téléthon grandissait au fur et à mesure que l'UMP égrenait les propositions du projet PS, jusqu'à atteindre la somme faramineuse de 255 milliards d'euros.
Sans même parler du chiffrage approximatif des différentes mesures, ce chiffre de 255 milliards concerne les 5 années de la mandature, alors qu'en matière budgétaire, on raisonne plutôt en année. Par exemple, quand le gouvernement parle d'un plan d'économies de 12 milliards, il faut comprendre 12 milliards par an et non en 5 ans.
Autre entourloupe, le chiffrage UMP prend bien soin de ne pas compter les nouvelles recettes promises par le bugdet PS qui jure, avec sans doute un peu trop d'optimisme, qu'il peut appliquer son programme à coût constant.
Mais dont acte. Prenons Jean-François Copé au mot, et amusons-nous à chiffrer le projet de Nicolas Sarkozy en 2007 selon ces règles comptables certifiées par la norme ISO UMP.
Les mesures entreprises par le gouvernement Fillon sont comptées selon leur coût effectif. Pour les autres mesures (les plus nombreuses), nous avons repris les chiffres de l'Institut de l'entreprise, un think thank libéral qui avait auditionné les programmes des candidats en 2007, avec souvent beaucoup de justesse, à l'image de leur estimation du coût de la baisse de la TVA dans la restauration ou de l'exonération des heures supplémantaires.
Disclaimer: ne pas s'étonner de retrouver dans le projet de Sarkozy des mesures complètement oubliées. Les plus nostalgiques peuvent retrouver une grande partie de ces promesses dans «l'abécédaire des propositions de Nicolas Sarkozy», un document longtemps hebergé sur le site de l'UMP avant de mystérieusement disparaître.
Exonération des charges fiscales et sociales sur les heures supplémentaires:
22,5 milliards (4,5 milliards par an)
Traduction législative du «travailler plus pour gagner plus», l'éxonération sur les heures supplémentaires coûte très cher, 4,5 milliards par an.
Crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunts:
14 milliards (2,8 milliards par an)
Cette mesure issue du paquet fiscal de 2007 a été supprimée en 2010. Son coût atteignait au maximum 2,8 milliards par an. Procédons avec mauvaise foi en multipliant par 5 ce chiffre qui était plus faible en début de mandature.
Exonération des droits de donation et de succession pour tous les patrimoines petits et moyens:
11 milliards (2,2 milliards par an)
Cette autre mesure du paquet fiscal coûtait 2,2 milliards par an avant que le gouvernement ne la réforme en douce à l'occasion de la réforme de l'ISF.
Bouclier fiscal:
3 milliards (0,6 milliard par an)
Souvenir vintage du début de mandat de Sarkozy, le bouclier fiscal a été supprimé en 2011, en échange d'une réforme de l'Impôt de solidarité sur la fortune. Il aura coûté en moyenne 600 millions par an.
Assurer l’effectivité du droit au logement:
2,5 milliards (0,5 milliard par an)
L'Institut de l'entreprise chiffrait à 8,5 milliards l'effort à fournir pour construire les 170.000 habitations nécessaires pour reloger tous les SDF français et proposait de l'amortir en 15 ans, soit 0,5 milliard par an. Rappelons que Sarkozy assurait que dès 2009, il n'y aurait plus aucun SDF en France:
«Je veux si je suis élu président de la République que d'ici à deux ans plus personne ne soit obligé de dormir sur le trottoir et d'y mourir de froid.»
Un rapide fact-checking dans le métro nous assure de l'échec de sa politique.
Mise en place d’études dirigées, du droit opposable à la scolarisation des enfants handicapés et du plan d’urgence au profit de l’éducation prioritaire:
13 milliards (2,6 milliards par an)
L'intitulé de ces mesures est reprise exactement d'un communiqué de presse des porte-parole de Nicolas Sarkozy qui chiffraient le projet en février 2007 (voir en PDF). Fin gestionnaire, Nicolas Sarkozy n'a pas tenu ces coûteuses promesses pourtant jugées «prioritaires».
Création d’une 5e branche de la protection sociale, le risque dépendance:
17,5 milliards (3,5 milliards par an)
Cette réforme devait être la dernière grande de la mandature Sarkozy, mais ne verra finalement pas le jour avant 2012. Le coût est très difficile à chiffrer mais prenons le chiffrage qu'en avait fait le candidat Sarkozy en 2007.
Allocation familiale au premier enfant:
12,5 milliards (2 milliards par an)
Mesure complètement oubliée, l'allocation familiale dès le premier enfant aurait coûté 2 milliards par an selon le chiffrage de l'équipe de campagne de Sarkozy. Christian Estrosi avait tenté, sans succès, de faire revivre la mesure en déposant une proposition de loi.
Création d'un service civique:
15 milliards (3 milliards par an)
Le service civique, lanceé en 2010 dans une version allégée, devait à l'origine être obligatoire et durer 6 mois pour tous les jeunes. Un coût évalué à 3 milliards par an selon l'Institut de l'entreprise.
Abaisser à 5,5% le taux de TVA dans la restauration:
16 milliards (3,2 milliards par an)
La baisse de la TVA dans la restauration, vieille promesse chiraquienne, avait été promis par Sarkozy et est entrée en vigueur en juillet 2009, coûtant 3,2 milliards par an selon la Cour des comptes. Supposons que la mesure ait été mise en place dès l'été 2007, le coût total aurait été de 16 milliards.
Améliorer les conditions de gardes d'enfants:
6 milliards (1,2 milliard par an)
Un temps envisagé, le droit opposable à la garde d'enfants n'aura finalement jamais vu le jour. L'Institut de l'entreprise chiffrait l'effort budgétaire à 1,2 milliard par an.
Création d'une allocation de formation pour les étudiants:
15 milliards (3 milliards par an)
Qui se souvient de cette promesse qu'on croirait tirée d'un programme du PS? Sarkozy assurait vouloir mettre en place une allocation de 300 euros par mois pour les étudiants. Une mesure qui aurait coûté 3 milliards par an selon l'Institut de l'entreprise. Sauf si les étudiants français s'avéraient plus glandeurs que prévus, puisque Sarkozy assortissait cette allocation de l'obligation d'aller en cours.
Création d'un prêt à taux zéro pour les jeunes:
5 milliards (1 milliard par an)
Sarkozy voulait aussi proposer des prêts avantageux pour les jeunes. Magnanime, nous avons retenu l'hypothèse basse de l'Institut de l'entreprise, l'hypothèse haute portant le coût de ce dispositif à 2,1 milliards par an.
Augmenter le budget de l'enseignement supérieur de 50% et porter l’effort de recherche à 3% du PIB en cinq ans:
50 milliards (10 milliards par an)
Ce projet très ambitieux, que Sarkozy a réalisé en partie, était chiffré à 10 milliards par an par l'Institut de l'entreprise selon les promesses du candidat en 2007. Une telle augmentation des crédits génère de fortes perspectives de croissance à long terme qui ne sont évidemment pas comptés selon la méthode comptable UMP.
Assurer l'accès de tout le territoire aux technologies de l’information et de la communication:
2,5 milliards (0,5 milliard par an)
L'objectif, repris dans le plan de relance de 2009, était évalué à 0,5 milliard par an par l'Institut de l'entreprise.
Amélioration du remboursement des soins dentaires et optiques:
7,5 milliards (1,5 milliard par an)
En 2007, Sarkozy avait remarqué fort justement que «ces soins, indispensables à une vie digne et de qualité, sont aujourd’hui très mal remboursés». La promesse a été enterrée, elle aurait coûté 1,5 milliard par an si le taux de remboursement de 30% était porté à 50%, selon les calculs de l'Institut de l'entreprise.
Augmenter de 25% le minimum vieillesse:
10 milliards (2 milliards par an)
Si elle avait été appliquée entièrement, la mesure aurait coûté 2 milliards par an selon l'Institut de l'entreprise. Sur un de leurs sites, les Jeunes Populaires reconnaissent eux-même que la faible augmentation à ce jour du minimum vieillesse est «trop peu dans l’absolu».
Passer le budget du Sport à 3% du budget de l'Etat:
20 milliards (4 milliards par an)
En 2007, Sarkozy proposait que le budget des Sports soit porté à 3% du budget de l’Etat, notamment en doublant les heures de sport à l'école. Quatre ans plus tard, on a David Douillet. C'est moins cher que les 4 milliards par an envisagés par l'Institut de l'entreprise.
Revaloriser l'Allocation adulte handicapé de 25%:
2,15 milliards (0,43 milliard par an)
La promesse a quasiment été tenue par Sarkozy, le coût de celle-ci pourrait être sommairement évalué à 0,43 milliard par an, si l'on retranche le coût actuel du dispositif à son coût en 2007. Là encore, nous faisons preuve de mauvaise foi, comme si l'augmentation de 25% avait eu lieu dès le début du mandat.
Construction d'un second porte-avions:
2 milliards (0,4 milliard par an)
Sans cesse repoussée, la décision concernant le lancement du chantier d'un second porte-avions, jugé comme évident en 2007, coûterait 2 milliards d'euros.
Investissement pour le patrimoine:
2 milliards (0,4 milliard par an)
«Avec 4 milliards d’euros, en dix ans, on pourrait rendre sa splendeur à l’ensemble de notre patrimoine monumental dont 490 monuments majeurs en France», déclarait Sarkozy dans Télérama. Une jolie promesse qui aurait coûté, on le suppose, 2 milliards en 5 ans.
Et en tout, ça fait donc 249 milliards, qu'on arrondira pour plus de commodité à 250 milliards.
D'autant que par charité, on n'a pas compté diverses promesses:
- l'augmentation des pensions de réversion pour les veuves
- l'amélioration des retraites des femmes ayant cessé leur activité professionnelle pour éduquer leurs enfants
- le relèvement du niveau des indemnités chômage pour les bas salaires
- la création de classes de 15 élèves dans les banlieues
- l'année de cotisations de retraite octroyée à ceux qui ont fait 10 ans de bénévolat
- l'augmentation du budget de la Cnil
- la gratuité dans les musées
- l'introduction d'un jury en correctionnelle
- l'augmentation du numerus clausus pour les médecins
- l’exonération totale d’impôts sur le revenu pour tous les migrants africains résidant en France lorsque leur argent est investi dans des micro-projets de développement sur place
- la création d'une zone franche globale dans les départements d’outre-mer
Vincent Glad