Se déplacer en voiture revient de plus en plus cher. Pour un Paris-Nantes sur autoroute, par exemple, il faut maintenant compter entre 40 et 50 euros, selon qu’on utilise une automobile de gamme moyenne consommant du gazole ou du super 95, plus 34 euros de péage. Pour un Paris-Lyon ou un Paris-Strasbourg, entre 50 et 60 euros de carburant et de 31 à 35 euros de péage.
Même si les cours du brut font du yoyo à cause des incertitudes qui planent sur la santé économique des Etats-Unis, ils se maintiennent sur une courbe ascendante, tirés par la demande croissante des pays émergents –et notamment la Chine devenue le premier marché mondial automobile.
En outre, les tensions géopolitiques dans les zones productrices entretiennent la spéculation et consolident les mouvements haussiers. Aucun espoir n’est permis. En dix ans, le prix du litre de super (1,03 euro le litre en 2001) a augmenté de 50%, et celui du gazole (0,80 euro en 2001) de 70%. Et en deux ans, après l’affaissement dû à la crise, les hausses ont été respectivement de 26% et de 36%!
Un budget transports en progression pour les ménages
A mille lieues de l’évolution du pouvoir d’achat: si l’Insee y voit une légère progression, les Français confrontés à des dépenses contraintes (loyers, transports, télécommunications…) en augmentation ne ressentent au mieux qu’une stagnation.
D’autant qu’aux augmentations des prix des carburants s’ajoutent les hausses des péages dont la dernière, en février 2011, a atteint 2,4% en moyenne… soit 1,5 fois l’inflation. De ce point de vue, les critiques de la Cour des comptes, notamment dans son rapport de 2008, ne changent rien à l’affaire: les sociétés privatisées en 2006 maintiennent le principe des hausses même si elles sont jugées abusives, alors que les coûts de construction de certaines autoroutes sont largement amortis. Le résultat est là: les péages autoroutiers représentent aujourd’hui 70% à 80% des dépenses de carburant, et amplifient la hausse des coûts des déplacements pour les automobilistes.
Dans sa dernière étude, livrée en octobre 2010, concernant le budget moyen des ménages français pour leur consommation d’énergie, l’Insee évaluait à 3,6% les dépenses consacrées uniquement au carburant automobile en 2006. Depuis, les prix des carburants ont augmenté d’environ 25% –bien plus, de toute façon, que le pouvoir d’achat. Il serait illusoire de miser sur une baisse des taxes par le gouvernement pour faire baisser les prix des carburants: elle irait à l’encontre de la politique engagée pour une meilleure maîtrise de l’énergie. Aussi, une question va vite se poser pour bien des automobilistes: comment rationnaliser les déplacements en voiture pour éviter que le budget consacré à la voiture ne dérape.
Une utilisation plus sélective de la voiture
La capacité de se déplacer est un élément de liberté qui ne saurait être fondamentalement remis en question. On peut diminuer un peu ses trajets en voiture, comme en 2008 lorsque le prix du baril avait atteint des sommets et que celui des carburants avait suivi. Toutefois, la baisse des kilométrages parcourus avait été limitée à 2%. Avec des déplacements durablement plus onéreux, on peut imaginer que les économies seront recherchées dans les modes de transport utilisés.
Le recours aux transports collectifs est une alternative à la voiture individuelle lorsque le choix est possible. En zone rurale, les possibilités de substitution à la voiture particulière ne sont pas toujours faciles. Mais en zone urbaine et périurbaine, elles sont nombreuses. Le renouveau des trains régionaux, exploités par la SNCF, mais de la compétence des conseils régionaux, offre de nouvelles possibilités. L’engagement de nombreuses agglomérations pour faire revivre le tramway, avec des matériels modernes et accessibles à tous, élargit la palette des offres alternatives.
De nouvelles formules sont envisageables comme l’autopartage, afin de réduire le budget automobile sans se priver des avantages de la voiture pour des utilisations ponctuelles. A Paris par exemple, cette solution a été retenue en 2007 dans le projet de plan de déplacements, et cinq sociétés spécialisées sont aujourd’hui labellisées (Caisse Commune, Carbox, ConnectbyHertz, Mobizen et Okigo). Elle est encore balbutiante, mais ne demande qu’à se développer. Tout dépend du coup de pouce financier que les collectivités territoriales sont disposées à donner dans le cadre de leur politique de transports urbains.
Développer l’autopartage
On peut même imaginer, dans le cadre de l’essor de la voiture électrique, que des flottes de véhicules essentiellement urbains soient mises à la disposition des habitants par les municipalités. Certaines grandes villes (Bordeaux, Strasbourg Grenoble, Rennes…) ont décidé de mettre en place les infrastructures nécessaires à la recharge des batteries. Dans ce cas, la propulsion électrique pourrait se combiner au concept d’autopartage. C’est le choix déjà fait par la communauté urbaine de Nice
Autant de systèmes à mettre sur pied pour être plus sélectif dans l’utilisation d’une voiture individuelle. Les foyers pourraient réorganiser leur budget «transports» sans réduire leurs capacités de déplacement malgré la hausse des prix des carburants. Avec de nouveaux emplois à la clé tant dans les services que pour la maintenance.
Gilles Bridier
Chronique également parue sur Emploiparlonsnet