Les chaînes de télévision et de radio ne pourront plus faire la promotion de leur page Facebook ou Twitter à l'antenne. Ou tout du moins ne plus utiliser les termes "Facebook" et "Twitter". Dans une décision rendue publique le 27 mai, le CSA estime que «le renvoi des téléspectateurs ou des auditeurs à la page de l’émission sur les réseaux sociaux sans les citer présente un caractère informatif, alors que le renvoi vers ces pages en nommant les réseaux sociaux concernés revêt un caractère publicitaire». Il faut donc s'attendre à une avalanche de paraphrases alambiquées, du type: «Retrouvez la page officielle de Secret Story sur votre réseau préféré de micro-blogging!».
Immédiatement, la communauté Internet s'est gaussée de cette décision jugée rétrograde. Sur son blog, Benoît Raphael, ancien rédacteur en chef du Post.fr, lance un petit poke amical aux sages du CSA en leur signalant que «le monde a changé»:
«Surtout, le CSA n’a pas compris que, avant d’être des marques, Twitter et Facebook, sont des espaces publics où plus de 25% de la population française discutent et échangent des informations. Que l’on dit de Facebook, véritable écosystème social,qu’il se substitue à Internet. Que quand Nicolas Sarkozy reçoit Mark Zuckerberg en marge de l’eG8, il le reçoit presque comme un chef d’Etat : une communauté de 600 millions d’internautes, plus grande que la population des Etats-Unis d’Amérique. Bref, que le monde a changé.»
Pour se justifier, le CSA, par la voix de Christine Kelly, explique qu'«on ne peut pas privilégier un réseau par rapport à un autre, car cela reviendrait à évincer la concurrence.» Les chaînes pourront continuer à renvoyer vers leurs sites web respectifs et Facebook et Twitter pourront toujours être cités lorsqu'ils sont dans l'actualité. Par exemple, «Le secrétaire d'État tunisien Slim Amamou a annoncé sa démission sur son Twitter». Seule la promotion des pages de chaînes sera réglementée.
En réalité, le CSA pose une bonne question: une entreprise commerciale peut-elle détenir un standard de communication comme le sont devenus Facebook et Twitter? Les deux sites répondent à un besoin (qu'ils ont eux-même créé) et pour lequel ils n'ont pas de réels concurrents.
Facebook, les nouvelles Pages Blanches
Facebook était au départ littéralement un face-book (trombinoscope) sur le campus Harvard avant que le succès n'en fasse un outil de communication à l'échelle du monde. Puis la notion de friend s'est tellement dégradée qu'elle inclut aujourd'hui les copains d'avant, les ex, les parents, les collègues. La communication intime en public devient de plus en plus difficile (en-dehors des nouveaux groupes, fonctionnalité récente), tant et si bien que Facebook a tendance à redevenir ce qu'il était, un trombinoscope.
Un annuaire occidental où sont inscrits 600 millions de personnes (chiffre officiel qu'il faut sans doute minorer) qu'on peut joindre facilement en envoyant un mail. Facebook constitue les nouvelles Pages Blanches, avec une liste rouge qui ne cesse de diminuer dans son aire d'influence. L'intérêt d'avoir deux annuaires chez soi n'est pas évident, il en va de même pour Facebook.
Facebook a bien quelques concurrents mais ils sont loin des préoccupations du CSA: Renren en Chine, Vkontakte en Russie ou Orkut au Brésil. S'inclinant face à Facebook, MySpace s'est recentré sur la musique.
Twitter, l'outil du direct
Twitter a popularisé le micro-blogging et se confond avec lui, ayant atteint la taille critique qui rend toute concurrence vaine. Le micro-blogging permet de publier des contenus sans le formalisme d'un post de blog qui nécessite au moins un titre et quelques lignes de texte. Les tweets sont devenus la nouvelle unité de base du contenu sur Internet, jusqu'à être considérés comme des sismographes de l'activité du web.
Dans les articles de presse, on cite maintenant les tweets comme les télé abusent des micro-trottoirs pour essayer de capter les réactions de la population (exemple). Lors des deux premières audiences de DSK devant la justice américaine, les chaînes d'info comme BFM-TV ont lu à l'antenne des tweets de confrères, qui étaient bien mieux informés que leurs correspondants en duplex devant le tribunal.
Avec cet événement, Twitter a montré qu'il était aussi un outil inédit de SMS en public. Les chaînes n'avaient que deux choix pour suivre l'audience en direct: lire Twitter ou lire les SMS de leurs correspondants à l'intérieur du tribunal.
Sur ce segment du micro-blogging, il n'y a guère que Tumblr qui peut lutter, un site qui autorise lui aussi à poster un contenu très rapidement. Mais la concurrence avec Twitter n'est pas directe: Tumblr est plus dédié aux partages de contenus culturels qu'au partage d'informations (sur soi ou sur le monde). Là encore, il existe une alternative chinoise, Weibo, le clone local.
On se fait un twapéro?
On ne peut pas tout à fait esquiver l'alerte donnée par le CSA: il n'est pas très sain que deux entreprises privées gèrent un annuaire mondial électronique (Facebook) et la nouvelle particule élémentaire de l'information (Twitter). On ne peut pas d'un côté se féliciter de la tentative (pour l'instant avortée) de lancer Diaspora, un Facebook open-source, et de l'autre, traiter le CSA de vieux ringard sous prétexte que Mark Zuckerberg est trop cool avec ses sandales.
Le CSA reviendra peut-être un jour sur sa décision si Facebook et Twitter finissent par perdre leurs majuscules. «Aller sur facebook» serait alors aussi naturel qu'«aller à la poste» ou «ouvrir son frigo». Le mouvement a d'ailleurs déjà commencé pour Twitter, avec un répertoire de mots dérivés du nom du site: un tweet, un live-tweet, un twitto (utilisateur du site), un twapéro (un apéro avec des twittos) ou le verbe tweeter.
Sinon, quelqu'un a des nouvelles de Waka, le "Skyblog" du gouvernement?
Vincent Glad