Si DSK est condamné pour agression sexuelle, il perdra immédiatement son poste de directeur général du Fonds monétaire international qu’il occupe depuis le 1er novembre 2007. Cela ne devrait rien changer dans l’immédiat pour le FMI, ses missions et les pays qu’il aide, comme la Grèce.
Le Fonds pourrait être dirigé dans l’intérim par l’Américain John Lipsky, actuel adjoint de DSK. Il devait partir en août mais Dominique Strauss-Kahn, en pensant alors probablement à sa propre démission pour participer à la campagne présidentielle en France, lui avait demandé d’assurer «la continuité» jusqu’au G20 de fin d’année. Il avait accepté; le voilà donc en situation de diriger le Fonds dans la crise que constituerait le départ du directeur général actuel.
Ensuite, les Etats actionnaires devront d’urgence nommer un remplaçant. Pour la France, il sera difficile de présenter un autre candidat et beaucoup de commentateurs estimaient, avant cet épisode du Sofitel de New York, que pour la première fois un non-Européen devrait être nommé. Ce serait une rupture de la règle —non écrite mais réelle depuis 1945— d’un Européen à la tête du Fonds monétaire et d’un Américain à la Banque Mondiale.
Les missions et les plans d’aides aux pays en crise n’en seront aucunement affectés ni amendés, ni remis en cause. Ces plans font l’objet d’accords signés qui engagent les institutions et non pas les personnes qui signent. Mais il est évident qu’une grande incertitude s’ouvre pour l’avenir. La crise avait permis au directeur général français de changer radicalement la stratégie et d’infléchir très sérieusement la philosophie libérale du fameux «consensus de Washington».
Le FMI a été un défenseur ardent des plans de relance keynésien sitôt la crise déclenchée et il a plaidé depuis deux ans pour qu’ils ne soient pas retirés trop tôt. Le FMI sous DSK avait aussi fait un virage complet sur la libéralisation de capitaux puisqu’il admet maintenant qu’un pays peut avoir intérêt à instaurer un contrôle des capitaux provisoire lors d’une crise. Pour toutes ces raisons, Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, et situé très nettement à gauche, venait de rendre un vibrant à Dominique Strauss-Kahn en estimant qu’il était «un directeur général sagace».
Le FMI, institution en perte de vitesse avant la crise, sort de celle-ci, sous la direction de DSK, grandement réhabilitée. Le directeur général est un poste qui compte sinon pour fixer la ligne stratégique mais du moins pour l’infléchir. Son successeur pourrait ne pas être sur une ligne si hétérodoxe.
Eric Le Boucher