Économie

Après le 2 août, l'Etat américain pourrait cesser partiellement de fonctionner

Temps de lecture : 4 min

Si les élus Républicains et l'administration Obama ne s'entendent pas avant le 2 août, il ne s'agira pas vraiment d'un défaut de paiement, mais d'un scénario bien plus étrange, inédit et d'une stupidité rarement vue dans l'histoire.

Puerta del Sol à Madrid,le 22 mai 2011. REUTERS/Paul Hanna
Puerta del Sol à Madrid,le 22 mai 2011. REUTERS/Paul Hanna

Enfin une bonne nouvelle économique: non, les Etats-Unis ne seront pas en cessation de paiement. «Eh, mais!», allez-vous dire. Et tous ces articles qui disent qu'on va être en cessation de paiement après le 2 août? Et, n'est-ce pas Slate qui prévenait des conséquences désastreuse qui s'ensuivraient si le congrès n'autorisait pas le trésor à emprunter plus d'argent?

C'est vrai, il va se passer quelque chose d'atroce et de bizarre au début du mois d'août, mais ça ne sera pas le défaut de paiement. Le Trésor va devoir émettre plus de billets pour être en mesure d'assurer ses remboursements aux créanciers du pays, aux retraités, aux employés fédéraux et ainsi de suite. Sans ces liquidités, le gouvernement fédéral sera dans l'impossibilité de régler entre 40 et 45% de ses paiements, selon les calculs effectués par le Bipartisan Policy Center. Mais il ne s'agit pas d'un défaut de paiement. Défaut de paiement est un terme trop soigné. Le chaos qui risque de nous tomber dessus après le 2 août n'a pas de précédent connu, et donc pas de nom.

Essayons néanmoins d'être un peu plus précis. Le 2 août, où peu de temps après, le Trésor aura «épuisé ses possibilités d'emprunt». Ce qui ne signifie pas qu'on aura «atteint le plafond de notre endettement». Ce plafond, on l'a atteint en mai. Depuis, le pays n'a pas été en mesure d'émettre de dette, mais seulement de renouveler des bons du trésor arrivés à terme. «Épuiser ses possibilités d'emprunt» signifie que le Trésor n'aura plus la possibilité de bidouiller les finances du pays pour que tous les chèques soient mis au courrier à la bonne date.

Le pays pourrait se trouver en cessation de paiement, ce qui signifie qu'il arrêterait de régler à ses créanciers les intérêts de sa dette, ou le principal. Mais les probabilités d'un tel événement sont nulles. Ce serait déclencher la panique sur les marchés financiers, et entraînerait dans toute l'économie mondiale une envolée des coûts d'emprunt. Pour Tim Ryan, patron de la Securities Industry and Financial Markets Association, «un défaut de paiement accompagné d'une dégradation de la note, serait un radical changement de la donne et aurait de très lourdes conséquences pour les fonds monétaires, les marchés d'action et les systèmes bancaires. Un événement systémique à lui seul». Le Département du Trésor se refusera toujours à admettre que les détenteurs de bons du trésor auront priorité sur, disons, ceux qui touchent des allocations de la Sécurité Sociale. Ce sera pourtant le cas.

Résultat, ce seront les soldats, les médecins, les employés fédéraux et les entreprises travaillant pour le gouvernement qui verront leurs règlements retardés. Il n'existe aucun terme consacré pour définir ce scénario, du moins pas encore. Mais ceux qui y ont réfléchi parlent de «défaut sélectif», «priorisation des règlements», ou «défaut de paiement».

La situation sera similaire à une fermeture du gouvernement. Mais lors des fermetures, les paiements essentiels — pensions de retraite, remboursements Medicare — sont toujours honorés. Ce qui ne sera pas nécessairement le cas lors d'un «défaut sélectif», d'un «défaut de paiement» ou d'une «dettocalyspse», comme vous préférez. En dépit d'un certain degré d'incertitude, les fermetures sont loin d'être sans précédent à Washington. La Maison Blanche et le Trésor en ont le mode d'emploi. Pas pour une dettocalypse.

Le terme le plus approprié, bien qu'un peu sec, est sans doute «priorisation des paiements», car il fait percevoir le côté épineux de l'affaire. Le Trésor va devoir décider qui sera payé et qui ne le sera pas. En attendant que le congrès trouve une solution, cela fait de Timothy Geithner, visage impavide, qui se masse beaucoup les tempes et paraît de plus en plus débraillé, l'homme le plus économiquement puissant du pays.

Des arbitrages délicats. En août, les Etats-Unis pourraient utiliser leurs encaissements pour régler les intérêts de sa dette (29 milliards de dollars), les pensions de sécurité sociale (49,2 milliards), les allocations Medicare et Medicaid (l'équivalent de la sécurité sociale) (50 milliards), les entreprises sous contrat avec la défense (31,7 milliards) ainsi que les allocations chômage (12,8 milliards), des dépenses considérées comme d'importance vitale.

Cela laisserait toutefois environ la moitié des factures impayées. Les employés fédéraux, des gardiens de zoo aux procureurs en passant par les gardiens de prison, seraient contraints de se passer de salaires. Rien pour les timbres alimentaires (aide alimentaire), les programmes de logement, le fisc, l'agence pour l'environnement, ni d'ailleurs pour les soldes des militaires. Le Bipartisan Policy Center fait observer que «ce serait le chaos». Les décisions seraient injustes. Le Trésor aurait le pouvoir de désigner les «gagnants et les perdants».

Parallèlement, le pays aurait à subir un certain nombre de répercussions. Les principales agences de notations dégraderaient la dette souveraine des Etats-Unis, avec comme conséquence possible la hausse permanente des coûts de financement du pays (Politico rapporte qu'il s'agit de la principale préoccupation de la Maison Blanche). Certains fonds de placement ou du marché monétaire ne peuvent détenir d'obligations du trésor qui n'ont pas la note AAA, ce qui fait planer le spectre d'un effondrement de leur valeur et d'une brutale contraction du crédit. Même si le marché obligataire est resté relativement calme, les investisseurs pourraient se débarrasser de leurs valeurs et autres placements américains, afin d'engranger des liquidités. Personne en fait ne sait ce qui se passerait.

On n'a donc pas encore trouvé le qualificatif le plus approprié pour ce qu'on a baptisé de façon erronée le grand «défaut de paiement» d'après le 2 août. Mais on en connaît les conséquences éventuelles: la récession. Et on sait également qui nous y ont menés: des idiots.

Annie Lowrey

Traduit par David Korn

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