France

En Libye, la spirale de l'enlisement

Temps de lecture : 3 min

Depuis quatre mois environ, les avions d'une coalition menée par la France frappent les forces du colonel Kadhafi, mais le «guide» ne donne aucun signe de vouloir quitter le pouvoir.

7 juillet à Geminis, entraînement d'un civil pour rejoindre les forces rebelles.
7 juillet à Geminis, entraînement d'un civil pour rejoindre les forces rebelles. REUTERS/Esam Al-Fetori

Alain Juppé reconnait qu’il s’est trompé. Le ministre des affaires étrangères avait déclaré, en mars, que les opérations en Libye étaient l’affaire de quelques semaines. Elles vont entrer dans leur quatrième mois quand le Parlement française votera sur la poursuite des bombardements. Gérard Longuet, ministre de la Défense, ne veut plus citer de date. A Pâques ou à la Trinité.

Depuis le 19 mars, les avions, et maintenant les hélicoptères de combat, frappent les forces du colonel Kadhafi, ses dépôts de munitions, ses centres de commandement, ses résidences supposées, mais le «guide» ne donne aucun signe de vouloir quitter le pouvoir.

Parlant des insurgés et du Conseil national de la résistance (CNT) qui essaie tant bien que mal de coordonner leurs activités, Gérard Longuet explique que «leur impatience se heurte aux réalités». On pourrait en dire autant de la coalition hétéroclite – membres de l’Alliance atlantique, pays européens non-membres de l’Otan, quatre Etats arabes – qui intervient en Libye. Elle s’appuie sur la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies qui l’autorise à employer la force pour protéger les populations civiles.

Mais tous les pays engagés n’ont pas la même interprétation du texte. Sans parler des Russes et des Chinois, qui n’ont pas bloqué le texte en opposant leur veto, mais qui trouvent que les Occidentaux en font un peu trop. La France a livré des armes légères aux rebelles dans le Djebel Nefusa, au sud de Tripoli. «Pour protéger les populations civiles», désarmées face aux sbires de Kadhafi, explique le ministère de la Défense. Ces livraisons ne sont pas explicitement interdites par la résolution onusienne. Elles ont pourtant cessé. Officiellement, parce qu’elles ne sont plus nécessaires; officieusement, parce que Paris a été critiquées, y compris par ses alliés.

Les insurgés enregistrent des petits gains, dans des petites batailles. Toutefois, la pression n’a pas été suffisante jusqu’à maintenant pour obliger Kadhafi à hisser le drapeau blanc ou pour pousser toutes les personnalités et les tribus qui le soutiennent encore à l’abandonner. Le soulèvement de la population de Tripoli contre le «guide» n’a pas (pas encore ?) eu lieu. Il n’y avait pas beaucoup de manifestations contre Pétain à Paris, avant la Libération, se rassure Gérard Longuet. Le système de pouvoir mis en place pendant quarante ans est plus solide que ne le pensaient les Occidentaux.

Sans doute finira-t-il par s’effondrer, mais quand et dans quelles conditions? Il n’y a pas de solution militaire, se plait-on à répéter. La Libye n’est ni le Kosovo, ni la Serbie. Après trois de bombardements de l’Otan, Slobodan Milosevic avait composé. Il avait préféré perdre le Kosovo que le pouvoir à Belgrade. Il le perdra mais plus tard, après des élections.

Kadhafi n’est pas dans la même situation. Il a tout à perdre, d’autant plus qu’un mandat d’arrêt international a été lancé contre lui par le Tribunal pénal international de La Haye. Les émissaires de part et d’autres se rencontrent, sous différents auspices. Toute issue se heurte à cette question: que faire de Kadhafi? Les Occidentaux ont fixé la barre très haut en affirmant qu’il devait quitter le pouvoir. Toute solution qui ne satisferait pas à cette condition apparaitrait comme un échec.

Plus le temps passe et plus la coalition devient fragile. Les responsables français assurent qu’ils ne manquent pas de munitions, contrairement à ce qui avait été dit. Les Britanniques, qui portent avec la France la moitié du poids des opérations, ont dû s’adresser aux Américains pour se ravitailler.

L’intervention coûte environ un million d’euros par jour au budget français de la Défense. On peut tenir encore. Les Italiens, eux, ne risquent pas d’être à court de munitions. Ils ont effectué trois cents sorties aériennes sans lâcher une seule bombe. C’est le problème de cette coalition.

Certains membres de l’Alliance étaient contre l’intervention, comme l’Allemagne. D’autres sont pour sans y participer ; d’autres y participent sans prendre part aux opérations militaires ; d’autres se limitent à la surveillance et aux renseignements, etc.

Plus la situation apparaît bloquée, plus les dissensions se font jour. Silvio Berlusconi rappelle qu’il était contre même s’il a dû se plier à vote de son Parlement. D’autres pourraient être tentés par un compromis boiteux pour sortir de ce qu’ils considèrent comme un enlisement.

La Libye mobilise l’attention alors que la situation est tout aussi grave en Syrie. Et personne ne fait rien. La menace d’un veto russe et chinois, renforcée par le précédent libyen, paralyse les autres membres du Conseil de sécurité tout autant que l’ampleur de l’enjeu : la déstabilisation de tout le Proche-Orient où se croisent les intérêts israéliens, iraniens et arabes. Les Européens et les Américains se verraient bien adopter une condamnation rhétorique du régime de Bachir el Assad mais le blocage sino-russe ne peut que provoquer un lâche soulagement.

Daniel Vernet

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