Entre la suite de l'enquête judiciaire sur l'affaire Karachi et celle sur l'affaire Woerth-Bettencourt, le carnet d'adresses du président de la République a de sérieux ennuis avec la justice. Amis, conseillers, proches ou connaissances? On fait le point sur les relations de Nicolas Sarkozy avec ceux qui font parler d'eux chez les juges et dans les médias ces dernières semaines. Le dernier en date? Bernard Squarcini, patron du contre-espionnage français mis en examen le 17 octobre.
- Ziad Takieddine
- Nicolas Bazire
- Thierry Gaubert
- Brice Hortefeux
- Eric Woerth
- Philippe Courroye
- Bernard Squarcini
- Frédéric Péchenard
- Claude Guéant
Capture d'écran / Interview BFM
Ziad Takieddine
Liens avec Nicolas Sarkozy: Ami ou vague connaissance?
L’homme d’affaires franco-libanais assure n’avoir rencontré le président «que deux fois dans [s]a vie» et ne pas lui être «attaché».
Mais ce n’est pas ce qu’il avait dit à Fabrice Arfi et Fabrice Lhomme, qui l’interrogeaient pour leur livre Le Contrat. Il avait alors déclaré: «Sarkozy est mon ami, OK? Et depuis longtemps. Je l'ai rencontré en 1993 lors d'une soirée chez Léotard. Je l'ai aidé pour débloquer le contrat Miksa, j'ai organisé ses visites en Arabie saoudite. Je l'ai accompagné trois fois là-bas […] Je le vois toujours, Sarkozy.»
Une déclaration d’amitié pas reconnue par le président de la République, qui ne l’a pas non plus explicitement niée. «Je vous mets au défi d'établir un lien ou d'apporter la preuve d'un lien entre M. Sarkozy et M. Takieddine», a lancé son conseiller spécial Henri Guaino lors d’une émission de télévision. Défi risqué puisque relevé par les journalistes de Mediapart, qui démontrent que, s’il n’existe pas nécessairement de lien d’amitié entre les deux hommes, il y a en tout cas bien eu un lien.
Affaire judiciaire: Le Karachigate
Ziad Takieddine joue un rôle d’intermédiaire dans la vente de sous-marins à l’Arabie saoudite et au Pakistan. Il y débarque à deux mois de la signature et alors que les négociations ont déjà abouti, ce qui est très inhabituel.
Accusé de s’être rendu en Suisse pour y chercher des valises de billets et les ramener à Paris afin de financer la campagne présidentielle d’Edouard Balladur (dont Nicolas Sarkozy était le porte-parole), il a été mis en examen par le juge Van Ruymbeke. Interdiction de quitter le territoire et d’entrer en contact avec plusieurs personnes dont Nicolas Bazire, Thierry Gaubert et Brice Hortefeux.
Nicolas Bazire et Edouard Balladur / Reuters
Nicolas Bazire
Liens avec Nicolas Sarkozy: Ami
On les appelait «Les deux Nicolas». Bazire était directeur du cabinet du Premier ministre Edouard Balladur quand Sarkozy était ministre du Budget, puis directeur de la campagne présidentielle de Balladur là où Sarkozy en était le porte-parole. Témoin du mariage du président de la République avec Carla Bruni le 2 février 2008, le numéro 2 du groupe LVMH est resté un ami du président, «mais ce n’est pas un proche conseiller, il ne l’a jamais été», affirme Henri Guaino.
Affaire judiciaire: le Karachigate
Soupçonné d’avoir réceptionné des valises de billets –les rétrocommissions supposées de la vente de sous-marins à l’Arabie saoudite et au Pakistan– rapportées du Luxembourg par Ziad Takieddine et Thierry Gaubert, afin de financer la campagne présidentielle d’Edouard Balladur, Nicolas Bazire a été mis en examen par le juge Van Ruymbeke le 22 septembre, pour complicité d’abus de biens sociaux.
Thierry Gaubert / Reuters
Thierry Gaubert
Liens avec Nicolas Sarkozy: Ancien conseiller
Celui qui conseillait Nicolas Sarkozy quand il était ministre du Budget, en 1994, «n’est plus dans l’entourage du président de la République depuis plus de quinze ans», affirme Henri Guaino. Thierry Gaubert est aujourd’hui directeur des affaires publiques et conseiller du président du groupe BPCE (Banques populaires-Caisses d'épargne).
Affaires judiciaires: Le Karachigate et le 1% logement
Soupçonné d’avoir transporté des valises de billets avec Ziad Takieddine depuis le Luxembourg vers Paris, il a été mis en examen le 21 septembre par le juge Van Ruymbeke, qui l’a ensuite laissé en liberté.
Depuis la révélation de ses conversations téléphoniques avec Brice Hortefeux et un entretien de la femme de Gaubert Hélène de Yougoslavie où elle a dit avoir été menacée, il est également visé par une plainte des familles des victimes de l’attentat de Karachi pour subornation de témoin: les familles l’accusent d’avoir tenté de faire pression sur le princesse de Yougoslavie pour qu’elle «revienne sur son témoignage» livré au juge.
Le 3 mai, Thierry Gaubert a par ailleurs été reconnu coupable «d'abus de confiance et d'abus de biens sociaux» dans une affaire de détournements de fonds issus du 1% logement, et condamné à 10 mois de prison avec sursis et à 10.000 euros d'amende.
Brice Hortefeux et Nicolas Sarkozy / Reuters
Brice Hortefeux
Liens avec Nicolas Sarkozy: Un ami de trente ans
A chaque nouveau poste occupé, celui qui est aujourd’hui président de la République trouve un job pour son ami Brice, parrain de son fils Jean Sarkozy. Après avoir été entre autres ministre de l’Immigration, du Travail et de l’Intérieur, il est désormais conseiller du président, et député au parlement européen.
Affaire judiciaire: Le Karachigate
Les familles des victimes de l’attentat de Karachi ont porté plainte contre lui pour complicité de subornation de témoin, violation du secret de l’enquête et entrave au déroulement des investigations. Elles l’accusent d’avoir eu accès illégalement au dossier de l’enquête menée par le juge Van Ruymbeke, d’avoir prévenu Thierry Gaubert des révélations de sa femme et de l’avoir encouragé à faire pression sur elle. Il a été entendu dans le cadre d’une enquête préliminaire parallèle pour violation du secret de l’instruction, comme témoin.
L’affaire Woerth-Bettencourt
Ce n’est pas la première fois que Brice Hortefeux est accusé de malmener la procédure judicaire. En décembre 2010, il a été condamné pour atteinte à la présomption d’innocence à l’encontre de David Sénat, ancien conseiller de Michèle Alliot-Marie au ministère de la justice.
David Sénat, soupçonné par le ministère d’être une source de journalistes du Monde sur l’affaire Woerth-Bettencourt, avait été muté. Sans plus de procès, et alors que David Sénat a toujours nié être à l’origine des fuites, Brice Hortefeux avait affirmé que ce haut fonctionnaire «alimentait un journaliste sur des enquêtes».
L’affaire des Auvergnats
Brice Hortefeux a également été condamné à une amende pour injure raciste contre un militant d’origine maghrébine de l’UMP (le fameux «quand y en a un ça va, c’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes…»). Il a finalement été relaxé sur un point de droit, mais la cour a précisé que ses propos étaient «méprisants et outrageants».
Nicolas Sarkozy et Eric Woerth / Reuters
Eric Woerth
Liens avec Nicolas Sarkozy: homme de confiance
C’était un des hommes de confiance du président de la République. Il était trésorier de la campagne de Nicolas Sarkozy pour l’élection de 2007, avant d’être nommé ministre du Travail puis du Budget. Depuis son départ du gouvernement, il a réintégré son poste de député de l’Oise.
Affaire judiciaire: l’affaire Woerth-Bettencourt
Eric Woerth y est plongé depuis l’été 2010. Il est entre autres accusé de conflits d’intérêts, soupçonné d’avoir fermé les yeux sur l’évasion fiscale de Liliane Bettencourt lorsqu’il était ministre du Budget (et trésorier de l’UMP), alors que sa femme travaillait dans le cabinet de gestion de fortune de l’héritière L’Oréal, et d’avoir reçu –il dément– beaucoup d’argent en liquide de Liliane Bettencourt en 2007, pendant la campagne de Nicolas Sarkozy. Il a démissionné de son poste de trésorier sur «conseil» de ce dernier en juillet 2010, et n’a pas été reconduit au gouvernement lors du remaniement du novembre suivant.
Nicolas Sarkozy et Philippe Courroye / Reuters
Philippe Courroye
Liens avec Nicolas Sarkozy: Ami
Le président de la République aurait déclaré devant les représentants d’un syndicat de magistrats que Philippe Courroye «est son ami», lui valant notamment d’être surnommé le «procureur du président».
Affaire judiciaire: l’affaire Woerth-Bettencourt
Le procureur est plus précisément impliqué dans le volet «écoutes de journalistes». Le Monde a porté plainte pour violation du secret des sources en 2010, affirmant que le procureur avait examiné les factures détaillées de journalistes pour savoir si la juge Isabelle Prévost-Desprez –alors en charge d’un volet de l’affaire Bettencourt– violait le secret de l’instruction en communiquant avec les médias.
En charge de la plainte, la juge d’instruction Sylvie Zimmerman devait le convoquer ce mois-ci, ainsi que son adjointe, en vue d’une éventuelle mise en examen dans ce cadre. Au lendemain de cette annonce, le procureur se défendait dans Le Figaro, affirmant que la plainte du Monde n’était de toute façon pas recevable. La juge a finalement reporté la convocation du procureur, sans que l’on en sache pour l’instant la raison, ni la nouvelle date prévue.
Bernard Squarcini et Brice Hortefeux / Reuters
Bernard Squarcini
Liens avec Nicolas Sarkozy: Proche
«L’homme des missions difficiles» fait partie des proches du président de la République depuis 2002 et l’arrivée de Nicolas Sarkozy Place Beauvau. C’est notamment lui qui a réussi l’arrestation d’Yvan Colonna après des mois de cavalcade. En 2008, Nicolas Sarkozy lui offre la direction du service de renseignement intérieur français, faisant de lui «l’ombre du président».
Affaire judiciaire: L’affaire Woerth-Bettencourt
Plus précisément son volet «écoutes». La juge d’instruction Sylvie Zimmerman enquête sur le rôle du patron de la DCRI –le contre-espionnage français– dans l’examen de factures détaillées pour découvrir la source du journaliste Gérard Davet au ministère de la Justice.
En septembre 2010, après la plainte du Monde pour violation du secret des sources, il avait indiqué que ses services étaient intervenus pour identifier la ou les sources d’informations publiées dans le journal. Convoqué comme témoin assisté par la juge Zimmerman le 17 octobre, il a finalement été mis en examen pour «atteinte au secret des correspondances», «collecte illicite de données» et «recel du secret professionnel» . Son avocat a assuré qu'il ne comptait pas démissionner.
Interrogé à ce sujet sur iTélé avant que Squarcini ne soit mis en examen, le ministre de l'Intérieur Claude Guéant avait dit qu'il «ne verrait pas pourquoi M. Squarcini devrait quitter son poste si sa mise en examen ne gêne pas l'exercice de ses fonctions», rappelant que la mise en examen n'est pas une reconnaissance de culpabilité.
Brice Hortefeux et Frédéric Péchenard / Reuters
Frédéric Péchenard
Liens avec Nicolas Sarkozy: Ami d'enfance
Frédéric et Nicolas ont grandi dans la même rue Fortuny, à Paris. Après s’être perdus de vue, ils renouent en 2002, lorsque l’actuel président devient ministre de l’Intérieur. Frédéric Péchenard ne cache pas ses liens avec son ami d’enfance, et reconnaît qu’«il est évident que, sans lui, je ne serais pas là où je me trouve».
Affaire judiciaire: L’affaire Woerth-Bettencourt
Plus précisément son volet «écoutes». La juge d’instruction Sylvie Zimmerman enquête sur le rôle du directeur général de la police nationale dans l’examen de factures détaillées pour découvrir la source du journaliste Gérard Davet au ministère de la Justice.
Après la plainte du Monde pour violation du secret des sources, il avait affirmé que des «vérifications techniques» avaient été opérées après consultation d’une «personne qualifiée» de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, qui avait immédiatement démenti. Il doit être entendu par la juge comme témoin assisté.
Nicolas Sarkozy et Claude Guéant / Reuters
Claude Guéant
Liens avec Nicolas Sarkozy: Conseiller
Désormais ministre de l’Intérieur, il était le directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy au ministère de l’Intérieur puis à celui des Finances. Nommé secrétaire général de l’Elysée le 16 mai 2007, son influence à l’Elysée durant quatre ans lui a valu le surnom de «vice-président».
Affaire judiciaire: le Karachigate, l’affaire des mallettes
Dans l’une comme dans l’autre, Claude Guéant n’est pas mis en cause par la justice. Son problème, ce sont ses amitiés gênantes avec les protagonistes de ces affaires: Ziad Takieddine, Alexandre Djourhi, et Robert Bourgi pour les mallettes. Depuis un mois, le ministre de l’Intérieur passe son temps à minimiser ces amitiés, affirmant connaître ces hommes mais ne pas les connaître «par les travers que certains leur prêtent»:
Il a bien fréquenté Bourgi, «tous les mois», lorsqu’il était conseiller à l’Elysée, mais uniquement parce que l’avocat est «un bon connaisseur de l’Afrique». Alexandre Djouhri est une personne avec qui il a «des relations amicales» sans pour autant qu’il sache «tout de lui», et il affirme ne pas avoir vu Ziad Takieddine depuis trois ans.
Cécile Dehesdin