Les circonscriptions sont représentées par un degré de couleur (jaune, orange, rouge) selon le degré de «menace» supposé, et les circonscriptions en tricolore sont celles des ministres. En cliquant sur une circonscription, vous pouvez avoir des détails sur elle (dont le score 2007 et le score «corrigé» en tenant compte de l'étude sur le redécoupage de Regards Citoyens) et vous pouvez afficher les seules circonscriptions remplissant certains critères (âge, année d'élection, appartenance à un club ou un réseau pour certains députés...) en cliquant sur les «tags» ci-dessous. Si vous voulez faire une remarque, une critique ou un correctif, vous pouvez poster un commentaire ou nous écrire à infos[at]slate.fr
Regrouper les marqueursNadine Morano, Renaud Muselier, Hervé Novelli, Chantal Brunel... Ces élus ou dirigeants UMP ont un point commun: selon nos évaluations, ils font partie de ceux qui courent un risque non négligeable de perdre leur siège de député en cas de victoire de la gauche à la présidentielle 2012.
Un facteur qui est de plus en plus évoqué ces dernières semaines sur fond de divisions de la majorité et de défaite aux cantonales. Le 13 avril, Le Canard enchaîné évoquait ainsi l'existence d'une «projection réalisée par des conseillers de l’UMP à partir des résultats des dernières cantonales et dans l’hypothèse d’une défaite de Sarko à la présidentielle» ne donnant «pas plus de 120 sièges pour l’UMP aux législatives».
Début mars, c’est un député UMP de la région Rhône-Alpes qui sonnait l’alarme anonymement dans Libération:
«Plus d’une centaine de députés de droite sont à peu près certains de perdre leur siège aux prochaines législatives si l’élection présidentielle de 2012 est perdue.»
Mi-mars, le Nouvel Observateur évoquait lui «un droit de regard [des] députés: la candidature du président sortant garantit-elle leur propre reconduction?».
En cause, le «couplage» de la présidentielle et des législatives, né de la dissolution de 1997, de l’instauration du quinquennat en 2000 puis de l’inversion du calendrier électoral décidée en 2001: sauf dissolution ou fin de mandat présidentiel anticipée, les législatives ont désormais systématiquement lieu un mois après la présidentielle. Et sont donc en bonne partie déterminées par le résultat de celle-ci...
36% des circonscriptions UMP-NC à gauche en 1997
Afin de tenter de constater ce phénomène, nous sommes partis à la recherche des députés qui auraient le plus à perdre à une défaite de la droite à la prochaine élection présidentielle. Une quête d’une centaine de noms (un chiffre arbitraire, mais qui correspond en gros à la différence entre l’effectif actuel de la droite et celui qu’elle avait sous le gouvernement Jospin) et qui s’apparente à une équation à plusieurs inconnues.
Nous sommes d’abord partis des chiffres, en compilant pour chacune des 339 circonscriptions de la majorité (314 UMP, 25 Nouveau Centre) leurs résultats lors de la présidentielle 2007, des européennes 2009 et des régionales 2010, disponibles sur le Centre de données socio-politiques de Sciences-Po. Dans 27 d’entre elles, Ségolène Royal était majoritaire le 6 mai 2007; 121 étaient à gauche lors de la victoire de la gauche plurielle en juin 1997 et 120 après la dernière élection d’un président de gauche, en 1988; la gauche dans toutes ses composantes (de LO à Europe Ecologie-Les Verts) y détenait la majorité absolue dans 54 circonscriptions aux européennes 2009 et 163 aux régionales 2010.
Un fait qui avait été souligné, après ce dernier scrutin, par une étude de l’Observatoire de la vie politique et parlementaire, mais qu’il faut interpréter avec prudence, car la carte des circonscriptions a été redécoupée en 2010 par le secrétaire d’Etat Alain Marleix. 33 ont été supprimées et autant de créées, avec pour double objectif de corriger les écarts de population trop importants entre circonscriptions et de créer onze sièges de députés des Français de l’étranger. 306 ont par ailleurs été remodelées. Un redécoupage qui va de la correction à la marge au «charcutage» pur et simple et qui complique l'analyse.
Des études ont cependant été menées pour estimer l’impact de ce redécoupage: nous nous sommes appuyés sur celle du collectif Regards Citoyens (qui, en se fondant sur les bureaux de vote, a recalculé les résultats des législatives 2007) et sur celle du spécialiste de la géographie électorale Frédéric Salmon (qui a créé un outil permettant de simuler les résultats en faisant varier l’équilibre des forces national).
Analyse au niveau local
Au-delà, il faut mener sur ces chiffres une analyse politique plus fine au niveau local. Par exemple, la quatrième circonscription de la Sarthe, celle d’un certain François Fillon, penche plutôt à gauche dans ses votes nationaux (Mitterrand en 1981 et 1988, Jospin en 1995…) mais le Premier ministre y a été généralement réélu plutôt facilement.
Nous avons donc décidé de faire appel à l’expertise d’Emmanuel Saint-Bonnet, fondateur du cabinet d’expertise électorale AtlasPol, du site de géographie électorale éponyme et du blog Les Artisans-Politologues, à qui nous avons soumis notre classement des circonscriptions, ainsi qu'à Michel Bussi, spécialiste de géographie électorale à l'université de Rouen, et Patrick Lafarge, coauteur du livre 577 députés à élire. Dictionnaire des circonscriptions.
«Les mathématiques seules ne suffisent pas, il faut aussi regarder le niveau d’abstention, l'évolution sociologique des circonscriptions, la personnalité du député sortant, l’offre électorale de l’opposition, le comportement du FN, les résultats des municipales et des cantonales…», explique Emmanuel Saint-Bonnet. Pour lui, les élections cantonales ou municipales constituent ainsi un outil d’analyse plus pertinent que les régionales: un député élu de justesse en 2007 peut avoir été renforcé par une victoire municipale en 2008 ou cantonale en 2008 ou 2011, et un député bien élu avoir été affaibli par une défaite.
En ce qui concerne le FN, il n'était au second tour qu'à Hénin-Beaumont en 2007 mais avait provoqué 131 triangulaires en 1997, et pourrait jouer un grand rôle dans certains départements (les Pyrénées-Orientales, fief de Louis Aliot, la Moselle, l'Oise, l'Isère)... Il faut également tenir compte des dynamiques locales, des rivalités personnelles à droite ainsi que du départ ou de l'exfiltration possible de certains députés vers le Sénat en septembre (les morbihannais François Goulard et Jacques Le Nay, le mosellan François Grosdidier...).
Le conseiller de Sarkozy et le fils de Guéant
Ce travail a un intérêt géographique: il permet de repérer des zones proches du point de basculement, comme la vallée du Rhône. «Des zones urbanisées comme la région Rhône-Alpes ou la Lorraine, avec des populations mobiles et une culture politique moins marquée que l'Ouest ou le Sud-Ouest, avaient clairement basculé vers Nicolas Sarkozy en 2007, avec des reports de voix très forts du FN, et elles pourraient rebasculer dans l'autre sens en 2012», explique Michel Bussi.
L'exercice permet aussi, évidemment, de «cibler» des noms d’élus plus particulièrement menacés. Avec derrière, l’idée que cette menace pourrait les pousser à des initiatives politiques, comme cela avait été le cas en 1974 avec «l’appel des 43» lancé par quatre ministres (dont Jacques Chirac) et 39 députés (dont pas mal de «godillots» peu connus du grand public) contre la candidature Chaban-Delmas. Citons parmi les plus connus des noms que nous avons retenus, d'autres (Louis Giscard d'Estaing, David Douillet, Benoist Apparu...) ne faisant pas consensus:
- Nadine Morano (Meurthe-et-Moselle-5), ministre de l'Apprentissage et de la Formation professionnelle.
- Hervé Novelli (Indre-et-Loire-4), secrétaire d’Etat au Commerce puis aux Entreprises des gouvernements Fillon de 2007 à 2010.
- Renaud Muselier (Bouches-du-Rhône-5), secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères de 2002 à 2005 et rouage important de la réélection de Gaudin à Marseille en 2008.
- Hervé Mariton (Drôme-3), ancien proche de Dominique de Villepin, dont il s’est éloigné.
- Chantal Brunel (Seine-et-Marne-8), ancienne porte-parole de l’UMP qui a fait polémique avec ses propos récents sur les immigrés et les «bateaux».
- Laurent Hénart (Meurthe-et-Moselle 1), proche de Jean-Louis Borloo au sein du Parti radical.
- Nicolas Perruchot (Nouveau Centre, Loir-et-Cher 1) et Sébastien Huyghe (Nord-5), qui s’étaient respectivement fait connaître en faisant tomber Jack Lang aux municipales 2001 à Blois et Martine Aubry aux législatives 2002 à Lille.
- Jean-François Mancel (Oise-2), «tuteur» en politique d’Eric Woerth, qui avait fait polémique en 1998 en appelant à une alliance avec le FN.
- Jérôme Chartier (Val-d’Oise 7), très actif au sein de la commission des Finances.
Sans oublier des circonscriptions où il est certain ou probable que le sortant ne se représente pas, mais qui devraient être attentivement scrutées:
- Hauts-de-Seine-2, fief du sarkozyste Manuel Aeschlimann, qui vient d’être condamné en appel à un an d’inéligibilité pour favoritisme dans une affaire de marchés publics.
- Yonne-1, où Jean-Pierre Soisson, député depuis 1968, va se retirer, sans doute au profit de Guillaume Larrivé, conseiller à la présidence de la République.
- Morbihan-4, où Loïc Bouvard, le doyen de l’Assemblée (82 ans), devrait se retirer: son suppléant, qui devrait avoir la lourde tâche de briguer sa succession, s'appelle François Guéant et est le fils du ministre de l'Intérieur.
Jean-Marie Pottier
Infographie: Clément Larrivé et Jean-Marie Pottier (adaptation du projet HistoNet)
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