Sports

Rugby: les consultants, des anciens joueurs comme les autres

Temps de lecture : 4 min

De la difficulté d'analyser objectivement les performances d'anciens coéquipiers ou adversaires.

Christophe Califano et Marc lièvremont à l'entraînement avec l'équipe de France le 18 février 1998, REUTERS
Christophe Califano et Marc lièvremont à l'entraînement avec l'équipe de France le 18 février 1998, REUTERS

Si t’es ancien joueur de rugby de haut niveau et si t’es pas consultant pendant cette coupe du monde de rugby, eh bien, t’as clairement raté ta vie (médiatique). Combien sont-ils? Impossible de les compter tant ils sont partout: à la télévision, à la radio, sur le web, en presse écrite… Il est d’ailleurs possible que ces experts de l’Ovalie réussissent le tour de force d’être encore plus nombreux que leurs homologues footballeurs emmenés par les célèbres «anciens de 1998» lors de la dernière coupe du monde sud-africaine, même s’il faut bien admettre que publicitairement, en revanche, un «vieux» joueur de rugby est nettement moins visible dans les réclames qu’un «vieux» joueur de football.

Dans cette mêlée de commentateurs se côtoient à la fois joueurs sortis de leur retraite, entraîneurs aux agendas surchargés entre rencontres du Top 14 à préparer et interventions pour délivrer la bonne parole après chaque match du XV de France, ou stars toujours en activité et recalées avant de monter dans l’avion pour Auckland à l’image de Sébastien Chabal recruté par TF1 et Orange Sport et qui parle dans sa célèbre barbe fournie, si bien qu’il faut tendre l’oreille pour entendre sa parole qui, si elle n’est pas d’or, est au moins d’argent. Parmi les hommes fort occupés figure également Bernard Laporte, le Marc Lièvremont de 2007, au four et au moulin entre RMC et Canal Plus et qui doit aussi penser dans le même temps à son nouveau club, Toulon.

Cette impression de nombre est renforcée par le fait que nos consultants rugby, sans doute plus lettrés que nos footeux, écrivent beaucoup, à moins qu’on ne leur tienne leur stylo. Lundi 3 octobre, Pierre Berbizier avait ainsi une tribune dans Le Monde charitablement titrée «XV de France: l’entraîneur doit s’effacer définitivement ». Le même jour, Guy Novès, l’entraîneur du Stade Toulousain, avait page ouverte dans les colonnes du Midi Olympique où il taillait en pièces la stratégie de jeu du XV de France dans sa chronique intitulée «Peut-on tirer dans le même sens?»

En voie de surmédiatisation

Trêve de plaisanterie. Ce que nos spécialistes ont à dire est souvent intéressant voire captivant, mais un sentiment affleure: celui que le rugby est en train de tomber dans tous les pièges de la «surmédiatisation», ou au moins de l’excès, qui a écorné la réputation de football. Même impression de déclamations excessives, d’overdose avec ce déferlement de mots, quelquefois contradictoires, où chacun meuble les vides de cette coupe du monde aux si nombreux temps morts mais avec un XV très fragile et donc aisément attaquable, où chacun fait son petit numéro de claquettes en refaisant le match de cette pauvre équipe de France dix fois, vingt fois, trente fois. Dans sa chronique du mardi 4 octobre, Vincent Duluc, journaliste football de L’Equipe ironisait de la sorte:

«Qu’ils ne s’inquiètent pas: à force de vouloir rejoindre les footballeurs, les rugbymen finiront bien par y arriver. Ils sont prometteurs, on sent qu’il leur manque quelque chose. Un plus gros salaire peut-être?»

Duluc parlait des joueurs, du terrain et de ses à-côtés. Il aurait également pu évoquer cet envahissement de l’aire médiatique par ces commentateurs de tout poil (souvent hérissé) parfois face à leurs contradictions de consultants, même si elles ne sont pas beaucoup relevées. On se souvient que Raymond Domenech avait fini par être exécuté par les «anciens de 1998» à commencer par Bixente Lizarazu qui l’avait publiquement défié. Marc Lièvremont n’est pas épargné non plus par la vieille garde qui ne l’a jamais vraiment adoubé depuis sa prise de fonction en 2007 avec en toile de fond les relations parfois houleuses entre la Fédération française de rugby (FFR) et les clubs représentés par la ligue nationale.

Qui est qui?

Ce que ne disent pas les consultants, qui se voudraient neutres mais ne le sont pas vraiment, c’est quelle est leur relation, dans la vie, avec le(s) joueur(s) ou l’entraîneur objet de leur cible ou de leurs louanges. Sont-ils amis? Ont-ils joué ensemble dans le passé? Se sont-ils opposés? Il y a quelques mois, Fabien Galthié, consultant pour France Télévisions, entraîneur de Montpellier et déjà opposant du prochain sélectionneur Philippe Saint-André qu’il n’aime pas, avait honnêtement assumé ses contradictions dans l’Equipe Magazine:

«Lors du match entre Perpignan et le Munster, j’avais dit, au moment où le fameux Jean De Villiers est entré sur le terrain: «Mais pourquoi l’entraîneur l’a mis sur le banc en début de match?» C’est facile à dire: je ne connais pas le coach du Munster et personne ne va lui rapporter mes propos. C’est forcément plus délicat pour moi de mettre en cause un choix de Marc Lièvremont avec qui j’ai joué.»

Christophe Dugarry, qui officie sur Canal Plus, avait également concédé qu’il n’était pas toujours au clair avec lui-même lorsqu’ils parlaient de ses amis, Laurent Blanc et Didier Deschamps. D’ailleurs, dans l’hypothèse où l’équipe de France de football n’irait pas à l’Euro 2012, Laurent Blanc aurait-il droit au même tir de barrage des dits consultants estampillés 98? Peu probable.

Toutes ces références relationnelles entre les uns et les autres manquent aux téléspectateurs qui ne savent pas forcément comment interpréter les paroles si libres de nos spécialistes qui se lâchent. Et ils le peuvent d’autant moins que les journalistes sportifs ne les éclairent pas vraiment sur le sujet. Journalistes réduits au silence en quelque sorte, relégués sur le banc de touche de ce terrain de l’affrontement médiatique ou du débat technique qu’ils ont abandonné en partie à d’autres sur leurs antennes ou dans leurs pages. Comme s’ils avaient moins de choses à dire que leurs prestigieux «confrères», comme s’ils pensaient moins qu’eux en étant confinés à la seule description.

Yannick Cochennec

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