Après l'épidémie mortelle, principalement en Allemagne (37 morts, 38 dans toute l'Europe), voilà que l'Escherichia coli est une nouvelle fois mise en cause, dans le Nord de la France. Six enfants étaient hospitalisés ce 16 juin en réanimation pédiatrique au CHU de Lille après avoir mangé des steaks hachés infectés par la bactérie E. coli, qui a déclenché chez eux d'importantes diarrhées sanglantes. A priori, cette infection n'a aucun rapport avec la «bactérie tueuse» allemande.
Nous republions l'article paru un début de l'épidémie en Allemagne.
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La bactérie responsable de l'épidémie a été identifiée. Il s’agit d’une «Escherichia coli enterohémorragique».
Cette catégorie de germes pathogènes est responsable d’un ensemble de symptômes digestifs hémorragiques et rénaux pouvant conduire à un «syndrome hémolytique et urémique» (SRU) aux conséquences parfois mortelles.
«Cette vague de SHU est une des plus importantes jamais observées dans le monde et la plus importante en Allemagne», observent les experts du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC). Ces derniers ont fait, en urgence, une communication scientifique sur ce sujet.
Ils soulignent le caractère très atypique de cette épidémie, les malades étant le plus souvent des adultes alors qu’habituellement les cas de SRU sont le plus souvent diagnostiqués chez des enfants.
Les investigations menées en Allemagne ont permis d’isoler une souche bactérienne très rare d’Escherichia coli (O104: H4) qui a pour double caractéristique de résister à de nombreux antibiotiques et de produire des vérotoxines (ou «shiga-toxines») susceptibles de provoquer des hémorragies intestinales. Une seule épidémie due à cette souche semble avoir jusqu’ici été recensée, c’était en 1994 aux Etats-Unis.
Outre les mesures préventives concernant les aliments susceptibles d’être contaminés, une stricte hygiène des mains est recommandée l’infection pouvant se transmettre d'une personne à l'autre via des matières fécales.
Comment et pourquoi une telle souche bactérienne a-t-elle pu émerger? Pour l’heure c’est le mystère.
Découverte en 1885, Escherichia coli est une bactérie bien connue des microbiologistes et omniprésente dans le tube digestif de l’homme et des animaux à sang chaud.
La plupart de ces souches bactériennes sont sans danger et nous vivons en parfaite harmonie avec elles. Tel n’est pas le cas des souches dites enterohémorragiques (ECEH), qui peuvent être à l’origine de graves toxi-infections alimentaires.
Les ECEH fabriquent des toxines qui se multiplient à la température optimale de 37°C et ces bactéries ne sont détruites que lorsque les aliments contaminés sont cuits à plus de 70°C.
Des problèmes d'hygiène?
Le réservoir de ces souches dangereuses semble être le tube digestif des bovins et d’autres ruminants.
On estimait jusqu’à présent que la transmission à l’homme se faisait surtout par la consommation de viande hachée (crue ou mal cuite) ainsi que par le lait cru.
«Parmi les aliments impliqués dans des flambées de la souche O157:H7, on peut citer les hamburgers mal cuits, le salami, et le jus de pomme frais, les yaourts, le fromage et le lait non pasteurisés, précise-t-on auprès de l’OMS. Les flambées sont de plus en plus fréquemment associées à la consommation de fruits et de légumes (graines germées, salade, chou cru et crudités diverses), la contamination pouvant être due au contact avec les déjections d’animaux domestiques ou sauvages à un stade ou à un autre de la culture ou de la manipulation.»
L'hypothèse la plus vraisemblable dans cette épidémie serait une contamination fèces bovines-plantations de légumes (ou fèces bovines-emballage des légumes, transport des légumes, réception des légumes etc.).
Un constat qui laisse imaginer des situations assez peu ragoûtantes dans certains circuits de l’agro-alimentaire.
L’Organisation mondiale de la santé précise que la prise de conscience du danger que représentent de telles bactéries pour la santé publique est apparue en 1982, à la suite d’une flambée épidémique survenue aux Etats-Unis.
En 1996 au Japon, une épidémie associée à la présence de graines de radis germées contaminées dans des repas scolaires avait touché près de 10.000 personnes.
Parmi les symptômes des infections par les ECEH, on observe des crampes abdominales et des diarrhées pouvant évoluer vers des diarrhées sanglantes (ou «colite hémorragique»). La période d’incubation est habituellement de trois à huit jours.
Dans la plupart des cas, la guérison est obtenue dans les 10 jours; toutefois chez un petit nombre de patients (les jeunes enfants et les personnes âgées), l’infection peut conduire à un syndrome hémolytique et urémique (défaillance rénale aiguë, hémorragies) mortel.
Jusqu’à présent dans la famille des ECEH, c’était la souche O157:H7 qui était le plus souvent associée aux flambées épidémiques.
Il faut donc désormais compter avec O104:H4 et ses caractéristiques atypiques. L’émergence de cette nouvelle souche n’est pas sans rappeler celle de la souche bactérienne NDM-1 résistante à tous les antibiotiques ou presque qui a vu le jour à New Dehli.
Autant de phénomènes qui, trente ans après l’apparition du sida, témoignent de la dangereuse et croissante biodiversité qui caractérise les mondes bactériens et viraux.
Jean-Yves Nau