Culture

Amy Winehouse: peut-on mourir de ne plus boire?

Temps de lecture : 3 min

Un sevrage alcoolique brutal pourrait être à l’origine de la mort d’Amy Winehouse. Comment l’arrêt d’un toxique tel que l’alcool peut-il provoquer la mort?

Amy Winehouse au festival de jazz de Sainte-Lucie Andrea De Silva / Reuters
Amy Winehouse au festival de jazz de Sainte-Lucie Andrea De Silva / Reuters

L’autopsie du corps d'Amy Winehouse, décédée brutalement le 23 juillet 2011, n’a encore rien donné et le mystère le plus total plane sur la cause de sa mort. L'hypothèse de l’overdose a été évoquée, mais aucune trace de drogues n’a été retrouvée dans l’appartement de la chanteuse soul et les analyses toxicologiques sont encore en cours.

Mais selon ses parents ce serait plutôt une tentative trop rapide de sevrage d’alcool qui serait à l’origine du décès de leur fille. Qu’est-ce qui peut provoquer le décès en cas d’arrêt brutal de la consommation d’alcool?

«Alors qu’avec des drogues comme l’héroïne, c’est l’overdose qui entraîne le décès, l’alcool est, avec les benzodiazépines, le seul toxique, dont l’arrêt brutal peut entraîner la mort.» fait remarquer le Dr. Claude Caucheteux, médecin-addictologue.

Le décès ne peut survenir que chez des personnes dépendantes physiquement à l’alcool qui boivent régulièrement et en grande quantité. «Pour savoir si on est physiquement dépendant à un produit, il suffit de l’arrêter et de voir si des symptômes de manque apparaissent.» souligne Dr. Caucheteux. «Pour l’alcool, si on arrête le matin et qu’on se met à trembler, c’est qu’il y a dépendance physique. Il suffit de boire à nouveau pour arrêter de trembler. La nouvelle prise du produit permet de guérir les symptômes du manque.»

Delirium tremens et crise d’épilepsie

La consommation répétée et en grande quantité d’alcool agit sur le système nerveux central comme un calmant sur un corps accoutumé à un taux d’alcoolémie élevé. Chez l’alcoolo-dépendant, l’arrêt de la boisson entraîne différents symptômes, qu’on appelle le syndrome de sevrage. «Dans les 6 à 48 heures, la personne est prise de nausées, de vomissements, d’angoisse et de tremblements.» explique le Dr. Caucheteux. «Sans prise en charge médicale adéquate ou sans nouvelle consommation d’alcool, l’évolution peut être très grave. Les deux raisons de mourir lors d’un sevrage alcoolique sans traitement sont le delirium tremens et la crise d’épilepsie.»

La crise d’épilepsie peut causer une chute et un traumatisme crânien. Elle peut aussi se répéter et se prolonger jusqu’à déboucher sur un état de mal épileptique qui peut être fatal.

L’évolution du syndrome de sevrage alcoolique peut aussi être le delirium tremens: la personne est alors prise d’un délire, perd contact avec la réalité, est agitée et désorientée. Elle a alors des sueurs abondantes, de la fièvre et subit des hallucinations mettant le plus souvent en scène des animaux en tout genre (zoopsies): des fourmis, des crapauds ou encore des chauves-souris. D’où la métaphore de l’éléphant rose utilisé notamment comme logo d’une bière sobrement intitulée Delirium tremens

A ce stade, le patient se déshydrate et des désordres métaboliques importants apparaissent. L’état de confusion du patient ne lui permet pas de se réhydrater convenablement. La mort peut donc être provoquée par les troubles ioniques entraînant une crise cardiaque et par la déshydratation massive provoquée par les sueurs, les vomissements et la fièvre. Le delirium tremens peut ainsi aboutir à un décès (dans 6,6% des cas pour les seules personnes hospitalisées, ce qui n'était pas le cas d'Amy Winehouse).

Prise en charge médicale de la dépendance physique

Pour éviter ces complications, la prise en charge médicale est nécessaire. «Habituellement, les sevrages ont lieu au cours d’une hospitalisation» souligne le Dr. Claude Caucheteux. «Il est aussi possible de réaliser des sevrages à domicile, mais seulement si la personne est accompagnée. Il faut en effet s’assurer qu’elle puisse prendre ses traitements et qu’elle se réhydrate bien» C’est ce qui a pu faire défaut à la chanteuse qui aurait entrepris, selon son père, de se désintoxiquer seule à domicile.

La prise en charge implique en effet de traiter la dépendance physique et de prévenir le syndrome de sevrage. Il faut ainsi mettre en place d’une bonne hydratation à laquelle on ajoute des sels minéraux et du glucose pour éviter les troubles ioniques et l’hypoglycémie. On administre aussi au patient une benzodiazépine comme le Valium pour éviter les convulsions et soulager l’anxiété et des vitamines pour prévenir une autre complication du sevrage: l’encéphalopathie de Gayet-Wernicke.

«Chez un sujet alcoolique, la dépendance physique est la première chose à traiter» résume le Dr. Caucheteux. «Le sevrage dure 7 jours. La prise en charge de la dépendance psychologique ne vient qu’après.»

L’arrêt de l’alcool est toujours brutal, total et doit être accompagné d’un traitement. «J’accueille parfois des patients qui viennent le lundi pour se sevrer» explique le Dr. Caucheteux. «Si je n’ai pas de place avant le mercredi, je leur dis qu’il faut absolument continuer à boire encore pendant deux jours, jusqu’à la prise en charge médicale pour leur éviter les complications du syndrome de sevrage. Ce conseil surprend parfois l’entourage qui ne s’attend pas à ça de la part d’un alcoologue. Mais il est plus facile de faire arrêter quelqu’un de boire une fois qu’ il est hospitalisé que de le sortir d’un delirium tremens.»

Clément Guillet et Arnaud Flores

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