France

L'indignation qui ne vient pas

Temps de lecture : 2 min

Le mouvement de ces militants d'un nouveau genre ne prend pas en France. Pourtant, notre pays a la révolte chevillée au corps social.

Des Indignados, à Madrid en juillet. REUTERS/Susana Vera
Des Indignados, à Madrid en juillet. REUTERS/Susana Vera

Les Indignés, qui se sont pourtant baptisés ainsi en référence au petit livre de Stéphane Hessel, auraient tout, sur le papier, pour rencontrer l’opinion d’une grande partie de nos concitoyens.

Nous sommes un peuple de révoltés permanents, nostalgique de nos révolutions. La mythologie du pavé née au cours des insurrections qui ont émaillé le XIXe siècle est ancrée dans notre culture.

C’est acquis: Gavroche et Enjolras, dans Les Misérables, sont ceux qui ont raison, pas les représentants de l’ordre. Cet esprit demeure dans l’inconscient collectif des Français, le succès des partis protestataires le prouve.

Paris, même embourgeoisé, est toujours un lieu propice à l’esprit de révolte comme le montre le dernier livre d’Eric Hazan, Paris sous tension, avec la crise, la désespérance sociale est là, presqu’aussi présente qu’en Angleterre, en Espagne ou en Italie. Et pourtant, ça ne prend pas.

La colère institutionnalisée

La mobilisation des Indignés est faiblarde: ces militants d’un nouveau genre, pacifique, souvent novice dans l’activisme, restent peu nombreux en France.

Le campement sauvage des Indignés devant Bercy, siège du ministère de l’Economie et des Finances, était symbolique, dans tous les sens du terme. Ils en ont d’ailleurs été délogés sans ménagement par la police dans une indifférence générale.

Pourquoi cela ne fonctionne-t-il pas? Il y a plusieurs explications.

La première est classique: en période électorale les mobilisations sont plus dures à activer. L’idée de pouvoir voter bientôt peut faire patienter. Et puis, la France a une spécificité: notre pays a intégré la révolte, il l’a institutionnalisée et, contrairement aux Espagnols, aux Anglais ou aux Italiens, l’offre politique française permet, peu ou prou, à tous ceux qui portent cette révolte en eux, tous ceux qui bouillent de colère contre les inégalités, de se sentir représenter par un parti politique installé. Deux partis trotskistes, le PCF, le Front de Gauche avec, aujourd’hui, un leader comme Jean-Luc Mélenchon qui, après (dans d’autres styles) Georges Marchais, Arlette Laguiller ou Olivier Besancenot, entretient, par sa verve, l’esprit révolutionnaire français.

Les manifestations entre République et Bastille, les drapeaux rouges, les banderoles syndicales se donnent des airs révolutionnaires mais sont, en réalité, un élément structurant de notre système. Même la fête de l’Huma est une institution, comme le salon de l’auto, annuelle, populaire et sponsorisée.

La subversion a bonne presse en France et, du coup, est sans cesse récupérée et détournée. Même l’extrême droite, le parti de l’ordre, tente d’embrayer sur le discours de la révolte sociale.

Autre explication: les Indignés le sont, non pas contre la nature de la société, mais contre le peu de place que celle-ci leur réserve. Ou alors, quand ils contestent l’organisation de la société, ils n’ont pas de vision limpide de celle qu’il faudrait instaurer à la place. Le pouvoir financier, protéiforme et nébuleux qui écrase les peuples est indéfinissable, insaisissable: la cible est floue.

On sait bien que le vrai pouvoir n’est ni à l’Elysée ni à l’Assemblée, ni même au Medef. Combattre ce pouvoir évanescent nécessite un retour des Etats, des autorités élues.

L’action qu’il convient de mener est donc tout sauf révolutionnaire au sens «1789» puisqu’il s’agit, non pas de renverser le pouvoir, mais au contraire de rendre du pouvoir au pouvoir… Convenons que ça a de quoi dérouter l’esprit révolutionnaire…

Thomas Legrand

Newsletters

Jean-Paul Belmondo, professionnel de Roland-Garros

Jean-Paul Belmondo, professionnel de Roland-Garros

L'acteur avait deux amours: le cinéma et le sport. Fan de boxe, cofondateur du PSG, le comédien mort le 6 septembre 2021 à l'âge de 88 ans ne manquait presque jamais une édition de Roland-Garros. Dans les dernières années de sa vie, c'est l'un des...

Lu Shaye, l'ambassadeur qui prouve que la diplomatie chinoise passe à l'offensive

Lu Shaye, l'ambassadeur qui prouve que la diplomatie chinoise passe à l'offensive

Les remous provoqués par ce «loup guerrier», qui a insulté un chercheur français sur Twitter, s'inscrivent dans un cadre plus large.

VGE, président du cool trente ans avant Obama

VGE, président du cool trente ans avant Obama

Valéry Giscard d'Estaing est mort ce mercredi 2 décembre à l'âge de 94 ans. Tout au long de sa vie politique, l'ancien président de la République n'aura cessé de tenter de se construire une image d'homme moderne, en rupture avec les chefs d'État...

Podcasts Grands Formats Séries
Slate Studio