«And our 12 points go to … France!»: la dernière fois que ce doux refrain a été entonné à l’Eurovision, c’était en 2004, quand Jonatan Cerrada (qui a remporté la Nouvelle Star du temps où l’émission s’appelait encore A la Recherche de la nouvelle star…) a représenté l’Hexagone. Sept ans que la France n’a reçu d’aucun pays les fameux «12 points».
Alors forcément, quand les bookmakers britanniques parient massivement sur une victoire française à l’Eurovision, dont la finale se joue samedi à Düsseldorf, en Allemagne, certains ont du mal à y croire. Le jeune et sympathique Amaury Vassili réussira-t-il à décrocher la première place? Sa chanson en corse, Sognu, succèdera-t-elle à L’Oiseau et l’Enfant de Marie Myriam, dernier titre français à s’être classé premier, en 1977?
Laissons répondre les spécialistes des pronostics en la matière: les bookmakers, qui misent de l’argent sur les candidats, Google, qui a mis sur pied un outil pour évaluer leur popularité, et les fans, qui… aiment l’Eurovision et la suivent assidument.
Les fans et leur chouchou
Au niveau européen, ces derniers font chaque année connaître leur favori au printemps, à l’issu d’une série de votes organisés dans les fans clubs nationaux, regroupés au sein de l’OGAE, l’Organisation générale des amateurs de l’Eurovision.
Leur chouchou 2011? La Hongroise Kati Wolf. Faut-il se fier à ce vote? Surtout pas, les fans, les vrais, ceux qui sont sur place des jours voire de semaines avant le concours, sont ici réputés pour se tromper à tous les coups ou presque.
Il faut dire qu’ils «ont des goûts très spéciaux», explique Alain Fontan, secrétaire d’Eurofans, le fan club français. Par spéciaux, comprenez gay-friendly ou plus concrètement, «une grosse qui crie qu’on ne l’aime pas» a toutes ses chances, aime ironiser Alain.
Plus sérieusement, «les fans ont en outre souvent déjà écouté les chansons des dizaines de fois quand ils votent, alors que les téléspectateurs les entendent en général pour la première fois le soir de la finale, poursuit-il. Enfin, ils jugent à partir des clips, pas de la prestation sur scène».
Résultat, les fans ont beau être très, très fans, et incollables sur les 56 éditions du concours (demandez-leur qui chantait pour Monaco en 1979...), on ne peut, en général, pas compter sur eux pour les pronostics.
Google et son algorithme
Google semble plus fiable. Depuis 2009, il estime la popularité des candidats en comptabilisant les recherches réalisées par les internautes. Et comme lors du concours, les téléspectateurs ne peuvent pas voter pour leur propre pays, les requêtes concernant les candidats du pays de l’internaute ne sont pas comptées par le gadget iGoogle «Pronostics».
C’est ainsi que Google avait pronostiqué en 2010 la victoire de Lena, l’Allemande, et en 2009 celle d’Alexander Rybak, le (beau) Norvégien. Cette année, selon le moteur de recherche, c’est l’Irlande et ses jumeaux déjantés à crête blonde qui devraient l’emporter, devant l’Allemagne, de nouveau représentée par Lena –elle remet son titre en jeu. La France est classée 4ème.
Reste que la méthode de Google est loin d’être parfaite. Jef, Belge qui suit l’Eurovision depuis ses 6 ans (il en a 37 aujourd'hui) rencontré à Düsseldorf cette semaine, ne croit pas à la victoire irlandaise ou à un doublet de Lena.
«Jedward, les Irlandais, ressortent bien dans les moteurs de recherche car ils sont connus, ils sortent de X Factor», explique-t-il. Idem pour Lena qui, en plus d’être la gagnante en titre, fait une belle carrière à l’international. Mais surtout, rappelons que les points sont donnés à 50% par les téléspectateurs, mais aussi à 50% par un jury, et les votes du jury ne sont pas pronostiqués par Google qui ne jauge que la popularité auprès du grand public.
Preuve que le gadget de Google n’est pas à prendre au pied de la lettre: il donnait jeudi l’Arménie en 3ème position, la même Emmy qui a été éliminée lors de la première demi-finale mardi.
Parier sur les bookmakers
Pour Jef et les autres amateurs-spécialistes de l’Eurovision comme Franck, webmaster d'un site dédié au concours, ce sont les bookmakers britanniques qui se trompent le moins souvent –chaque année ou presque ils devinent le vainqueur. (Car outre-Manche, on ne parie pas seulement sur les courses de chevaux et les matchs de foot, mais aussi sur la couleur du chapeau de la reine d’Angleterre, les lauréats des Oscars ou l’élection de Nicolas Sarkozy.)
Alors bien sûr, les parieurs ne sont pas infaillibles et n’avaient pas deviné en 2006 la victoire des hard-rockers finlandais de Lordi. Mais ceux qui mettent de l’argent en jeu semblent tout de même avoir, en général, un 6ème sens… Or, la cote des Français ne cesse de s’améliorer sur les grands sites de paris en ligne, jour après jour.
Chez Paddy Power, elle était de 15 sur 8 jeudi 12 mai, ce qui signifie que pour 8 parieurs qui estiment que la France va l’emporter, 15 pensent qu’elle perdra – une très bonne cote. Les Irlandais étaient deuxièmes, avec une cote de 4 contre 1 (pour un parieur qui estime qu’ils gagneront, 4 pensent le contraire).
Ladbrokes, autre site de paris, donnait Amaury Vassili gagnant avec une cote de 9 contre 5 (devant l’Irlande 3 contre 1), et William Hill avec une cote de 7 contre 4 (devant l’Irlande à 7 contre 2). Notez toutefois que la cote irlandaise aussi, ne cesse de grimper ces derniers jours…
En attendant, en France, beaucoup se surprennent à rêver de victoire: selon Le Parisien, Paris préparerait ses Champs-Elysées et France 3 serait prête à chambouler ses programmes lundi soir.
Quant aux bookmakers qui ont parié sur Amaury, une victoire française ne leur permettrait pas de décrocher le jackpot puisque plus la cote d’un candidat est bonne, mois les gains sont importants en cas de victoire –il faudra partager le gâteau.
Aurélie Blondel