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À L’HEURE OÙ LE DOSSIER monté par le procureur de New York contre Dominique Strauss-Kahn est sur le point de s’effondrer, en France, une autre femme, Tristane Banon, a déposé plainte contre lui pour viol. Laissant les juristes débattre de la culpabilité ou de l’innocence de DSK, L’Explication s’est penchée sur une question beaucoup moins sujette à controverse: comment se fait-il que DSK ait des sourcils aussi noirs alors que ses cheveux sont blancs?
La dopachrome tautomerase, bien sûr! Le blanchiment des cheveux vient du fait que les cellules humaines sont en guerre constante avec des composés oxydants. Ces derniers finissent par empêcher le follicule pileux de produire de nouvelles cellules pigmentaires et le cheveu (ou le poil) devient blanc. Pour empêcher cela, les follicules produisent des enzymes protecteurs qui atténuent l’effet des oxydants.
Des sourcils pas trop stressés
Le fait que les poils ne blanchissent pas au même rythme selon les différentes parties du corps est un phénomène encore mal compris, mais une théorie commence à apparaître. Les chercheurs ont en effet remarqué dans les sourcils la présence de niveaux élevés d’une substance baptisée dopachrome tautomerase, un enzyme protecteur, indétectable dans les follicules du cuir chevelu.
Au fil du temps, cet enzyme, et d’autres du même genre, ont pu protéger les sourcils de DSK des effets dévastateurs du stress, tandis que ses cheveux y étaient exposés.
Cela reste toutefois du domaine de la recherche, car la théorie des enzymes protecteurs n’a pas encore été prouvée. Les scientifiques identifiant régulièrement de nouveaux enzymes, il est possible que l’on découvre bientôt des compositions propres au cuir chevelu, aux parties génitales, à la poitrine ou au menton.
En outre, si les différents types de poils blanchissent à des vitesses différentes, il est aussi tout à fait possible que Strauss-Kahn se teigne en fait les cheveux, ou les sourcils, pour conserver son look, à la manière du chanteur mexicain Vicente Fernandez, célèbre pour sa moustache et ses sourcils d’un noir profond.
Barbe, cheveux, poils…
Les variations de la composition chimique des follicules en fonction des différentes parties du corps n’ont rien de très étonnant.
Le cuir chevelu, par exemple, réagit clairement de manière particulière aux androgènes, les hormones responsables de la chute des cheveux. C’est pourquoi de nombreux hommes, comme Ben Bernanke, le président de la Banque fédérale américaine, sont atteints de calvitie, mais peuvent néanmoins se laisser pousser de très belles barbes (les observateurs attentifs auront aussi remarqué que les quelques cheveux restant sur le crâne de Bernanke ont gardé plus de pigment que les poils de sa barbe, blanche, ce qui prouve bien la complexité infinie des schémas de blanchiment).
Il pourrait même y avoir des différences entre les différents follicules du cuir chevelu, puisque nombre d’hommes voient d’abord blanchir leurs tempes avant le sommet ou l’arrière de leur crâne.
Les chercheurs constatent ces particularités depuis des décennies, mais ce n’est que maintenant que des explications moléculaires commencent à apparaître. Les follicules pileux traversent des cycles de croissance et de repos.
À la fin de chaque cycle, le cheveu tombe et certaines parties du follicule meurent, pour être remplacées par de nouvelles parties dérivées des cellules souches. À un certain moment, toutefois, chaque être humain perd ses réserves en cellules souches mélanocytes —celles qui deviennent les parties pigmentées du follicule.
Les dermatologues ne sont pas entièrement sûrs des raisons de ce phénomène (et ils ne peuvent expliquer non plus pourquoi les autres types de cellules souches folliculaires sont plus résistants). Nous savons, en revanche, que le processus varie selon les groupes ethniques: les blancs commencent en moyenne à apercevoir leurs premiers cheveux blancs vers 35 ans, les Asiatiques vers 40 ans et les Africains vers 45 ans.
Le traitement de certains cancers peut aussi donner aux patients un look inverse à celui de Strauss-Kahn. En aidant le système immunitaire à attaquer les cellules cutanées cancéreuses, certaines chimiothérapies peuvent, en effet, toucher au système pigmentaire des follicules pileux. Les patients se retrouvent alors avec des poils blancs, notamment au niveau des sourcils.
Brian Palmer
Traduit par Yann Champion
L’Explication remercie David Fisher de la Harvard Medical School et du Massachusetts General Hospital.
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