Poule A — Nouvelle-Zélande-France, le samedi 24 septembre à 10h30 heures (heure française), à Auckland.
«Coupe du monde: la
farce française à 460 dollars.» C’est la polémique du jour en Nouvelle-Zélande, montée en mayonnaise par
le Herald, le principal quotidien du pays. Ainsi donc, Marc Lièvremont,
le sélectionneur des Bleus, aurait commis un crime de lèse-majesté en alignant
une équipe bis pour affronter les All Blacks, samedi à l’Eden Park. Un manque
de respect envers le maillot noir, l’équité sportive, les supporters qui
avaient payé très cher leur place, voire la Nouvelle-Zélande entière.
Il faut saluer la
performance du New Zealand Herald, qui a réussi à faire du «dossier» son
article de une, avec pour principale et unique source le
fiel de son éditorialiste Peter Bills. Le chroniqueur britannique signe son
billet dans les pages intérieures du quotidien. «La sélection de
Lièvremont est une insulte aux 60.000 personnes qui ont acheté leurs billets en
s’attendant à l’affrontement de deux équipes au maximum de leurs capacités»,
écrit-il, jugeant que le sélectionneur français ne veut qu’une chose:
«Perdre, terminer deuxième de la poule, et se retrouver dans la partie de tableau qui devrait être exclusivement composée d’équipes de l’hémisphère nord.»
Une analyse qui constitue l’essentiel de l’argumentaire développé par le quotidien dans son article de une...
Argumentaire léger
Un peu léger, comme
affaire. Si la presse kiwie a un humour dont pas mal de journaux français
feraient bien de s’inspirer, sa capacité à alimenter des polémiques
inexistantes n’est plus à démontrer. D’autant que les arguments avancés par
Peter Bills sont loin de faire mouche. Selon lui, l’équipe de France alignera
un paquet d’avants «de seconde zone» («leur plus grand combattant, le
talonneur William Servat, sera sur le banc») et une charnière composée de «deux
demis de mêlée», avec Morgan Parra à l’ouverture, lui «qui n’a jamais
commencé en 10 sous le maillot bleu».
Sur ces stricts faits,
Peter Bills n’a pas tort. Mais l’éditorialiste n’a pas dû regarder les récentes
performances du XV de France. A la vue de ces matchs, on peut même estimer que
c’est la meilleure équipe du moment qui a été alignée par Marc Lièvremont, à
une ou deux exceptions près. En première ligne, de toute façon, les choix sont
limités par les blessures. Szarzewski a été préféré à Servat? Normal, le
Toulousain, en phase de reprise, a besoin de souffler. Et son remplaçant est
loin d’être un amateur. En forme, motivé comme jamais pour briller, Szarzewski
peut faire mal.
Les deuxièmes lignes,
Papé et Nallet, ont été les meilleurs face au Japon et au Canada. Juste
derrière, Picamoles et Dusautoir, c’est du solide. Bonnaire, lui, a été bien
au-dessus d’Harinordoquy depuis le début du Mondial. La ligne de trois-quarts
ressemble également à une équipe-type: Médard-Mermoz-Rougerie-Clerc, en
principe, ça tient la route. Le débat à l’arrière entre Damien Traille et
Cédric Heymans existe, c’est vrai.
Reste enfin l’épineuse
question de la charnière. Envoyer Morgan Parra au feu comme numéro 10 face aux
Blacks ressemble à un cadeau empoisonné. Mais là encore, Peter Bills n’a
sûrement pas scruté assez attentivement les deux premiers matchs de François
Trinh-Duc. Très décevant, le Montpelliérain n’a jamais pesé sur le jeu ni
semblé en mesure d’impulser un peu de rythme dans la ligne d’attaque tricolore.
Au contraire de Morgan Parra, qui, quand il est entré à ce poste inhabituel
pour lui, a insufflé vie et dynamisme. Ses intérims à l’ouverture ont
d’ailleurs coïncidé avec les bonnes fins de match des Bleus.
Un choix limité pour Lièvremont
Bon, il est évident que
le Clermontois risque de souffrir samedi face aux découpeurs néo-zélandais,
Kaino et McCaw. Mais les choix de turnover à ce poste étaient de toute
façon très limités pour Lièvremont, après l’arrivée tardive de Jean-Marc
Doussain. Et comme le sélectionneur avait annoncé depuis longtemps qu’aucun
joueur ne débuterait toutes les rencontres, la mise sur le banc de Trinh-Duc
semble logique, du moins dans son esprit...
Une des plumes rugby du
Herald, Gregor Paul, fait d’ailleurs remarquer que «Lièvremont est tout à fait sain
d’esprit» par rapport aux coaches des All Blacks:
«Regardez l’équipe que
les Français vont affronter. Un centre, Richard Kahui, sera aligné à l’aile (...). Isaia Toeava,
d’habitude arrière, pourrait jouer à l’aile opposée. Les All Blacks ne savent
pas non plus qui est leur meilleur demi de mêlée et il est possible qu’un
troisième ligne-aile, Adam Thompson, joue numéro 8.»
Et le journaliste de
conclure:
«Croire que la partie du tableau avec les équipes du tournoi des VI Nations est la route la plus facile est un non-sens, c’est l’arrogance de l’hémisphère sud à son pic (...). La France vient à l’Eden Park pour gagner. Lièvremont n’est pas fou et Parra sera probablement une sélection inspirée.»
Sylvain Mouillard