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Comme prévu, la Palestine a déposé une demande d’adhésion à l’ONU, ce vendredi 23 septembre. Devenir le 194e Etat-membre à part entière de l’ONU lui accorderait un droit de vote et de proposition au sein de l’Assemblée générale.
Actuellement, la Palestine jouit du statut d’«entité». A ce titre, elle bénéficie d’une invitation permanente «à participer en qualité d’observateur aux sessions et aux travaux de l’Assemblée générale et [et bénéficie d’] un bureau permanent au siège de l’ONU». Elle peut participer aux travaux et sessions de l’Assemblée générale et des conférences internationales, présenter des motions sur les questions relatives à la Palestine et au Proche-Orient mais n’a pas le droit de vote.
Le veto d’ores et déjà annoncé des Etats-Unis annihile la demande palestinienne de devenir un Etat-membre. Pour sortir de l’impasse diplomatique, la France préconise de son côté de faire passer la Palestine d’«entité» à «Etat non-membre». Elle conserverait ainsi sa fonction d’observateur permanent (1) acquise depuis 1974 par l’Organisation de la libération de la Palestine. Mais resterait privée du droit de vote.
Le Vatican est actuellement le seul autre Etat (la Suisse l’était également jusqu’en 2002) qui dispose de ce statut.
Pour acquérir ce statut d’Etat non-membre, un vote à la majorité simple de l’Assemblée générale suffirait, ce qui reste largement envisageable puisque la Palestine, depuis sa déclaration d’indépendance en 1988, a été reconnue par près de 127 Etats, seuls dépositaires de la prérogative de reconnaissance d’un autre Etat. «L’admission à l’ONU en tant qu’Etat observateur aurait donc pour objet d’ajuster le statut de l’entité palestinienne à l’évolution de sa situation», explique Philippe Weckel, professeur de droit international à l’université de Nice Sophia-Antipolis.
Le statut de la Palestine est-il comparable à celui du Vatican ?
Conformément à la convention de Montevideo sur les droits et devoirs des Etats en 1933, un Etat, en droit international, doit rassembler plusieurs caractéristiques qui sont une population permanente, un territoire défini, un gouvernement et la capacité à entrer en relation avec les autres Etats. Le Vatican et la Palestine ont ce point commun de disposer d’un petit territoire, ce qui n’est absolument pas rédhibitoire pour être reconnu comme Etat. Les deux disposent d’un réseau diplomatique et d’une population.
C’est néanmoins leur qualité d’Etat souverain qui pose problème. Les accords d’Oslo en 1993 ont permis à l’Autorité palestinienne d’exercer un ensemble de fonctions régaliennes comme la police, la justice ou la diplomatie, restreintes toutefois par l’occupation israélienne.
Que cela changerait-il pour la Palestine?
Si la Palestine est reconnue comme un Etat non-membre, elle aura la possibilité de devenir membre d’organisations intergouvernementales et onusiennes où le veto américain ne s’exerce pas.
Le dirigeant de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, s’est montré clair à ce sujet dans une tribune du New York Times:
«L’admission de la Palestine aux Nations unies ouvrira le chemin à l’internationalisation du conflit sur le plan juridique, pas seulement d’un point de vue politique. Cela ouvrira également le chemin à la poursuite d’Israël devant les Nations unies, les organes chargés des droits de l’homme et la Cour pénale internationale.»
Bien que Mahmoud Abbas traite ici d’une admission de la Palestine en tant que 194emembre des Nations unies, l’hypothèse d’un recours devant la Cour pénale internationale reste plausible en étant Etat non-membre avec le statut d’observateur permanent.
Jusqu’à maintenant, la Cour pénale internationale n’a pas la capacité juridique de se prononcer sur les crimes revendiqués des deux côtés du conflit israélo-palestinien car Israël n’a pas ratifié le statut fondateur de Rome et la Palestine n’est pas reconnue comme un Etat apte à ratifier les traits internationaux.
«Si la Palestine est reconnue comme Etat et signe le statut de Rome, elle pourra néanmoins envisager de réclamer l’engagement des poursuites d’Israéliens présumés coupables et ayant une double nationalité», imagine Jean-Marc Thouvenin, directeur du centre de droit international de l’Université Paris-X Nanterre.
Pourquoi Israël continue de se montrer sceptique?
La porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères a rejeté la proposition française:
«Il s'agit d'une fausse bonne idée car il est impossible de brûler les étapes en accordant un Etat aux Palestiniens quelle que soit son appellation. Un Etat palestinien ne peut résulter que d'un accord avec Israël.»
«L'autorité de cette décision en ce qui concerne le statut de l'entité palestinienne dépendra donc de la représentativité et du poids de la majorité qui l'aura adoptée, estime Philippe Weckel. Israël n'est pas en mesure d'empêcher l'adoption de la résolution admettant la Palestine en tant qu'Etat observateur. Il peut encore espérer encore que la légitimité de cette décision soit faible.»
Judith Chetrit
L'Explication remercie Jean-Marc Thouvenin, directeur du centre de droit international à l'université Paris-X Nanterre et Philippe Weckel, professeur en droit international à l'université de Nice Sophia-Antipolis.
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(1) Sont également des observateurs permanents, des organisations intergouvernementales comme l’Union européenne ou d’autres entités comme la Croix rouge ou l’ordre militaire souverain de Malte. Retourner à l’article