Ils ont bonne mine tous ceux qui critiquent le PIB comme mesure de la prospérité mondiale. Il doit grimacer Joseph Stiglitz, le prix Nobel d’économie à qui Nicolas Sarkozy avait demandé, il y a deux ans, de bâtir une liste de nouveaux indicateurs économiques pour introduire d’autres statistiques du véritable «progrès» de la planète économique, comme la pollution ou la santé.
L’OCDE vient de ramener ces doux efforts à une réalité très politiquement incorrecte: au bout du compte, le bien-être est dans le PIB. Terrible à dire: mais l’argent fait le bonheur!
L’OCDE, l’organisation qui regroupe les 34 pays les plus développés, fête ses 50 ans. Pour l’occasion, elle a voulu mettre au point, elle aussi, un indice du «bien-être» qui soit plus complet que le traditionnel PIB par tête, la production par habitant, utilisé depuis 70 ans dans tous les pays.
Le lecteur ira sur le site internet ouvert par l’institution dont le siège est au château de la Muette à Paris, et il pourra à sa guise pondérer les onze différents critères retenus pour les 34 pays membres: revenu des habitants, patrimoine, emplois, taille du logement, santé, rapport entre la vie privée et professionnelle, éducation, gouvernance, sécurité, qualité de l’environnement et «bien-être» ressenti.
La France, dans la moyenne
Organisation pudique, l’OCDE laisse chacun libre de faire ses choix de pondération et donc ses classements. L’hebdomadaire britannique The Economist, plus iconoclaste, a fait tous les calculs à partir d’une pondération égale des 11 critères.
Il en ressort un résultat sans appel: le «bien-être» est complètement corrélé au PIB.
Pas le bonheur individuel, qui dépend on le sait de l’âge de chacun, de sa santé et de mille autre considérations. Mais du bien-être moyen des habitants des 34 pays de l’OCDE.
C’est clair: plus le pays est riche, plus ses habitants ont le sentiment de vivre bien. La croissance, la richesse, l’argent, offrent le moyen d’acheter le reste: de bons hôpitaux, de bonnes écoles, de bons moyens de transport, etc. C’est une évidence que certains militants de la décroissance ont pu oublier: l’argent ne fait pas le bonheur mais il le facilite grandement.
Les résultats pour la France sont aussi instructifs. Pays riche, elle se classe dans la moyenne supérieure.
Suivant les différents critères, ses résultats sont au-dessus de la moyenne: taille des logements, travail assez facile des femmes, bonne relations amicales, pollution faible, et bonne sécurité, contrairement à ce qu’on nous dit. Il y a bien entendu un critère très négatif, le chômage. Mais au total, la France «fait beaucoup pour le bonheur des familles», dit l’OCDE.
Pourtant les Français ne sont pas satisfaits, on le voit dans tous les sondages. Ils ont beaucoup pour être plus heureux que les autres mais non, une moitié se dit «insatisfait» de la vie qu’il mène, score très supérieur à la moyenne. A croire que l’argent fait le bonheur des autres mais il fait la grogne des Français.
Eric Le Boucher