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Dans son article en défense de Dominique Strauss-Kahn, accusé d’agression sexuelle à New York, Bernard-Henry Lévy s’étonne que la femme de chambre ait pu rentrer seule dans la chambre de l’ancien directeur du FMI alors que les grands hôtels prévoient des «brigades de ménage» de deux personnes. Comment travaillent les femmes de chambre dans les hôtels de luxe?
Dans la discrétion absolue. C’est la première qualité demandée aux femmes de chambre dans l’hôtellerie de luxe, et aussi une manière de travailler qui est attendue de tout le personnel de ces hôtels. Comme pour les majordomes, il existe des codes de conduite sur l’attitude à avoir, le ton de voix pour toujours rester dans le respect du client et ne pas le déranger.
L’hôtellerie de luxe est un secteur très standardisé, et les pratiques et usages sont en théorie les mêmes partout dans le monde. Sofitel est la gamme d’hôtels de luxe du groupe français Accor, une chaîne de référence dans l’hôtellerie de luxe, et tous ses hôtels sont quatre (comme celui de New York, où était descendu DSK) ou cinq étoiles.
Invisible
Plus l’hôtel est luxueux, plus l’armada qui entoure les clients –femmes de chambre, serveurs, room service— se fait discrète voire invisible. Le mot d’ordre numéro un est de ne pas déranger le client tout en étant efficace. Une femme de chambre est censée avoir le moins de contacts directs possible avec les clients, et n’est jamais supposée se trouver dans une chambre en même temps qu’un client, sauf quand celui-ci a demandé à ce qu’on lui apporte quelque chose.
Personne ne doit rentrer ni même frapper à une porte si le panneau Ne pas déranger est accroché à la poignée. En théorie, c’est également le cas quand le personnel sait que le client est dans la chambre, même si le signe n’est pas sur la porte. De même, on apprend aux femmes de chambre à s’éclipser immédiatement si un client entre dans une chambre alors qu’elles y travaillent.
Eviter le contact
Mais il peut arriver que la direction de l’hôtel commette une erreur de communication et envoie une femme de chambre dans une suite où un client est présent. Selon une source proche du Sofitel de New York citée par la presse, un membre du personnel de l'hôtel se trouvait dans la suite de DSK quand la femme de chambre est entrée, et lui aurait dit que la chambre était vide.
Dans ce cas-là, la femme de chambre est supposée s’éclipser au moindre indice de présence du client, comme un bruit d’eau coulant dans la salle de bains, un chapeau ou un parapluie posé dans la chambre, une lumière, etc. L’employée est alors censée aller se renseigner auprès de la réception, qui sait normalement si les clients sont dans la chambre. La direction est habituellement au courant à tout moment de l’emploi du temps des clients importants, et peut suivre les entrées et sorties du client grâce à son passe magnétique.
Dans les suites, les femmes de chambre peuvent faire le ménage «en brigade» de deux personnes dans un souci d’efficacité, pour pouvoir nettoyer et préparer la chambre le plus rapidement possible. Mais cette pratique n’est pas partagée par tous les hôtels, et certains envoient des femmes de ménage seules dans les suites. Les équipes envoyées dans les chambres les plus luxueuses ont plus d’expérience.
S’adapter au client
Les femmes de chambres sont également formées pour savoir quel comportement adopter face à certaines situations, comme des clients agressifs ou ivres. Dans certains hôtels, elles reçoivent un petit cahier détaillant les différentes personnalités de clients et même les différences culturelles, et comment y réagir. Les femmes de chambres doivent savoir comment ne pas regarder un client exhibitionniste qui se dénude devant elles, et même arriver à éviter de telles situations en les anticipant.
Quand un client mâle qui est sous la douche dit à la femme de chambre qu’elle peut entrer, il s'agit déjà d'un signal d’alarme. Si le client est sous la douche ou sur le lit, il ne faut en aucun cas rentrer, même s’il le demande.
Le personnel doit aussi s’adapter à la personnalité des clients réguliers. Les hôtels notent les habitudes pour pouvoir anticiper les demandes du client lors de ses visites.
Par définition, les hôtels de luxe accueillent des clients importants, des personnalités influentes. La direction est toujours au courant de l’identité des clients, mais pas forcément le personnel. Un client important qui vient se reposer dans un hôtel en visite privée par exemple souhaite être le plus anonyme et tranquille possible.
Inversement, certains hôtels communiquent l’identité des clients VIP aux femmes de chambre justement pour que le service soit le plus adapté possible à la personne et à son standing.
Grégoire Fleurot
L’explication remercie Rose-Marie Bannenberg, professeure de gestion de l’hébergement à l’Ecole hôtelière de Lausanne, et l’hôtel Beau Rivage Palace de Lausanne.
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