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Monza donnera-t-il des ailes à Red Bull?

Temps de lecture : 5 min

L'écurie de la célèbre marque de boissons n'a encore jamais gagné sur le circuit Italien.

Sebastian Vettel au volant d'une Red Bull en Hongrie, Max Rossi / Reuters
Sebastian Vettel au volant d'une Red Bull en Hongrie, Max Rossi / Reuters

Le Grand Prix d’Italie, qui se court à Monza dimanche 11 septembre, est toujours un moment à part dans une saison de Formule 1. Le légendaire circuit italien construit en 1922 est l’une des dernières cathédrales du sport automobile avec Silverstone, en Angleterre. Chaque année, des dizaines de milliers de tifosi fervents s’y rassemblent avec l’espoir de voir triompher l’une des deux voitures rouges de Ferrari.

Monza est aussi attendu parce qu’il est le circuit le plus rapide de l’année. 75% du tracé long de 5,8 kilomètres sont avalés à pleine vitesse par les bolides qui atteignent des pointes à 320-330km/h, le record du tour restant la propriété du Brésilien Rubens Barrichello avec une moyenne de 257,3 km/h établie en 2004.

Pour Sebastian Vettel, actuel leader du championnat du monde des pilotes et en passe de conserver son titre acquis en 2010, Monza n’est pas non plus un endroit comme les autres. C’est là, en 2008, qu’il avait pris aussi tout le monde de vitesse en remportant le tout premier Grand Prix de sa carrière devenant au passage, à 21 ans, le plus jeune pilote de l’histoire à avoir franchi en vainqueur la ligne d’arrivée d’une course de Formule 1.

A l’époque, Vettel conduisait une Toro Rosso. Cette fois, il sera aux commandes de sa Red Bull n°1 avec pour mission d’offrir pour la première fois une victoire aux bolides de la marque autrichienne qui n’ont jamais triomphé à Monza. Malgré leur nom, les Red Bulls ne sont pas exactement rouges, mais au moins en font-elles voir de toutes les couleurs à leurs adversaires depuis 2010. L’an dernier, elles avaient gagné neuf des 19 Grands Prix et cette saison, elles n’ont pas décéléré en empochant sept des 12 premières manches déjà courues du championnat du monde.

Une fois encore, Red Bull, à laquelle il faut associer Renault, ne devrait pas laisser échapper le titre des constructeurs et le titre individuel promis à Vettel déjà vainqueur de sept Grands Prix en 2011, son coéquipier, l’Australien Mark Webber, actuel deuxième du championnat du monde, ayant dû se contenter des accessits.

Red Bull aime le sport

Par la grâce de ces succès à répétition, Red Bull est devenue aussi célèbre que Ferrari, McLaren ou Williams sauf que elle n’a jamais construit le moindre moteur puisque Red Bull est le nom d’une boisson bien connue des adolescents, celle qui «vous donne des ailes» pour reprendre son slogan. La Formule 1 est la partie clinquante de la réussite d’une marque qui se diffuse aujourd’hui à travers le monde et qui profite du sport, et de la Formule 1 en particulier, pour véhiculer, à très grande vitesse, la qualité de ses produits. La skieuse américaine Lindsey Vonn est l’un des nombreux porte-étendards de Red Bull au même titre que l’équipe de football de New York de Thierry Henry. Red Bull n’a pas hésité aussi à se lancer dans l’édition sportive par le biais de la création d’un magazine, le Red Bulletin, que la marque diffuse à des centaines de milliers d’exemplaires en le joignant en supplément gratuit à des quotidiens aussi puissants que le New York Times (une version française du Red Bulletin est prévue prochainement).

A l’origine de cette «success story» se trouve Dietrich Mateschitz, 67 ans, qui a d’abord commencé sa carrière chez Procter et Gamble où il avait la charge de la promotion de dentifrices en Autriche avant qu’il ne découvre, par hasard en Asie, au début des années 80, le Krating Daeng (taureau rouge en thaï), une boisson tonique thaïlandaise euphorisante contenant de la taurine et de la caféine. Cette révélation entraîna une vision.

Il fit affaire avec un producteur thaïlandais, Chaleo Yoovidhya, qui lui révéla le secret de ses boissons et lui permit de les commercialiser en Europe –la France fera barrage jusqu’en 2008 en raison de la composition du produit. Pour s’attaquer au marché, il conditionna son produit dans des canettes couleurs bleu et argent puis les affubla d’un nom qui claque: Red Bull. On connaît la suite. Près de cinq milliards de canettes sont désormais écoulées à travers le monde chaque année.

Mateschitz fan de F1

Pour séduire la jeunesse, Mateschitz, toqué de sport, a d’abord associé sa marque à des sports extrêmes -qu’il a lui-même pratiqués comme un fou- avant de se tourner vers sa vraie passion: l’automobile, et la Formule 1 en hommage à l’une des icônes nationales, l’Autrichien Niki Lauda, triple champion du monde, sans oublier Gerhard Berger dont Mateschitz est très proche. Après une première expérience avec les Suisses de Sauber, qui ne durera pas très longtemps, le milliardaire autrichien est entré de plain-pied dans l’univers de la Formule 1 en 2004 en rachetant l’écurie Jaguar renommée Red Bull Racing. Puis, histoire de bien marquer son territoire et de montrer quelles étaient ses ambitions face à des géants automobiles de la dimension de Mercedes, Ferrai, Renault ou BMW, il s’est approprié à son tour, fin 2005, l’écurie italienne Minardi devenue Toro Rosso (Red Bull ou Taureau rouge en italien).

Le décor était planté. Dietrich Mateschitz n’était pas là pour faire de la figuration dans des paddocks qu’il s’employa à revitaliser par des méthodes nouvelles avec un credo: faire la fête et redonner le sourire aux visages compassés des habitués des circuits. Les Formula Unas, splendides jeunes filles arpentant les circuits avec leurs canettes (regular or diet ?), allaient contribuer à rendre la marque populaire. Le motor-home de Red Bull, appelé Ernergy Station, trancha très vite dans le paysage avec des allures de discothèque dispensant de la musique à fond la caisse.

Toro Rosso

Mais c’est évidemment la victoire qui allait donner ses lettres de noblesse à Red Bull. Drôle de premier succès, acquis par Red Bull et Sebastian Vettel au Grand Prix de Chine en 2009, six mois après le premier triomphe de… Toro Rosso, censée être l’antichambre de Red Bull (un peu comme si l’équipe B avait battu l’équipe A). Mais le talent du jeune Vettel, alors en formation chez Toro Rosso en attendant de devenir la figure de proue de Red Bull, prit l’écurie n°1 de cours et de vitesse. Deux hommes apparurent alors dans la lumière et ne l’ont plus quittée depuis: les Britanniques Christian Horner, directeur d’écurie de Red Bull, et Adrian Newey, l’ingénieur qui travailla main dans la main avec Renault, motoriste de l’écurie à partir de 2007.

L’année 2010 correspondit à l’année du double sacre de Vettel et de Red Bull, mais aussi des tensions, avec les frictions entre les deux pilotes, Vettel et Webber, qui s’accrochèrent au Grand Prix de Turquie. Tous les deux en course pour l’attribution du titre de champion du monde, ils furent départagés lors de l’ultime Grand Prix de la saison, à Abu Dhabi. Depuis, Vettel est clairement privilégié par rapport à Webber qui doit faire contre mauvaise fortune bon cœur –ce qui ne l’a pas empêché de signer à nouveau avec Red Bull pour 2012. Plus question de connaître les dérapages d’Istanbul!

Même si la marque se veut différente des autres en raison du produit qu’elle vend, Red Bull s’est conformée, en effet, aux tristes usages de la F1 avec ses consignes passées à ses pilotes afin qu’ils respectent l’avantage donné au pilote n°1. Webber sait qu’il ne devra pas trop aller chatouiller Vettel si celui-ci le précède à Monza. Monza qui reste aussi célèbre pour avoir abrité le Grand Prix le plus serré de l’histoire de la F1, en 1971, quand les cinq premiers avaient été séparés par 61 centièmes de seconde sur la ligne de d’arrivée, Peter Gethin l’emportant pour un centième sur Ronnie Peterson. Voilà un luxe d’émotions que ne se permet plus la Formule 1 même enivrée de boissons euphorisantes…

Yannick Cochennec

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