Céder à la panique ou garder son calme? Mardi 28 avril, cinq jours après le lancement de l'alerte épidémique, la question est plus que jamais d'actualité. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) en témoigne de manière exemplaire. Margaret Chan, directrice générale de cette institution onusienne vient d'annoncer qu'elle avait décidé de relever son niveau d'alerte de 3 à 4 sur une échelle de 6. Mercredi 29 avril le niveau a cette fois été porté à 5. Cela signifie «un signe fort de l'imminence d'une pandémie».
Céder à la panique? Le docteur Keiji Fukuda, adjoint de Mme Chan en charge de la sécurité sanitaire a expliqué à la presse que cette décision signifiait «une augmentation significative du risque de pandémie» et qu'aucun pays au monde n'était plus à l'abri de la contamination par le nouveau virus grippal apparu au Mexique; un virus dont l'OMS redoute que, par le biais de mutations génétiques, il devienne rapidement «beaucoup plus dangereux». Garder son calme? « A ce stade, l'OMS ne considère pas que la pandémie est inévitable», a ajouté le docteur Fukuda.
Le passage d'un stade à un autre du niveau d'alerte est décidé par le «Comité d'urgence du règlement sanitaire international» structure composée d'une quinzaine d'expert internationaux convoquée par l'OMS. Le stade 2 correspond à une situation où un nouveau virus pathogène a contaminé les hommes et le stade 3 est décrété quand le virus est à l'origine de plusieurs foyers infectieux sans pour autant se transmettre massivement entre humains. A ce stade, les experts considèrent la menace pandémique comme n'étant que «potentielle».
Passer au stade 4 correspond à une forte augmentation du risque pandémique. Le déclenchement du stade 5 signifie «un signal fort qu'une pandémie est imminente» et qu'il ne reste que très peu de temps pour s'y préparer. Ce stade est défini par l'existence de plusieurs foyers dans plus de deux pays d'une même région de l'OMS. Enfin, le stade 6 est activé quand la pandémie est officiellement déclarée, soit quand deux régions distinctes dans le monde sont touchées.
Le dernier bilan sanitaire disponible fait état de 159 morts au Mexique tandis que les premiers cas viennent d'être recensés en Europe: deux en Ecosse et un en Espagne. Un cinquantaine de cas ont été confirmés aux Etats-Unis (et un dècès) et au Canada tandis qu'un nombre croissant de pays font état de cas suspects ou confirmés chez des personnes ayant effectué un séjour récent au Mexique. De nombreux cas suspects sont notamment en observation en Belgique, en Suisse, au Danemark, en Suède et France.
Pourquoi, dans un tel contexte, ne pas prendre des mesures drastiques -comme la fermeture des frontières - pour circonscrire au plus vite les foyers infectieux? Pour l'OMS la question n'est d'ores et déjà plus d'actualité et il faut ici savoir raison garder. «A une époque où les gens voyagent en avion très rapidement à travers le monde, il n'y a aucune région où le virus pourrait ne pas s'étendre, explique-t-on au siège de l'organisation à Genève. Le virus s'est déjà propagé. Fermer les frontières ou restreindre les voyages n'aurait vraiment que très peu d'effet pour stopper les déplacements de ce virus. Il faudrait imposer des restrictions de voyage extrêment draconiennes pour avoir un impact sur le déplacement de ce virus.»
Garder son calme? Pour les experts de l'OMS le virus a déjà trop diffusé à travers le monde «pour qu'une stratégie de confinement soit réalisable». Dans le même temps, en dépit de l'évolution très rapide de la situation épidémiologique un élément important et a priori rassurant doit être pris en compte. Si la transmission interhumaine du nouveau virus grippal ne fait aucun doute le degré de contagiosité peut apparaître relativement faible. Du moins pour l'heure. Ainsi les cas observés en dehors du Mexique chez des personnes en provenance de ce pays n'ont pas été à l'origine de cas secondaires dans leur entourage.
Calme ou panique? La question est désormais ouvertement posée aux Etats-Unis où les autorités sanitaires expliquent se préparer à devoir lutter contre une épidémie grippale. «La grippe porcine est un sujet d'inquiétude, a reconnu le président Barack Obama devant l'Académie nationale américaine des sciences le 27 avril. Mais il n'y a pas de raison de s'alarmer.» Les Etats-Unis (44 cas avérés recensés dans cinq Etats) ont d'ores et déjà déclaré l'état d'urgence sanitaire et un dépistage a été instauré aux frontières. La secrétaire américaine à la Sécurité intérieure Janet Napolitano a souligné que les voyageurs présentant des symptômes grippaux seraient placés en isolement. Elle a d'autre part appelé ses compatriotes à la vigilance et au respect «des règles de bon sens».
Panique ou calme? On observe la multiplication à travers le monde des mesures de prévention comme le renforcement des contrôles aux frontières et dans les aéroports et la restriction des voyages au Mexique et dans certains Etats américains. On observe aussi quelques premiers symptômes qui ne peuvent manquer d'inquiéter quant à la suite des évènements. Le ministère japonais des Affaires étrangères a ainsi annoncé mardi 28 avril qu'il allait durcir les conditions d'octroi des visas aux Mexicains. «Cela s'inscrit dans nos efforts pour empêcher le virus d'entrer dans notre pays» a déclaré un responsable du ministère japonais à l'Agence France Presse. En pratique le gouvernement japonais va demander à son ambassade au Mexique de suspendre le système d'exemption de visa et de renforcer les procédures de contrôle dans ce pays. Jusqu'à présent les Mexicains se rendant au Japon obtenait automatiquement à leur arrivée, sur simple présentation de leur passeport, un visa de tourisme de six mois. Ils devront désormais réclamer un visa dans une mission diplomatique japonaise. Devront-ils alors subir des examens médicaux et virologiques ?
Ce n'est pas tout. Hirofumi Nakasone, ministre japonais des Affaires étrangères Hirofumi Nakasone a appelé les ressortissants japonais au Mexique «à envisager un départ anticipé si possible, car il pourrait y avoir un problème pour quitter le pays à l'avenir». Quant à Yoichi Masuzoe, ministre japonais de la Santé il demande à ses compatriotes de «renoncer à leurs voyages au Mexique et dans les autres pays touchés par le virus». C'est à dire, par exemple, les Etats-Unis, le Canada, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et l'Espagne.
Jean-Yves Nau
Photo: Contrôles sanitaires à l'arrivée à l'aéroport de Kuala Lumpur en Malaisie REUTERS/Bazuki Muhammad
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