France

Que risque-t-on à serrer des mains?

Temps de lecture : 3 min

Des agressions, mais aussi des maladies. Une poignée de main peut (modérément) nuire à la santé.

Capture d'écran de l'empoignade de Nicolas Sarkozy à Brax, (vidéo AFP)
Capture d'écran de l'empoignade de Nicolas Sarkozy à Brax, (vidéo AFP)

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Serrer les mains est un exercice obligé pour les hommes politiques. L'acte n’est pas sans danger, comme l’ont prouvé les images de Nicolas Sarkozy aggripé par un homme lors d’une séance de poignées de main, jeudi à Brax. Ce type de scénario n’est ni isolé, ni réservé aux politiques: au début du mois de juin, un des chanteurs de la série Glee avait notamment été agrippé par une fan qui l’avait fait tomber pendant un concert.

Empoignés pour des raisons manifestement opposées, Nicolas Sarkozy et l’acteur Darren Criss sont ainsi de récentes victimes d’un geste a priori anodin. Mais outre les risques d’accrochage, serrer les mains peut nuire à la santé de ceux qui s’y prêtent trop souvent. Les chefs d’Etat, constamment soumis aux bains de foule (Barack Obama serre plus de 65.000 mains par an), sont les premiers visés. Quels risques derrière ces poignées de main?

Théoriquement, tout peut s’attrapper par les mains. Car si nos menottes ne sont pas un mode de transmission direct des maladies, nous les portons assez souvent à notre nez ou à notre bouche -les deux gestes que nous faisons le plus fréquemment- pour nous contaminer par voie «orofécale».

Le risque dépend aussi de la survie de l’agent pathogène sur la surface atteinte, et de l’infectiosité de celui-ci, mais les mains se prêtent bien à la contagion.

«Tous les agents pathogènes que nous connaissons restent sur les mains», explique le docteur Jean-Ralph Zahar, spécialisé en hygiène hospitalière à l’hôpital parisien Necker-Enfants Malades et enseignant à l’université de médecine Paris-Descartes.

Un virus se transmet par «goutelettes» (la salive, par exemple) mais si ces goutelettes atterrissent sur les mains d’une personne et qu’il se touche le visage, il risque d’être contaminé. De même, au cours d’une journée, des bactéries s’installent sur nos mains: elles constituent une «flore occasionnelle» qui s’ajoute aux bactéries qui vivent sur nous (la «flore résidente»).

«Si l’on serre une centaine de mains par jour, on risque donc d’être contaminé par les bactéries que nous avons acquis dans notre activité quotidienne», estime Jean-Ralph Zahar.

Par exemple, si la bactérie de la salmonellose s’installe sur nos mains et que nous mangeons après, sans nous les laver, on peut transmettre la bactérie à l’aliment, et tomber malade.

Les virus ont beau ne pas être transmis directement par le toucher, nos palmes peuvent aussi en permettre la dissémination. Un postillon qui nous atteint peut nous contaminer, ou contaminer les personnes que nous touchons. D’où les conseils d’hygiène prodigués notamment au moment de l’épidémie de grippe H1N1, où serrer les mains était fortement déconseillé.

Plus une personne est en contact avec d’autres, plus elle doit veiller à son hygiène. Un chef d’Etat, qui rencontre régulièrement plusieurs centaines de personnes, devrait donc se laver les mains régulièrement ou user à profusion des lotions antiseptiques.

Une note rassurante pour les politiques: ce sont les médecins qui doivent faire le plus attention à l’hygiène. «Plus la situation à risque est importante, plus on a de chances d’être contaminé», souligne Jean-Ralph Zahar. Si l’on serre la main de dix personnes grippées, on a donc plus de chances d’attraper la grippe que si l’on serre la main de dix personnes dont seule une est malade.

En découle notamment la «mission mains propres» menée par le gouvernement, qui incite les professionnels de la santé à se laver les mains systématiquement après chaque consultation.

Poigne de président en danger?

Une multitude d’autres pathologies pourraient toucher nos chefs d’Etat, et notamment leurs précieuses mains, à force de fricoter avec celles des autres. La série américaine «The West Wing» («A la Maison Blanche») avait d’ailleurs imaginé dans un épisode que le sénateur républicain Arnold Vinick ait la main cassée à force de serrer la pince de ses électeurs.

Ne faisons pas durer le suspens: cette tournure d’événements est franchement improbable, à moins que le président en question ait un problème osseux sous-jacent ou qu’il rencontre quelqu’un avec une poigne redoutable.

En revanche, il est envisageable qu’ils aient des problèmes au niveau des tendons de leur main, soit avec une inflammation de la gaine des tendons (tenosynovite), soit avec une pathologie au niveau du poignet (le canal carpien étroit). Cette possibilité reste pourtant très faible, et touche en fait les travailleurs manuels, dont la tâche est bien plus ardue que de serrer les mains.

Dernière possibilité, celle de la dermatite: transmettre des champignons à travers le contact manuel. Encore une fois, c’est possible, mais peu probable. Il faudrait que le contact soit très prolongé pour qu’il y ait une contamination. Or on serre rarement les mains pendant des heures.

Si les mains ne craignent pas grand chose, d’autres types d’infection menacent donc la fonction présidentielle, à cause des poignées échangées. Un constat qui pourrait inciter le gouvernement à renforcer l’hygiène hospitalière de la France, encore «loin derrière celle des pays Nordiques».

Daphnée Denis

L’explication remercie le docteur Jean-Ralph Zahar, enseignant à l’université Paris-Descartes, et le docteur Catherine Girolami.

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