S'il vous est déjà arrivé de télécharger des fichiers mp3 sur Internet, vous l'avez peut-être déja remarqué. Ce petit son métallique, là, dans les aigus. Ou bien ces basses, un peu plates. Pas terrible, non? A quelques jours du retour de la loi Création et Internet à l’Assemblée nationale, quel intérêt risquer la riposte graduée pour, finalement, du son plutôt médiocre.
Sans remonter jusqu'au rouleau de cire, tous les supports ont eu des faiblesses (les craquements du vinyle, le son plat de la K7, le CD qui saute), et tous ont été remplacés par d'autres plus performants. A l'ère du son numérique, dématérialisé, ce ne sont plus les supports, mais les formats, qui vont se succéder.
Le passage du disque de cire au CD était dicté par la volonté de trouver des supports de plus en plus petits, qui contiennent de plus en plus de données. Diminuer la taille tout en augmentant les capacités de stockage: la problématique est exactement la même pour la musique numérique.
Et les formats évoluent très vite. En à peine quelques années, se sont crées le mp3, le wav, le wma, le Ogg, le AAC... Tous avec des caractéristiques différentes. La double problématique taille/stockage évoquée plus haut est encore plus marquée sur le web. En ce lieu d'échange absolu, un impératif supplémentaire s'impose : celui de la diffusion, et donc, du débit.
Les imperfections du mp3
Le mp3, «MPEG Audio layer 3», est le format le plus diffusé aujourd'hui. Il est aussi l'un des plus anciens, et présente par conséquent quelques faiblesses. Développé au milieu des années 1990, le mp3 est un format de compression par destruction de données audio. Pour faire simple, dans le but d'alléger le poids du fichier pour qu'il puisse transiter sur Internet, ou pour pouvoir mettre le plus possible de titres sur un baladeur, on a retiré des données, des fréquences du fichier originel.
Le format mp3 n'altère que faiblement le son pour l'oreille humaine, parce qu'il retire les fréquences normalement inaudibles pour l'auditeur moyen dans des conditions habituelles d'écoute, pour ne conserver que les sons «audibles». Le mp3 part du principe que l'oreille humaine n'entend pas toutes les fréquences: il n'est donc pas essentiel d'enregistrer tous les sons, pour gagner de la place. C'est ce qu'on appelle «l'effet de masque»
Malgré ces précautions, il y a toujours une perte d'informations, puisque le mp3 ne retransmet pas intégralement le spectre des fréquences audio. Ce système de compression a un rendu sonore «sans crêtes»: de la courbe de fréquence, sinusoïdale, la compression coupe les sommets, ou «écrête». D'où les défauts dans les aigus.
«La plupart du temps, avec une bonne compression, le mp3 est un format suffisant», estime Timothée Couteau, réalisateur sonore et ingénieur du son à Radio France. «Tout dépend de ce qu'on écoute», précise Pierre-Emmanuel Braux, illustrateur sonore pour la publicité et pour des sites Internet. «La pop, à la rigueur, ça passe en mp3. Mais la musique classique ou la musique électronique, c'est vraiment impossible. Ce sont des musiques qui sont fondées sur des pulsions sonores, sur des fréquences qui demandent plus de profondeur», assure-t-il.
AAC et Ogg, plébiscités par les mélomanes
Malgré ces petits défauts, la suprématie du mp3 n'est pas encore menacée. D'autres formats avec de meilleurs rendus sonores existent pourtant, comme le AAC et le Ogg.
Pour encourager le téléchargement payant, Apple vient de lancer sa nouvelle bibliothèque iTunes Plus, qui propose toute sa musique avec l'encodage AAC, «MPEG Advanced Audio Coding». «Il est quasiment impossible de faire la distinction entre les chansons que vous téléchargez et l'enregistrement d'origine», affirme Apple.
Autre format plus ancien, mais de qualité équivalente selon les connaisseurs, le Ogg Vorbis. Comme le mp3, c'est un format de compression avec pertes. Pour Timothée Couteau, «les formats sonores sont en constante amélioration. Le Ogg est plus récent que le mp3, il est donc forcément plus efficace. De plus en plus, on cherche à améliorer le rendu sonore à un poids équivalent.» Il précise: «ce n'est pas forcément un format de meilleure qualité, mais c'est un format qui propose une compression plus efficace», grâce à des algorithmes plus performants que ceux du mp3.
«Le Ogg est le meilleur format de compression du moment», assure Pierre-Emmanuel Braux. «A même taux de compression qu'un bon mp3, et à poids égal, la qualité sonore est bien meilleure. J'ai déjà fait le test: j'ai trompé plein de gens entre CD et Ogg, mais personne entre CD et mp3.»
Mais ce format a un problème, et pas des moindres: très peu de baladeurs peuvent lire ce type de fichier, d'où son manque de popularité. Et les rares baladeurs compatibles sont plus chers que les autres. Les plateformes de téléchargement légales ont beaucoup contribué à la popularité du mp3. Pourquoi n'avoir pas choisi de proposer le format Ogg? Parce que Ogg Vorbis est un codec libre, et qu'il est donc impossible d'y mettre des DRM, ces verrous numériques qui viennent de sauter, disent les mauvaises langues du web. Apple France et Apple US que j’ai contactés n'ont, eux, pas souhaité s'exprimer sur ce sujet.
La qualité, pas une priorité?
Pour les mélomanes, le système d'écoute est un paramètre aussi important que le format audio. «Avant même le format, tout dépend du système de son», explique Timothée Couteau. «En voiture ou sur des petites enceintes d'ordinateur, le son sera forcément médiocre, quelque soit le format. Un mp3 sur un iPod, et un mp3 sur de bonnes enceintes, ça ne donne pas du tout la même chose.»
L'écoute de musique sur téléphone portable se popularise de plus en plus, tout comme l'utilisation de petits écouteurs. Avec le risque de s'habituer à un son de mauvaise qualité. On comprend mieux pourquoi cette question de la qualité des fichiers audio n'a jamais vraiment été au coeur des débats sur le téléchargement.
Un bon fichier son correspond donc à un savant dosage de débit et de compression. Plus ces données sont élevées, meilleure est la qualité, mais plus le fichier est lourd et inadapté pour Internet. Et le mp3, de plus en plus, fait pâle figure devant les performances des formats AAC et le Ogg, qui répondent le mieux possible à ces impératifs. Si le mp3 est le vinyle du numérique, AAC et Ogg en sont les CDs. Et l’augmentation de la vitesse des connexions pourrait les populariser.