Je n'ai jamais caché mes sentiments pour Gmail. Il y a deux ans, je le qualifiais de «meilleur programme mail de tous les temps». L'été dernier, quand Google a lancé sa «boîte de réception prioritaire», une fonctionnalité qui identifie automatiquement les messages importants, j'ai redoublé d'éloges. Et pourtant, ces déclarations d'amour enflammées sont encore loin de signifier la profondeur de mon engagement envers l'application mail de Google.
Gmail me laisse tomber
Je vais sur Gmail un million de fois par jour. Ce n'est pas tant que je passe plus de temps sur Gmail que sur aucun autre programme —je passe plus de temps sur Gmail que je n'en passe devant la télévision, à lire des livres, des magazines, et même avec ma femme et mon enfant.
Et malgré tout, voilà que Gmail me laisse tomber. À chaque jour qui passe, une nouvelle déconvenue, petite certes, mais douloureuse. Première chose, il n'a cessé de se ralentir. Le problème a commencé à se faire sentir l'an dernier, et s'est gravement intensifié ces deux derniers mois. Les bons jours, la fonction recherche de Gmail met 5 secondes à répondre à ma requête, les mauvais jours, de 15 à 20 secondes.
Pareil quand je cherche à ouvrir différents dossiers —actuellement, quand je clique pour passer de ma boîte de réception à mes messages suivis, je me lève et vais lire le journal pour laisser à Gmail le temps de traiter ma demande. J'ai ajouté le widget calendrier à gauche de mon écran Gmail, mais la moitié du temps, c'est un message d'erreur réseau que je vois à sa place.
Le centre d'aide, pas forcément de bon secours
Qu'est-ce qui ne va pas avec Gmail? Et le problème vient-il de chez moi, ou de chez Google? Ces soucis sont-ils répandus, ou suis-je le seul à être touché? Je n'en ai aucune idée. Je suis allé voir le centre d'aide du site, mais il ne m'a été d'aucun secours. Je me suis plaint à plusieurs reprises sur Twitter, et j'en ai vu d'autres se plaindre, aussi —MG Siegler, de TechCrunch, mon frère d'armes quand il s'agit de critiquer Gmail— mais personne de chez Google n'est venu à ma rescousse.
Il y a deux mois environ, quelqu'un du département communication de Google m'a proposé de dépêcher ses ingénieurs sur mon problème, mais ils m'ont dit que leurs investigations n'avaient révélé aucun problème technique. Ce qui est absurde, mais je n'ai pas insisté auprès des communicants de Google. Je ne voulais pas d'un traitement de faveur. Ce que je voulais, c'est qu'on me donne ce moyen courant et universellement reconnu quand on cherche à demander de l'aide à nos seigneurs industrieux: je voulais qu'on me donne un numéro de téléphone.
Gmail ne peut pas me fournir un numéro de téléphone
Et c'est la seule chose que Gmail ne peut me fournir. Pour la plupart des gens, Gmail est un service gratuit (Gmail est payant pour certaines entreprises, via les comptes Google Apps, et Google permet aussi à des personnes physiques de s'offrir une capacité de stockage plus importante —j'en suis). C'est stupéfiant de penser à tout ce Gmail nous permet, pour si peu.
Google fait de l'argent avec Gmail —de ce que j'en ai entendu, elle en tire même profit— en affichant des publicités autour de vos messages. C'est un business-model brillant —tant que vous n'avez pas de problèmes, surtout de ceux qui demandent une assistance technique pour être résolus. Qui appeler si quelque chose tombe en rade? Personne.
Mais Gmail n'est pas le seul concerné
Et cela ne concerne pas seulement Gmail. Cela touche tout le marché des logiciels web. Nous mettons de plus en plus nos vies entre les mains de sites gratuits. Et certains nous sont indispensables —en plus de Gmail, je ne pourrais pas vivre sans Google Voice, qui gère tous mes appels téléphoniques, et sans Mint.com, que j'utilise pour faire mes comptes. Mais ces sites sont autofinancés par de la publicité, et des entreprises financées par la publicité ne peuvent fonctionner qu'à grande échelle. Gmail possède 193 millions d'utilisateurs, et ne cesse de croître.
Le service client, quant à lui, ne peut évidemment pas suivre. Google ne tirerait pas un centime de Gmail s'il permettait à tous ceux qui ont un problème avec d'appeler un service technique. Si vous avez un souci avec un service gratuit, et que vous avez usé vos doigts jusqu'à l'os à chercher la solution en ligne, vous ne pouvez pas faire grand-chose d'autre. On peut dire que vous en avez pour votre argent, après tout.
De l'aide sur les forums, ou rien
Pendant des mois, j'ai eu un affreux problème similaire avec Mint, un site qui vous permet de gérer vos finances en se connectant à tous vos comptes en banque, et de surveiller tout ce qui se passe avec votre argent. Le succès de mon compte Mint personnel n'a pas vraiment été patent —il a toujours été incapable de se connecter à mon compte retraite, et a eu de temps en temps des problèmes pour se connecter à mon compte courant.
J'ai cherché de l'aide sur les forums Mint, où des fans dévoués s'assistent souvent les uns les autres, mais je n'y ai trouvé aucune solution. Fin mai, et un peu plus tôt, début avril, j'avais rempli le formulaire en ligne du service d'assistance de Mint et décrit mon problème, et j'ai obtenu deux réponses inutiles —un premier message m'informait que mon problème avait été résolu, et un second me demandait de suivre un protocole pour le résoudre, ce que je n'avais cessé de faire depuis le début. (D'ailleurs, ça ne fait pas très longtemps que j'ai vu ces deux réponses, car elles avaient atterri dans le dossier spam de Gmail. Merci Gmail!)
Des services consommateurs submergés de demandes
Ensuite, j'ai fait ce qui m'arrive souvent en cas de problèmes avec un service en ligne et gratuit. Je me suis plaint sur Twitter. Et ça a marché! J'ai reçu une réponse de @MintSupport, le compte Twitter du service client de l'entreprise, puis un mail émanant de Stephen Mann, responsable du service clientèle de Mint et de Quicken (appartenant tous les deux à Intuit). Mann s'est montré affable et très efficace. Il a dépêché ses ingénieurs sur le problème, et quelques heures et échanges de mails plus tard, le problème était résolu. J'étais reconnaissant, mais dubitatif. Mann m'avait-il aidé parce que je suis journaliste? Tout le monde obtient-il ce genre de faveurs?
Probablement, mais cela dépend de l'importance que Mint accorde à votre problème. Mint possède environ 6 millions d'utilisateurs enregistrés, et Mann déclare recevoir environ 1.000 demandes d'assistance technique par jour. Pour faire face à ce déluge, son équipe est composée de 30 personnes, et quand j'ai discuté avec lui, je dois avouer que Mann m'a paru un tantinet submergé. Trois-quarts, environ, des plaintes reçues concernent le même problème que moi —des difficultés de connexion entre Mint et les institutions financières.
Si votre problème est plus rare, vous êtes dans la panade
L'équipe de Mint a récemment mis en place un système de filtres qui dirige directement ces plaintes vers les ingénieurs, mais cette méthode ne semble pas infaillible —dans mon cas, par exemple, un ingénieur pensait avoir résolu mon problème, et c'est ainsi que j'ai reçu un message me disant que mon problème était résolu. Compte tenu du volume de requêtes techniques reçues, l'équipe de Mann s'en tire plutôt bien en réussissant globalement à s'en sortir. Il déclare que la réaction de son équipe à une demande d'assistance se fait en moyenne en 17 heures, et qu'elle résout les problèmes de connexion en 3 jours, toujours en moyenne.
Mann déclare aussi que son équipe peut passer plusieurs heures à résoudre le problème d'un simple utilisateur, mais que ces cas sont rares. «On définit la priorité du problème en fonction du nombre d'usagers de Mint concernés», explique-t-il, ce qui veut dire que si vous rencontrez un problème avec une banque très populaire —un problème qui affecte probablement beaucoup d'autres utilisateurs de Mint— vous avez plus de chance d'obtenir de l'aide.
Par contre, vous serez davantage dans la panade si votre problème est plus rare. «Si un utilisateur obtient un message d'erreur en tentant de se connecter à un petit organisme de crédit qui concerne 15 utilisateurs sur le réseau Mint, il a de grandes chances, malheureusement, d'attendre plus longtemps avant que son problème ne soit résolu», déclare Mann.
«L'entonnoir» plutôt que le «tête-à-tête»
Ce qui correspond aussi à la philosophie du support technique de Google. «Le service client a été conçu pour préférer un principe d'entonnoir à celui du tête-à-tête», explique Matt Glotzbach, directeur de la gestion produit pour Google Apps. Ce qu'il veut dire, c'est que Google dévoue le gros de ses efforts à mettre au point d'un système d'assistance en ligne très performant —un centre d'aide, des assistants automatiques de gestion d'erreur, et des forums de discussion— qui résoudront probablement la majorité des problèmes des utilisateurs. «La plupart des soucis ne concernent pas uniquement un seul individu —compte tenu de l'ampleur de nos activités, il est très rare de voir quelque chose n'affecter qu'un seul utilisateur», déclare Glotzbach.
J'ai demandé à Glotzbach ce qu'il fallait faire quand on avait épuisé toutes ces méthodes. Ce que je dois faire, moi, par exemple, pour le ralentissement inexorable de mon Gmail —y a-t-il un moyen de m'adresser à un technicien de Google et qu'il cherche une façon de résoudre pour de bon mon problème?
Le moyen le plus sûr pour résoudre le problème: payer
Goltzpach me fait remarquer qu'un tel moyen existe déjà, mais que cela ne signifie pas qu'un technicien, en personne, à Google, se penchera sur mon problème. (Je le sais bien; mes précédentes requêtes n'ont abouti à rien). Que puis-je faire d'autre? Me mettre à payer. «C'est une réponse difficile à donner, parce que mon objectif serait, qu'en tant qu'utilisateur avancé, vous n'avez pas besoin de payer, mais votre cas est limite —le type de service que vous recherchez est un service professionnel, conçu pour les entreprises, que nous proposons à 5 dollars par mois (40 euros par an en France, NDLE).» Parmi tous les avantages de ce service payant, une assistance téléphonique 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.
Je suis en train de réfléchir à cette option. Ceux qui ne veulent pas payer, par contre, ont peut-être épuisé toutes leurs cartouches —pour certains problèmes rencontrés sur des plateformes gratuites et financées par la publicité, personne ne vous viendra jamais en aide. Et qu'importe votre acharnement sur Twitter.
Farhad Manjoo
Traduit par Peggy Sastre