France

Sarkozy l'Allemand

Temps de lecture : 3 min

Ein deutscher Sarkozy... Fini le président atlantiste, bienvenue au chantre de l'orthodoxie germanique. Mais peut-on croire à cette conversion?

Nicolas Sarkozy accueille Angela Merkel à Deauville en 2010. REUTERS/Philippe Wojazer
Nicolas Sarkozy accueille Angela Merkel à Deauville en 2010. REUTERS/Philippe Wojazer

«Je veux rapprocher la France d'un modèle qui marche: l’Allemagne Cette déclaration, fil rouge de l'intervention de Nicolas Sarkozy jeudi soir à la télévision et qui semble devoir dessiner la ligne de sa future campagne présidentielle, laisse coi.

Sarkozy l’Allemand? On croit rêver. Il se présentait bien plus comme «anglo-saxon» depuis son plus jeune âge politique à Neuilly. Il disait, comme François Fillon d’ailleurs, vouloir rééquilibrer l’axe Paris-Berlin pour un triangle avec Londres. Nicolas Sarkozy était l’Américain, bien loin du protestantisme, de la rigueur et du holisme germaniques.

La rigueur? Il n’a cessé de la dénoncer durant quatre ans allant dire au Congrès de Versailles en 2009: «La rigueur a toujours échoué.» Il était sur ce sujet de l’équilibre budgétaire de l’avis d'Henri Guaino, son conseiller spécial, grand combattant des critères de Maastricht. Le mot «austérité» est d’ailleurs toujours tabou, «gestion rigoureuse», dit-il. Le mal à dire les mots cache difficilement l’hésitation dans la ligne politique.

En outre, s’il définit l’austérité par «la baisse des salaires des fonctionnaires», comme dans les pays du sud de l’Europe, Nicolas Sarkozy oublie de dire qu’en Allemagne tous les salaires, y compris ceux du secteur privé, ont baissé pendant près d’une décennie après l’adoption des mesures dites Agenda 2010 de Gerhard Schröder en 2002.

Le président reste mal assuré sur tout ce dossier de la politique macro-économique des finances publiques. S’il devient «Allemand», il le devient à contre genre.

En revanche, il est en harmonie germanique pour ce qui concerne l’industrie et, en gros, la politique micro-économique. Il est sur ce terrain beaucoup plus à l’aise, lui qui «aime les usines», comme il l’a dit plusieurs fois. Quand il définit une ligne politique autour de quatre mots –«le travail, l’innovation, la formation, l’investissement», quatre mots qui reviendront à coup sûr dans sa campagne–, il est en effet «allemand». Et en effet notre voisin a bien des choses à nous apprendre sur ces terrains micro-économiques.

Mais que Nicolas Sarkozy n’eut-il été «allemand» plus tôt? L’interrogation est légitime. Il dénonce les 35 heures, que ne les a-t-il abolies? Il parle de formation, pourquoi la réforme en France de la formation professionnelle n’a-t-elle été qu’une mascarade? La taxe professionnelle diminuée? Sans doute. Mais que n’a-t-il conduit dès sa prise de fonction une politique déterminée et continue d’amélioration de la compétitivité française? Le président n’a pas un bon bilan à cet égard au simple examen du chiffre du commerce extérieur: 75 milliards d’euros de déficit quand les Allemands ont 160 milliards d’excédents. Il est là, dans la micro-économie, «allemand» dans l’esprit cette fois, mais pas «allemand» dans les résultats.

Le seul moteur possible d'une Europe en crise

L’autre chapitre du «soudain-Allemand Sarkozy», concerne l’axe Paris-Berlin. Ici le bilan est, si l’on peut dire, inverse: Sarkozy n’était pas germanique dans l’esprit, mais il affiche des résultats. C’est la crise qui change tout.

Avant, le président n’est tout simplement pas intéressé par la cause européenne. Il est gaulliste chiraquien, l’Europe est nécessaire mais la volonté nationale est supérieure. L’axe franco-allemand est une obligation fastidieuse et ses mauvais premiers contacts avec Angela Merkel n’aident pas. Les deux personnalités sont à l’exact opposé: une ingénieure formée à l’Est et un président hors-norme, bling bling.

Lehman Brothers change tout. Le général Sarkozy, mauvais à l’état-major mais bon sur le terrain, une sorte de Patton français, comprend tout de suite que les banques vont mal et que le sauvetage doit être européen. C’est la chancelière qui va trainer les pieds tout du long de la crise, mais le président français ne la lâchera pas.

Il sait que l’axe franco-allemand est le seul moteur possible d’une Europe en crise. Le résultat est contestable (il aura fallu 2 ans pour résoudre la crise grecque à condition encore qu’elle le soit enfin) mais le président français n’a pas ménagé sa peine et il a été constamment au travail avec les Allemands.

Alors peut-on croire que désormais Nicolas Sarkozy est «Allemand»? Il a toujours ce talent d’adopter un accent de sincérité qui pousse à le croire sur parole. Sur le fond, que la France fasse «converger» son économie avec l’allemande est évidemment nécessaire, à condition de rester plus keynésien et de veiller à «la demande globale», plus que ne le croient nos amis d’outre-Rhin.

Donc oui, allez-y Monsieur Sarkozy. Reste… que le parcours du président a été trop sinueux et ses convictions successives trop peu solides pour qu’on ne trouve pas sa deutche conversion fragile.

Eric Le Boucher

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