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Un double attentat suicide revendiqué par les taliban a fait au moins 80 morts le 13 mai 2011 devant un centre de formation de la police paramilitaire dans le nord-ouest du Pakistan.
Les taliban pakistanais ont présenté cet attentat comme un acte de représailles à la mort d'Oussama ben Laden,.
«Il s'agit de la première vengeance pour le martyre de (...) Ben Laden. Il y en aura d'autres», a dit Ehsanullah Ehsan, porte-parole des Tehrik-i-Taliban (TTP).
Mais au fait, combien y a-t-il d’organisations terroristes au Pakistan, et quelles sont leurs revendications?
Elles sont au moins une douzaine, et leurs exigences sont très variées. Les surveiller de près n’est pas tâche facile, car elles n’arrêtent pas de changer de nom, de fusionner ou de se scinder.
A l’heure actuelle, la liste américaine des organisations terroristes étrangères compte six groupes basés au Pakistan, mais c’est une sous-estimation. D’après les spécialistes de la question, pas moins de 12 factions terroristes seraient en activité dans le pays.
Une branche secrète de l'armée pakistanaise
Si on n’est pas prêt à s’y consacrer à plein temps, le meilleur moyen de s’y retrouver est de classer ces groupes selon leur relation avec le gouvernement pakistanais, leurs visées nationales ou internationales, et leur filiation idéologique.
Prenons, par exemple, le Lashkar-e-Taiba. Interdit par le gouvernement pakistanais, considéré comme une organisation terroriste étrangère par le département d’Etat américain, le L-e-T est essentiellement une branche secrète de l’armée pakistanaise.
Les services secrets du pays entraînent, financent et arment ce groupe depuis au moins 15 ans. Le fondateur de l’organisation, Hafiz Mohammed Saeed, se déplace en toute impunité au Pakistan.
A l’origine, l’objectif du L-e-T était le rattachement de l’ensemble du Cachemire au Pakistan. Ses attaques ciblaient alors uniquement l’armée et les civils indiens. Cependant, depuis quelques années, le L-e-T est devenu un groupe terroriste anti-occidental aux visées internationales.
Idéologiquement, le Lashkar-e-Taiba se revendique du Ahle-Hadith, un mouvement fondamentaliste islamique proche du wahhabisme, la forme la plus stricte et littérale de l’islam, qui domine l’Arabie saoudite.
Pour tenter d’échapper aux sanctions financières américaines, le groupe s’est renommé Jamaat-ud-Dawa, mais les articles récents continuent de le désigner par son ancien nom.
Beaucoup plus nombreux sont les groupes appartenant au mouvement deobandi, pour qui le matérialisme occidental est la cause du déclin du monde islamique. Il est quasiment impossible de recenser toutes les factions deobandi : Harkat-ul-Jihad-al-Islami, Harkat-ul-Mujahideen, Sipah-e-Sahaba, etc. Deux d’entre elles, cependant, sont particulièrement importantes.
Le Jaish-e-Mohammed aurait eu des liens avec l’Etat pakistanais par le passé, mais il s’oppose désormais violemment à Islamabad. A titre d’exemple, il serait impliqué dans la tentative d’assassinat du président Musharraf en 2003. Bien que son champ d’action se limite au Pakistan, le J-e-M se proclame anti-occidental et anti-juif. Un de ses chefs a d’ailleurs participé au meurtre du journaliste Daniel Pearl. Le Lashkar-e-Jhangvi, un autre groupe deobandi, s’est rendu tristement célèbre par ses violentes attaques contre la communauté chiite du Pakistan.
Il existe également une poignée d’organisations s’intéressant quasi exclusivement au Cachemire, comme le Hizb-ul-Mujahideen. Ces terroristes ne font pas souvent la une des journaux américains, mais il vaut mieux les surveiller. Comme le Lashkar-e-Taiba, ils pourraient décider d’élargir leur cible.
Enfin, il y a le mystérieux et controversé Tehrik-i-Taliban, ou TTP, un regroupement informel de cellules pachtounes opérant dans les régions frontalières du Pakistan et de l’Afghanistan. Certaines ont un accord de non-agression avec le gouvernement pakistanais (et bénéficient peut-être même de son assistance), tandis que d’autres ont clairement pour but de le renverser. L’organisation, qui a revendiqué le double-attentat du 13 mai ainsi qu'auparavant la tentative d’attentat à Times Square en 2010, semble avoir des ambitions internationales.
Brian Palmer
Traduit par Florence Curet
L’Explication remercie C. Christine Fair de l’université de Georgetown, Nicholas Howenstein de l’université de l’Indiana et Marvin Weinbaum du Middle East Institute (Institut du Moyen-Orient).
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Note de l'édition: cet article avait paru en anglais sur Slate.com avant la mort de Ben Laden.