Si on laisse de côté Jean-Michel Baylet, dont personne ne semble se soucier, Manuel Valls arrive bon dernier des sondages sur la primaire socialiste avec entre 3 et 5% des intentions de vote. Et la position lui va très bien: «Je suis convaincu qu’il y aura bien plus d’un million de participants si la primaire est bien organisé. Il y aura forcément des surprises. Je suis un outsider et je l'ai toujours dit», explique le député-maire d'Evry lors d'une rencontre avec la presse samedi 27 août en marge des universités d'été de La Rochelle.
Placé à la fin du peloton, bien loin des deux favoris Martine Aubry et François Hollande ou de la vraie outsider Ségolène Royal, Manuel Valls peut tirer à vue, sans crainte de perdre grand chose. Il est là pour se compter et ainsi se placer en vue de 2017, quand il ne sera plus un fringant quarantenaire mais un éléphant de 55 ans. Alors qu'Hollande et Aubry déclinent les mêmes propositions depuis plusieurs mois —la seule variable semblant être le nombre de milliards de niches fiscales qui sautent—, Valls partage avec Royal et Montebourg l'obligation de proposer et d'inventer sans cesse.
Le projet, déjà ringard
Seul candidat aux primaires à soutenir la règle d'or de Sarkozy, il est aussi le seul à renvoyer le projet socialiste à sa ringardise: «On ne peut pas rester sur les idées des années 70 et 80. Et notre projet doit être revisité à la lumière de ce qui est en train de se produire». Il faut dire qu'il a été conçu en avril 2011, une éternité. À l'époque, la dette américaine avait encore un triple A et les agences de notation ne venaient pas encore frapper à la porte des politiques français. «Le projet prévoit d'affecter la moitié des marges de manoeuvre budgétaires au désendettement. Je pense qu'il faudra en fait y consacrer 100% des marges de manoeuvre», prévient Valls. Le maire d'Evry ôte aux socialistes le seul rêve qu'il leur reste pour 2012: s'emparer du pactole des niches fiscales sarkosystes.
Ses prises de position sur la dette lui valent les faveurs de l'hebdomadaire anglais The Economist, connu pour ses prises de position libérales. Dans un éditorial publié le 27 août très offensif contre Aubry, Hollande, Royal et Montebourg, le journal estime que Valls est le seul héritier de DSK et salue sa «vision moderne et rafraîchissante de la gauche». Cadeau empoisonné? «Les compliments en général me touchent, sourit Valls. Martine Aubry citait hier à la tribune un article du Financial Times qui critiquait la règle d’or. Si la presse britannique dit du mal de Sarkozy et du bien de moi, c’est qu’il doit y avoir un fond de vrai dans cette histoire.» Oui, mais The Economist dit quand même beaucoup de mal de vos concurrents?, demande une journaliste. «Je trouve l’analyse pertinente!», répond dans un sourire Valls.
L'héritier du rocardisme
En acceptant l'adoubement de la presse libérale anglaise, Manuel Valls se rapproche d'une figure du PS des années 2000, Jean-Marie Bockel qui jouait le rôle du blairiste de service aux Congrès de 2003 et 2005. Quand on lui évoque la comparaison avec cet ex-socialiste passé en 2007 à l'ennemi, Valls s'énerve pour la première fois: «Je suis au PS depuis 30 ans. La gauche est indispensable au pays mais je crois au dialogue républicain. Prenez par exemple le dossier libyen. J'ai soutenu l'action de Sarkozy. Si on avait suivi la position d'Henri Emmanuelli sur la Libye [un soutien d'Aubry qui était contre], imaginez où nous serions aujourd'hui. Je viens du rocardisme, et l’histoire progressivement donne raison à cette gauche qui voit la réalité en face.»
La «gauche qui voit la réalité en face» se cherche encore une équipe. Isolé au sein du parti, Manuel Valls s'est présenté devant les journalistes entouré d'une garde rapprochée constituée de parfaits inconnus. La seule personnalité de son entourage est Ali Soumaré, connu pour avoir été au centre d'une déplorable polémique lors de la campagne régionale de 2010. Le futur gouvernement Valls, qui pose pour Paris-Match sur un bucolique pont de La Rochelle, fait un peu petit bras. Un abonnement à Slate offert à celui qui reconnaîtra les 4 amis du maire d'Evry.
(photo publiée sur Twitter par Charlotte Chaffanjon, journaliste au Point.fr)
Vincent Glad (La Rochelle)