Le quatrième et dernier tournoi du Grand Chelem de golf de la saison -le PGA Championship- se déroule, du 11 au 14 août, sur le parcours de l’Atlanta Athletic Club, dans l’état de Géorgie. Ce parcours a déjà accueilli ce même PGA Championship en 2001 et cette édition avait été marquée par des températures parfois suffocantes obligeant les joueurs à batailler dans de pénibles conditions.
Programmer un tournoi dans le Sud des Etats-Unis en plein mois d’août relève, il est vrai, de la gageure ou de la volonté délibérée de plonger les champions dans un petit enfer. Il y a dix ans, certains, comme Lee Westwood, avaient trouvé un peu d’air comme ils avaient pu, tout près des énormes ventilateurs placés sur le parcours.
La chaleur sera encore un facteur déterminant de ce PGA Championship et influera forcément sur le rythme des parties. Certains voudront jouer plus vite pour s’extirper de la fournaise, d’autres seront peut-être ramollis par le soleil et souhaiteront prendre leur temps pour tenter d’être au maximum de leur lucidité.
Les vitesses de jeu ont toujours fait débat au golf, comme dans d’autres sports, mais peut-être plus que dans d’autres disciplines. Au football, les joueurs qui se traînent par terre en grimaçant de douleur pour gagner de précieuses secondes et casser le rythme de la partie ont toujours agacé les spectateurs que nous sommes. Heureusement, la règle a été modifiée avec l’ajout récent du temps additionnel à la fin des rencontres afin de corriger les excès.
Au tennis, les nerfs peuvent être à vif pour son rival, mais aussi pour le public, quand Novak Djokovic fait rebondir sa balle une quinzaine de fois avant de servir. Et ne parlons pas de Rafael Nadal qui, entre deux points, répliquent ses tics et ses tocs à l’infini en dépassant souvent le temps qui lui est imparti. Rarement entend-t-on l’arbitre appliquer le code de conduite au sujet du dépassement de temps et infliger l’avertissement qui irait de soi.
Au golf, où une partie peut s’étaler entre quatre et cinq heures, le jeu lent est l’ennemi. Il est observable à la fois chez nous les amateurs et chez les professionnels. Mais cette notion du temps est évidemment plus maîtrisée par les artistes que par les profanes obligés souvent de chercher longtemps leur balle égarée (ce qui n’est pas le cas des professionnels aidés par les spectateurs lorsque la balle n’est pas sur le fairway).
Chez le joueur du dimanche, selon l’étiquette, l’usage est de laisser passer la partie qui suit la vôtre si elle vous a rattrapé en raison de votre lenteur. La pratique est aussi de s’effacer quand la partie suivante avance au triple galop alors que vous respectez un rythme normal. Parfois, il n’y a rien de plus stressant et d’agaçant que de sentir un groupe rapide de joueurs sur vos talons qui vous oblige inconsciemment à vous presser et à vous précipiter.
Au-delà des coups complètement ratés qui ralentissent la marche d’une partie, les joueurs occasionnels ont souvent tendance aussi à trop perdre de temps sur l’aire de départ ou sur le green où ils prennent des postures cherchant peut-être à imiter celles qu’ils ont aperçues à la télévision chez les vedettes. Choix interminable du meilleur club, longue observation de l’horizon, évaluation du vent, étude scrupuleuse de la ligne de putt, essuyage méticuleux de la balle, ce petit théâtre peut durer de languissantes secondes et devenir très irritant comme le montre cette amusante vidéo réalisée par le New York Times.
Certains professionnels ont aussi tendance à abuser. Le jeune Français Romain Wattel a récemment payé pour le savoir lors du Scottish Open où il a reçu une amende de 6 400 dollars après avoir été pris en pris flagrant délit de jeu lent pour la troisième fois de la saison. Sur le plan du score, la sanction peut être parfois très lourde jusqu’à l’attribution d’un point de pénalité. Le Français Grégory Bourdy a connu cette mésaventure l’an dernier lors du PGA Championship.
En 2009, au cours d’un tournoi à Akron, aux Etats-Unis, Tiger Woods et l’Irlandais Padraig Harrigton se sont également retrouvés au cœur d’une polémique sur le sujet. Alors qu’ils jouaient tous les deux dans la même partie et luttaient pour la victoire le dernier jour, ils se sont vu rappeler à l’ordre juste avant qu’ils ne frappent leur premier coup sur le trou n°16. John Paramor, l’un des officiels de l’arbitrage, leur indiqua qu’ils avaient 17 minutes de retard sur l’horaire qu’ils auraient dû respecter et qu’ils devaient donc impérativement accélérer. Harrington, qui menait alors d’un coup, se précipita soudain, perdit son self-control et expédia sa balle dans l’eau. Le trophée lui échappa ainsi aux dépens de Woods.
Chez les professionnels, à partir du moment où sa partie est à l’heure, un joueur dispose en principe de 40 secondes pour frapper un coup quand la balle est sur le fairway et de 60 secondes lorsqu’elle est sur le green. Mais l’appréciation est souvent difficile. Sur le circuit, il y a les joueurs affreusement lents que le site golf.com s’est récemment amusé à répertorier avec, en vedette, Nick O’Hearn, J.B. Holmes et John Senden qui ont tendance à aller pour l’exécution de chaque coup au bout du bout autorisé avec une moyenne de 50 secondes. A titre de comparaison, l’étude évaluait Tiger Woods à 38 secondes.
Heureusement, la jeune génération paraît, elle, extrêmement pressée à l’image du jeune espoir Américain Rickie Fowler et surtout du nouveau prodige du circuit, le Nord-Irlandais Rory McIlroy, vainqueur du dernier US Open, qui, lorsqu’il joue, paraît avoir un avion à prendre. Observez McIlroy lors de ce PGA Championship et vous verrez qu’il est dans un rythme très rapide dans lequel il ne semble pas y avoir de place pour une réflexion trop excessive. Il enchaîne ses coups avec célérité dans une sorte de décontraction en s’accordant notamment une maigre vingtaine de secondes pour un coup de départ.
C’est sa façon de jouer depuis l’enfance. Pas de secret: il a appris le jeu en compagnie de son père, joueur extrêmement rapide. Lors des deux premières journées du dernier British Open, il était d’ailleurs amusant de le voir partager sa partie avec Rickie Fowler et Ernie Els. McIlroy et Fowler, âgés de 22 ans et qui jouent tous les deux très vite, semblaient parfois s’ennuyer ferme en regardant se préparer le très méthodique Els, 41 ans, au temps de jeu nettement plus long. Question de génération peut-être.
De toute façon, McIlroy est un joueur et un homme impulsif. Il y a quelques jours, mécontent d’un commentaire lu sur son compte Twitter, il s’est ainsi laissé aller à une réplique immédiate très sèche qui a immédiatement débouché sur une polémique. « La prochaine fois, je prendrai mon temps avant de répondre », a-t-il souri en faisant, d’une certaine manière, l’éloge soudain d’une certaine lenteur.
Yannick Cochennec