Pour la première fois depuis 1995, deux des trois promus en Ligue 1 sont des clubs qui n’ont jamais évolué à cet échelon: Evian-Thonon-Gaillard, qui se déplace à Brest samedi 6 août pour la première journée, et Dijon, qui reçoit Rennes dimanche après-midi. Avec eux, une petite poignée de villes vont découvrir l’élite puisque le premier nommé est issu des fusions successives des clubs haut-savoyards de Ville-la-Grand, Thonon et Gaillard et joue à Annecy. Avec cette double montée et avant le coup d’envoi, petite révision du programme de géo (et un peu d’histoire, aussi) de la L1, avec Loïc Ravenel, maître de conférences en géographie au Centre d’étude et de recherche sur le sport et l’observation des territoires de l’université de Franche-Comté.
76 clubs, pas mal d’étoiles filantes
En comptant Dijon et Evian-Thonon-Gaillard, la Ligue 1 (anciennement Division 1) a désormais vu jouer 76 clubs et une soixantaine de villes depuis sa création, en 1932. Généralement, depuis les années cinquante, chaque décennie voit quatre à six nouveaux clubs découvrir l’élite, avec pour lourde tâche de s’y stabiliser. En trente ans, seule Auxerre a pu maintenir un club de foot au plus haut niveau, et la moitié des villes «bizuthes» ont tenu moins de trois saisons. Si si, à une époque où la France n'était pas encore championne du monde, Niort, Martigues ou Gueugnon jouaient en L1…
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Clermont, le mauvais élève
Jusqu’à cette année, Dijon, 17e ville de France par la population avec un peu plus de 150.000 habitants, était la plus grande ville à n’avoir jamais goûté à la Ligue 1. Elle pourrait transmettre ce titre peu envié à ses suivants Saint-Denis de la Réunion ou Villeurbanne, mais aucun club ultra-marin n’a jamais joué en Ligue 1 et la seconde ville est limitrophe de Lyon: le «lauréat» serait plutôt Clermont-Ferrand (139.000 habitants), qui pourra toujours se consoler en pensant à ses onze finales de championnat de France de rugby —pour dix perdues. Le club, qui évolue en L2, y reste sur deux bons classements (6e et 7e).
Des régions quasi-désertées
Partez de la région Centre (Tours et Châteauroux ont brièvement joué en L1, mais jamais Orléans), passez par le Poitou-Charentes, le Limousin et l’Auvergne et finissez par l’Aquitaine et le Midi-Pyrénées, et vous avez un quasi-désert pour la L1. «La première explication est assez simple et structurelle, c’est l’absence de grandes villes, ou le fait que, en Aquitaine et Midi-Pyrénées, une métropole a récupéré une grande partie de l’activité de la région. Historiquement, ce sont aussi des régions qui ont accédé au professionnalisme plus tard que les autres», commente Loïc Ravenel. Une explication à laquelle on peut rajouter la domination locale d’autres sports: basket à Limoges, rugby à Clermont et en Midi-Pyrénées…
Des «derbys» dans plus de régions
A l’opposé, des régions comme Nord ou PACA «sont des grandes régions urbaines, avec des chapelets de villes qui peuvent avoir des clubs, et aussi des bastions footballistiques, des zones d’implantation des premiers clubs de foot, car le football arrivait par la mer», rappelle Loïc Ravenel. Leur statut est néanmoins légèrement affaibli puisque le Sud-Est a vu deux clubs descendre cette année (Arles-Avignon, Monaco) et le Nord en a perdu deux en deux ans (Boulogne, Lens). Moins de «derbys» dans ces régions, donc, mais de nouveaux dans d’autres: après avoir inventé le clasico et l’olympico, les médias nous vendront-ils l’alpico (Lyon-Evian) et le bourgognico (Auxerre-Dijon)?
Les grandes villes devant
En 2011, les quatre plus grandes aires urbaines de France, Paris, Lyon, Marseille et Lille, ont occupé les quatre premières places du championnat... dans l’ordre inverse de leur taille. «Les gros sont en train de grossir de plus en plus et les petits risquent d’avoir de plus en plus de problèmes», résume Loïc Ravenel, selon qui des clubs comme Guingamp il y a quelques années ou Auxerre «restent des exceptions»: «Parler d’Arles-Avignon, par exemple, comme d’un Petit poucet était faux si en raisonnait en population de l’aire urbaine [340.000 habitants cumulés, ndlr]». En dehors d’Auxerre, depuis dix ans, Sedan est la seule aire urbaine de moins de 100.000 habitants à avoir placé un club dans les cinq premiers. Aux promus Evian-Thonon ou Ajaccio, les seuls dans ce cas, de jouer.
Toujours un club par ville
Si, comme les autres grands championnats européens, la L1 est dominée par les grandes villes, il reste une exception très française: pas plus d’un club par ville. «Dans une norme européenne, Paris pourrait avoir trois clubs et Lyon deux», estime Loïc Ravenel, qui attribue notamment ce phénomène à l’influence des municipalités dans l'émergence des clubs: à Dijon, par exemple, la mairie a incité les deux clubs locaux à fusionner pour former le Dijon Football Côte d’Or en 1998. Les amateurs de derbys au sens strict du terme placeront leurs espoirs dans le Paris FC et le GFCO Ajaccio, qui jouent en National et sont donc à deux montées successives de défier un jour le PSG et l’AC Ajaccio...
Jean-Marie Pottier
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