Le lundi 10 octobre, la chanteuse Beyoncé a été accusée –preuves à l’appui– d’avoir copié une danse de la chorégraphe belge Anne Teresa de Keersmaeker dans le clip de sa nouvelle chanson, Countdown.
Certaines scènes de la vidéo ressemblent en effet presque trait pour trait à celles d’un film de 1997 tiré d’une des créations de la chorégraphe, Rosas danst Rosas (1983); et la ressemblance vaut tant pour les décors que pour les mouvements. Mais peut-on vraiment plagier une danse?
Oui –mais tout dépend ici que ce vous entendez par «danse». Une œuvre chorégraphique complète –le Lac des cygnes de Balanchine, par exemple– est protégée par les dispositions du copyright intellectuel (et toute imitation peut donc être considérée comme un plagiat), mais il faut pour cela qu'elle satisfasse à trois exigences légales.
Danse copyrightée
L'œuvre doit représenter «la composition et les arrangements de mouvements et de modèles de danse destinés à être accompagnés d'une musique»; elle doit être originale (et non la simple reproduction d'une chorégraphie existante); et elle doit exister sous une forme fixe et tangible.
Pour respecter cette troisième exigence, les danses sont généralement enregistrées sur bande vidéo, ou retranscrites à l'aide d'un système de notation. Si une œuvre répond à ces critères, le chorégraphe, la compagnie de danse, l'organisation qui en a fait la demande –entre autres personnes, suivant le procédé de création– peuvent en revendiquer la propriété.
Pas pour les mouvements
En revanche, la législation sur le droit d'auteur ne protège pas les pas de danse individuels (ni les séquences de mouvements). En musique, une note isolée (ou une courte séquence de notes) ne peut être protégée par les droits d'auteurs; la même règle s'applique aux mouvements.
Prenons l'exemple du célèbre mouvement de danse appelé le «shimmy»: il n'est pas assez complexe pour être considéré comme une «œuvre», et peut donc être librement utilisé par un producteur de clip musical. Il en va de même pour les poses de danse classique, comme le plié ou l'arabesque.
Mais Beyoncé ne s'est pas contentée de plagier la chorégraphie; elle a reproduit les décors et copié les costumes originaux, et s'expose donc de ce fait à d'éventuelles poursuites (en examinant l'ensemble de ces éléments, une cour de justice pourrait en effet considérer le clip comme une version de l'œuvre de Keersmaeker).
La justice la disculperait peut-être –mais le monde de la danse moderne se montrera sans doute nettement moins clément. C'est la deuxième fois cette année que la chanteuse est accusée de s'être librement «inspirée» de l'œuvre d'une artiste contemporaine.
Une ville peut-elle faire interdire la danse?
Un remake de Footloose sort fin décembre au cinéma. Le film de 1984 raconte l'histoire d'un petit groupe de jeunes Américains en lutte contre leur municipalité, qui vient de faire interdire la danse (pour des raisons religieuses). Une telle interdiction est-elle possible?
En un sens, oui. Les municipalités américaines peuvent mettre en place des règlements de zonage et prendre des arrêtés sur le bruit, qui régissent tous les types de divertissement pouvant être pratiqués dans les espaces publics (danse y compris).
Dans un grand nombre de villes, les établissements doivent obtenir plusieurs licences (en plus de celles leur permettant de vendre de l’alcool et de la nourriture) pour permettre à leurs clients de danser. Ces derniers peuvent s’en donner à cœur joie sans être inquiétés, mais l’établissement ne peut organiser, faciliter ou faire de la publicité pour cette activité.
La bataille pour la danse
Le scénario de Footloose est tiré de l’histoire de la ville d’Elmore City (Oklahoma); jusqu’en 1980, il était interdit d’y danser en public (et ce en raison d’une loi datant de 1861). Les citadins organisaient des soirées dansantes à leur domicile (ces dernières ne pouvaient être interdites), mais il était impossible d’y danser dans les espaces publics –jusqu’à ce que les élèves du lycée décident de se battre pour avoir le droit d’organiser leur bal de fin d’année; et qu'ils finissent par gagner l’approbation (hésitante) du conseil scolaire.
La plupart des villes sont épargnées par ces mesures extrêmes, mais il arrive encore que certaines d’entre elles soient prises d’accès de pudibonderie.
En 1990, un groupe de lycéens de Purdy (Missouri) ont porté leur cause –l’autorisation des bals au sein de leur établissement– devant la Cour suprême des Etats-Unis; qui a rejeté leur demande d’audience. (Les juges ont confirmé –sans faire de commentaire– la première décision de justice, qui spécifiait que ces questions relevaient des responsables du conseil scolaire, quelles que puissent être leurs motivations).
A New York, en 2007, une requête visant à faire annuler une «loi des cabarets» remontant à la Prohibition a été jugée irrecevable par la Chambre d’appel de la Cour suprême locale; la cour a déclaré que la danse n'était «pas une forme d’expression protégée par la Constitution de l’Etat fédéral ou par celle de l’État de New York». Enfin, de nombreux conseils scolaires d’Amérique ont interdit certaines formes de danses modernes; c'est par exemple le cas du grinding (ou «freak»).
Bryan Lowder
Traduit par Jean-Clément Nau