Al Gore a récemment critiqué Barack Obama –entre autres– dans les pages du magazine Rolling Stone pour son bilan en matière de lutte contre les changements climatiques. S’il fait l’éloge de certaines des premières mesures d’Obama, comme celle consistant à rendre la sécurité environnementale indissociable de la sécurité nationale, il conclut en revanche que le Président n’a «pas su profiter de sa fonction pour imposer des mesures audacieuses contre les changements climatiques».
À l’heure où une nouvelle campagne présidentielle se prépare, les critiques de Gore posent la question du bilan écologique d’Obama. Pour plus ou moins paraphraser la célèbre question posée par Ronald Reagan aux électeurs en 1980, les États-Unis sont-ils plus verts aujourd’hui qu’il y a quatre ans?
Bien entendu, il s’agit d’une question complexe, à laquelle il est impossible de répondre simplement par oui ou par non. Cependant, il suffit de jeter un œil aux trois principales sources d’inquiétude de la cause écologique –le changement climatique, la pollution atmosphérique et la protection de la nature– pour avoir quelques éléments de réponse.
Changement climatique
La bonne nouvelle est que, concernant la dernière année pour laquelle nous avons toutes les données nécessaires, les émissions de gaz à effet de serre tels que le dioxyde de carbone ou le méthane ont baissé. D’après les mesures de l'EPA (PDF), la concentration totale de ces gaz était de 6,1% inférieure en 2009 par rapport à 2008. C’est une baisse d’autant plus considérable que les émissions augmentaient auparavant régulièrement de 0,4% depuis 1990. Malheureusement, il s’agit de toute évidence d’un ralentissement temporaire et non du début d’une tendance à la baisse.
La récession a entraîné une baisse de la demande en énergie et la hausse des prix du charbon a entraîné un glissement de la consommation d'énergie électrique vers le gaz naturel, qui produit moins d’émissions de carbone au kilowattheure. Toutefois, ces changements n'ont que peu de rapport avec l’action du président américain.
Comme le fait valoir Al Gore, le bilan du Président en matière de lutte contre les changements climatiques se compose d'un ensemble de victoires «importantes mais non fondamentales» et d’un échec majeur. Passé devant la Chambre des représentants, son projet de marché du carbone (cap-and-trade) a été abandonné au Sénat, où l’opposition n’a eu qu’à rassembler 41 votes pour bloquer la mesure.
Une fois de plus, le Congrès s’est montré incapable de trouver une réponse systématique au problème des émissions de carbone. Cet été, la Cour Suprême a réaffirmé (PDF) l’autorité de l’EPA en matière de régulation des émissions de dioxyde de carbone, conformément au Clean Air Act. Pourtant, l’EPA (qui, bien qu’indépendante sur le plan opérationnel, dépend techniquement de l’exécutif) a reporté des années durant les régulations d’émissions, dans l’attente, peut-être, d’un signe du Congrès.
Obama a tout de même à son actif quelques petites mesures environnementales. De 2008 à 2009, les capacités nationales en électricités éolienne et solaire ont respectivement augmenté de 39% et 52% (PDF). Cela est forcément dû, en partie au moins, à sa décision d’étendre les crédits d impôts et de créer un nouveau programme d'aide aux énergies renouvelables dans le secteur du logement. Le gouvernement a également approuvé la mise en place du premier parc éolien offshore des États-Unis.
Obama a relevé les standards en matière d'économie de carburant pour les voitures, les étendant même aux petits camions, mais ces régulations ne commenceront pas à prendre effet avant 2012 et il n’y a donc pas eu d’effet immédiat sur les émissions de gaz à effet de serre. Cependant, d’ici 2030, elles devraient au final permettre une réduction des émissions en dioxyde de carbone des voitures de 21% par rapport à ce qu’elles auraient été sans cela. Le Président américain est aussi en train de négocier des mesures encore plus strictes à appliquer d’ici 2025.
Protection de la nature
La gestion des espaces naturels américains a suscité quelques déceptions, mais le Président américain a néanmoins été plus efficace dans ce domaine qu’au sujet des changements climatiques. Ses efforts montrent également l’importance de petites décisions qui ont été très peu remarquées dans le tohu-bohu des négociations budgétaires, des nominations à la Cour suprême et de la politique politicienne.
Obama a notamment conseillé à toutes les agences fédérales jouant un rôle dans la gestion des terrains de tenir compte des conséquences potentiellement catastrophiques que pourraient avoir les changements climatiques sur leurs projets. C’est un changement important par rapport à son prédécesseur, dont l’équipe n’avait jamais entièrement accepté la réalité du réchauffement climatique.
Plusieurs signes indiquent, par exemple, que, le siècle prochain, le parc national du Yellowstone ne constituera plus un environnement approprié pour nombre d’espèces qui y vivent actuellement. Aussi, il ne suffit plus de protéger le Yellowstone. Au lieu de cela, les agences fédérales sont en train de réfléchir à des couloirs qui permettraient aux espèces menacées de migrer lorsque les conditions climatiques changeront. Ce type de projet pourrait s’avérer véritablement essentiel à la survie de plusieurs espèces.
Les écologistes ont également salué le soutien apporté par Obama aux réglementations concernant les zones sans routes sous autorité fédérale. À la fin de son mandat, Bill Clinton avait émis un ensemble de réglementations interdisant toute exploitation minière ou forestière et toute construction de route sur 25 millions d’hectares de forêts nationales.
George W. Bush s’était opposé à ces réglementations durant ses huit années de mandat, en essayant de les remplacer par d’autres plus laxistes et en accordant des exemptions à diverses régions. Les groupes écologistes luttèrent devant les tribunaux contre les changements de Bush jusqu’à la fin de son mandat. Lors de son arrivée au pouvoir, Obama s’est jeté dans la mêlée, donnant à son ministre de l’Agriculture le pouvoir d’arrêter toute nouvelle installation établie sur des terres fédérales (l’Alaska a récemment intenté un procès (PDF) au ministère afin de voir annuler l’ordre temporaire d’Obama).
Qualité de l’air
Les nouvelles sont bonnes de ce coté-ci. Quelle que soit la manière dont on le mesure, l’air des États-Unis est plus propre aujourd’hui qu’il y a quatre ans. Une analyse (PDF) réalisée par l’American Lung Association (association pulmonaire des États-Unis) montre que les 25 villes présentant la pire pollution à l’ozone dans le dernier rapport s’étaient améliorées et que 23 des 25 villes présentant les pires taux de particules en suspension étaient devenues plus propres.
À en croire les experts en qualité de l’air, Obama peut se vanter d’avoir été efficace dans ce domaine. Il s’est notamment occupé de réglementer les émissions des bateaux qui naviguent dans l’océan et qui polluent l’atmosphère parfois jusqu’au Dakota du Nord. Le président américain a enfin établi des normes longtemps retardées pour définir des niveaux acceptables de dioxyde de soufre et d’oxyde d’azote dans l’air.
En outre, l’administration Obama est en train de revoir (PDF) les lois relativement souples de l’ère Bush sur les taux d’ozone. Mais le plus important pour les écologistes est que Barack Obama a refusé d’assouplir le Clean Air Act –qui, selon eux, aurait déjà sauvé 160.000 vies rien qu’en 2010– malgré les pressions des Républicains.
Et voilà. Un tour éclair et incomplet des combats écologiques de ces quatre dernière années. Au risque de trop simplifier, nous pouvons affirmer que les Etats-Unis sont plus verts qu’il y a quatre ans sur bien des points, hormis sur la législation en matière de changements climatiques. Malheureusement, cela va sans doute être (et de loin) le point le plus important de tous.
Brian Palmer
Traduit par Yann Champion