En cavale depuis 10 ans, l’organisateur des attentats du 11-Septembre était devenu une figure récurrente de la culture populaire mondiale –ombre insaisissable, croquemitaine global. Jusqu’à être mis en scène dans de très populaires séries humoristiques, tel cet épisode de South Park où on le voit –déjà– abattu par les forces américaines.
Les musiciens n’ont pas été en reste. Folk, rock, rap et même jazz: de nombreux morceaux –de qualité très inégale– évoquent la figure de Ben Laden. Ils donnent à entendre différents aspects du duel entre l’Amérique et son pire ennemi. Petite sélection.
«Kick his ass»
Avant tout, poser le personnage:
«Il s’appelle Ben Laden, il détourne des avions
Et sur son compte il a des millions
Il fait trembler les nations
C’est un terroriste en mission»
C'est ce que rappelle le raggaman français Lord Kossity. Un morceau plutôt dispensable —«Personne ne le blaire / Même pas Tony Blair»– mais qui devrait battre son record de clics avec la mort de Ben Laden. Du même auteur, on préférait Où est passé Sadam.
A part ça, sans surprise, c’est d’abord comme homme à battre (et à abattre) qu’Oussama Ben Laden est introduit dans de nombreux titres. Par exemple le très subtil Fuck Osama Bin Laden, par l’électro-rock Rob Gee. Un titre qui mêle invective à l’égard du leader d’al-Qaida et patriotisme exalté –à l’image des manifestations spontanées aux Etats-Unis après l'annonce de la mort de Ben Laden:
«US, US, USA
Oh how I love this country
Fuck Al Quaeda and terrorism
Fuck Osama Bin Laden»
Le groupe de métal japonais Anthem est encore plus direct dans son morceau Kill Ben Laden: «Kick his ass, burst him up!» (Bottez-lui le cul, explosez-le). En voilà qui ont compris comment s’ouvrir le marché américain.
Plus étonnant, et un poil plus élaboré, le morceau Bin Laden must die du raggaman américain J.C. «Once and for all, Bin Laden must die» [Une fois pour toute, il doit mourir], scande le chanteur, qui promet:
«On te tirera dessus jusqu’à ton dernier souffle, on ne t’enterrera même pas, on montrera ton corps sur la route»
Toutefois, à la différence des morceaux précédents, on trouve ici une ébauche d’argumentation:
«He’s caused enough death and make mother cry, shaken the whole world [...] he’s a murderer, it’s justice» [Il a fait assez de morts et pleurer de mères, il a secoué le monde et les gens, c’est un meurtrier, c’est justice.]
Des propos pas si éloignés de ceux de Barack Obama, qui a lui-même commenté: «Justice est faite.»
«Where in the world is Osama Bin Laden?»
Mais avant de régler ses comptes avec Ben Laden, il faut l’attraper. «Where in the world is Osama Bin Laden?», se demande le groupe FolkFoot dans
un improbable morceau folk, BO d’un documentaire du même nom.
«Tell me if you think you know cause it’s where I got to go» [Dis-moi si tu crois savoir, car c’est là que je dois aller]
«Bin Laden is someone somewhere», répond l’ensemble WhiteHouse dans un morceau instrumental de 79 minutes (extrait ou morceau complet sur Spotify), dont on ne sait trop ce qu’il a à voir avec le chef d’al-Qaida. Si c’est n’est, à la longue, un petit côté agaçant.
«Contrôler le ghetto avec la peur des attaques»
D’autres artistes dénoncent l’utilisation de la menace terroriste par les gouvernements pour renforcer le contrôle de la population. C’est notamment le propos du rappeur américain (d’origine péruvienne) Immortal Techniqu, qui a sorti en 2005 un titre simplement intitulé Bin Laden (avec Eminem et Mos Def, rien de moins):
Le morceau rappelle le soutien américain à Ben Laden lors de l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS:
«They funded Al Quaeda and now they blame the muslims [...] even though Bin Laden was a CIA tactitian» [Ils ont financé al-Qaida et maintenant ils accusent les musulmans, alors que Ben Laden était un tacticien de la CIA ]
Mais Immortal Technique reprend aussi à son compte les thèses conspirationnistes faisant de George W. Bush le véritable auteur des attentats («Bin Laden didn’t blow up the projects, it was you»), et mentionne «le signe du dollar sous le sceau maçonnique».
«Osama, you’re so beautiful»
Partant du principe que l’humour reste un excellent moyen de conjurer une menace ou un mauvais souvenir, certains artistes jouent la carte de la dérision. Comme les Américains du groupe Kapluckus, qui, dans une chanson toute joyeuse, s’interrogent sur l’anti-américanisme du terroriste:
«Osama dated women with minds of their own
They went out to work while he stayed at home
He enjoyed cooking and cleaning and washing the clothes
Before he decided that he didn’t like us, before he changed his mind» («Oussama sortait avec des femmes indépendantes / Elles sortaient travailler pendant qu’il restait à la maison / Il aimait cuisiner, faire le ménage et la lessive / avant de décider qu’ils ne nous aimait pas)
Le groupe suédois Tunnan et Moroten s’est lui aussi fendu d’une (plus dispensable) Lovesong for Osama Bin Laden:
«I love to be with you, baby
I cry when I think of you
You are so beautiful
I want to go to bed with you.»
Quant au groupe de rap Three 6 Mafia, il rend hommage à une variété (sans doute imaginaire) de cannabis appelée Bin Laden:
«Came from the Indonesia, Colombian or Kaliman
Or its by the welfare straight from the talibans» (Elle vient d’Indonésie, de Colombie ou de Kaliman / Ou tout droit de l’Etat-providence des talibans)
Et, parce qu’il y en a vraiment pour tous les goûts, voici une improbable Cumbia de Bin Laden du groupe Internacional Gitano, dont on se demande quel genre de soirée latino elle a bien pu «ambiancer». Le leader d’al-Qaida révait peut-être de postérité. Se doutait-il qu’il en devrait une partie à l’industrie musicale?
Dominique Albertini