Carlos Pascual
Le 19 mars, Carlos Pascual a démissionné de son poste d’ambassadeur des États-Unis au Mexique en raison d’un télégramme de janvier 2010, publié par WikiLeaks en décembre, dans lequel il pointait du doigt l’inefficacité de la guerre contre la drogue menée au Mexique par le président Felipe Calderón. La divulgation de ce télégramme avait tellement empoisonné les relations entre Pascual et Calderón, qu’à la fin, le départ de l’ambassadeur semblait inévitable —même si Pascual ne faisait que répéter à son ministère ce que tout le monde (y compris, sans doute, le président mexicain lui-même) savait déjà.
Près de quatre mois après les premiers télégrammes diplomatiques divulgués par WikiLeaks, personne n’oserait prétendre que le projet de transparence radical de Julian Assange n’a pas laissé une empreinte considérable sur la politique mondiale. À qui ont nui ces révélations ? Pas nécessairement à ceux que l’on croirait: l’ambassadeur de Singapour, qui avait qualifié le Japon, deuxième puissance économique de la région, de «big fat loser» («gros nul») est sorti plus ou moins indemne de la controverse. Le ministre libanais de la défense, qui avait conseillé Israël sur la meilleure manière d’envahir son pays, est encore en place. Le diplomate américain qui avait signé —mais peut-être pas écrit— le récit épique d’un mariage au Daghestan a conservé son poste et celle qui avait envoyé une série de portraits au vitriol de Silvio Berlusconi depuis l’ambassade des États-Unis à Rome ne semble pas non plus avoir été démise de ses fonctions.
Alors, qui sont les perdants? Voici une liste chronologique des victimes qu’a fait WikiLeaks jusqu’à aujourd’hui. C’est un groupe éclectique de malheureux, constitué de leaders politiques, de diplomates, de cadres et dirigeants d’entreprises, ainsi que des propres informateurs de l’organisation.
Bradley Manning
Bradley Manning painting portrait _DDC2430, Abode of Chaos via Flickr, CC-Licence-by
Le premier et, de loin, le plus durement touché. Le soldat américain qui aurait, pense-t-on, transmis à WikiLeaks les documents confidentiels dérobés sur le réseau gouvernemental SIPRNet (Secret Internet Protocol Router Network) lors de son service en Irak en 2009 a été arrêté en mai dernier et se trouve, depuis juillet, isolé en cellule de confinement à la base des US Marines de Quantico, en Virginie. L’armée a retenu contre lui 34 chefs d’accusations, dont l’un passible de la peine capitale: assistance à l’ennemi (les autorités militaires ont affirmé qu’elles ne demanderaient pas la peine de mort, mais Manning pourrait écoper d’une sentence d’emprisonnement à vie). WikiLeaks a mis un certain temps avant de venir en aide à Manning, promettant en juillet de prendre à sa charge la moitié de ses frais de défense —estimés par les avocats de Manning à 115.000 dollars (80.000 euros)— pour finir par ne lui verser que 10.500 euros six mois plus tard (pour être honnête, il faut dire que le groupe d’Assange fait face à ses propres problèmes financiers depuis l’été dernier).
La sévérité des traitements infligés à Manning par le Pentagone —d’après son avocat, il aurait été régulièrement humilié et forcé à dormir nu dans sa cellule— a été à l’origine du principal dommage collatéral de l’affaire: P.J. Crowley, porte-parole du Département d’État, a quitté son poste le 20 mars après avoir qualifié les traitements réservés au pirate présumé de «ridicules, contre-productifs et stupides».
Helmut Metzner
Le premier diplomate a être tombé suite à un télégramme révélé par WikiLeaks a été Helmut Metzner, limogé début décembre de son poste de chef du cabinet du ministre des Affaires étrangères allemand, Guido Westerwelle, après la publication d’un ensemble de télégrammes particulièrement gênants en provenance de l’ambassade des États-Unis à Berlin. Dressant un portrait généralement peu flatteur de la chancelière Angela Merkel et de son gouvernement, ils préoccupèrent surtout Berlin parce qu’on y trouvait une foule de détails sur des négociations internes au gouvernement allemand. Un télégramme d’octobre 2009 identifiait la source des fuites comme un «jeune membre prometteur» du FDP (Freie Demokratische Partei), l’aile libérale de la coalition gouvernementale de Merkel, «ayant offert [au personnel de l’ambassade] des documents internes du parti par le passé».
«Très enthousiasmé par son rôle de secrétaire en charge de prendre les notes pour le FDP durant les négociations, continue le télégramme, il semblait heureux de partager avec nous ses analyses et observations à mesure qu’il nous lisait directement le contenu de ses notes. Il nous a également fourni des copies de documents issus de son classeur “de négociations”». Metzner était une figure montante du FDP, mais après avoir admis être la source en question, sa chute était inévitable.
Morgan Tsvangirai
Morgan Tsvangirai, REUTERS/Philimon Bulawayo
Le président zimbabwéen Robert Mugabe, comme l’avait remarqué Foreign Policy en janvier, est sans doute la personnalité qui s’est le plus servie de l’affaire WikiLeaks. Après la publication en décembre d’un télégramme détaillant les réunions entre les responsables de l’ambassade américaine de Harare et Morgan Tsvangirai, le leader de l’opposition avec qui Mugabe avait signé un accord de partage du pouvoir en 2008, Mugabe a chargé son procureur général, Johannes Tomana, d’enquêter sur des faits possibles de trahison —un crime potentiellement passible de la peine de mort (la femme de Mugabe, pendant ce temps, annonçait son projet de poursuivre en justice un journal indépendant de Harare pour avoir divulgué un autre télégramme, qui impliquait la première dame dans une affaire de trafic de diamants).
En janvier, il a aussi été rapporté que Johannes Tomana était en train de monter un dossier à charge pour trahison contre d’autres anciennes figures de l’opposition. Depuis, toutefois, le président zimbabwéen et son procureur se sont faits plus discrets au sujet de WikiLeaks. En février, Tomana a dû faire face à des accusations de corruption et l’avenir de l’accord de partage du pouvoir Mugabe-Tsvangirai —déjà compliqué lorsque tout va au mieux— semble fortement compromis. Tsvangirai est cependant toujours en place et cela fait des mois que l’on n’a plus aucune nouvelle des enquêtes.
Gene Cretz
Gene Cretz, US Army Africa via Flickr, CC-Licence-by
Première victime de WikiLeaks au Département d’État, Gene Cretz était ambassadeur des États-Unis en Libye (le premier en près de quarante ans) depuis 2008. Il a été rappelé à Washington en janvier, après la divulgation par WikiLeaks de télégrammes dressant des portraits peu flatteurs des excentricités du Colonel Mouammar Kadhafi, notamment la croustillante histoire de l’infirmière ukrainienne. Comme Carlos Pascual, Gene Cretz n’apprenait rien de vraiment nouveau sur Kadhafi à Washington, mais les relations avec Tripoli étaient assez délicates à l’époque pour nécessiter son départ.
Bien entendu, la situation en Libye a quelque peu changé depuis janvier et Gene Cretz —qui, au contraire de Carlos Pascual, n’a pas vraiment démissionné— a refait surface début mars au Caire en tant qu’intermédiaire entre le Département d’État et les insurgés libyens essayant de destituer Kadhafi. Le 10 mars, la télévision d’État libyenne a diffusé l’enregistrement audio (non-confirmé) d’une conversation téléphonique entre Gene Cretz et le chef des insurgés Omar al-Hariri, durant laquelle Cretz demandait à Hariri de quelles sortes «d’aide et d’équipements» il avait besoin. Le 23 mars, Gene Cretz aurait aussi informé les membres du Congrès des difficultés de l’opposition libyenne, qui manquerait cruellement d’hommes et de matériel.
Les informateurs américains
Talibans attendant pour une cérémonie, REUTERS/Abdul Malik
En janvier, le Département d’État a affirmé à l’agence Reuters qu’il avait informé plusieurs centaines d’activistes civils, de journalistes et de fonctionnaires dont les noms apparaissaient dans les télégrammes, que les révélations de WikiLeaks pouvaient les mettre en danger. «Dans un nombre limité de cas, a affirmé P. J. Crowley, nous avons aidé les gens à déménager vers des destinations plus sûres». Jusqu’ici, cependant, le Département d’État a, comme l’on pouvait s’y attendre, été très peu disert sur le sujet.
Les efforts d’édition ont été assez irréguliers, mais WikiLeaks a été plus prudent avec les télégrammes du Département d’État qu’il ne l’avait été avec les documents militaires d’Irak et d’Afghanistan précédemment divulgués, à cause desquels des dizaines d’informateurs locaux avaient été exposés. Un porte-parole des talibans, Zabihoullah Moudjahid a déclaré en juillet à la chaîne britannique Channel 4 News qu’ils «étudiaient» les documents de WikiLeaks. «Nous allons demander à nos propres services secrets d’enquêter pour savoir si les personnes mentionnées sont vraiment des espions à la solde des États-Unis, a-t-il déclaré. Si c’est le cas, nous savons comment les châtier.»
Zine el-Abidine Ben Ali
Le président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali salue ses supporters après avoir prêté serment, le 12 novembre 2009. REUTERS/Zoubeir Souissi
En dépit de ce qu’ont pu affirmer Julian Assange et Mouammar Kadhafi (ainsi que les auteurs de Foreign Policy), il serait exagéré d’attribuer la chute du président tunisien uniquement à WikiLeaks. Toutefois, il ne faut pas non plus nier le rôle important qu’a joué la divulgation des télégrammes. Les documents du Département d’État ont en quelque sorte été la confirmation par une autorité extérieure que les histoires de corruption et de décadence que les Tunisiens avaient entendu des années durant étaient vraies, notamment toutes celles concernant les énormes avantages tirés par la famille de la première dame.
Un jeune insurgé tunisien a décrit l’enchaînement des évènements au Guardian: «WikiLeaks a dit tout haut ce que tout le monde pensait tout bas. Puis un jeune homme s’est immolé par le feu. Et ce furent ensuite 20 manifestants, qui furent tués en un seul jour. Et pour la première fois, nous avons saisi une occasion de nous révolter, de nous venger de cette “famille royale” qui nous avait tout pris, de renverser l’ordre établi que nous avions connu toute notre vie durant.»
Rudolf Elmer
Rudolph Elmer, REUTERS/Arnd Wiegmann
L’ancien directeur de la filiale de la banque suisse Julius Bär, aux îles Caïman, a commencé à jouer les rebelles en 2007 en fournissant d’immenses listes de comptes offshore à WikiLeaks, ce qui permit à l’organisation son premier coup d’éclat. La justice finit par rattraper Elmer —qui avait été licencié de la banque en 2002— à Zurich et l’ex banquier fut accusé de violation du secret bancaire suisse et de menaces contre d’anciens employés de la banque.
Toutefois, échappant à une peine de prison à la mi-janvier, il fournit une nouvelle liste de comptes à Julian Assange et fut de nouveau arrêté. Il est actuellement en prison.
Pieter de Gooijer
Pressenti au poste de représentant des Pays Bas auprès de l’Union européenne, Pieter de Gooijer a vu sa nomination suspendue en janvier après la divulgation par WikiLeaks d’un télégramme prouvant qu’il avait indiqué aux Américains le meilleur moyen de pousser son pays à maintenir ses troupes en Afghanistan.
Pieter de Gooijer avait suggéré à Ivo Daalder, ambassadeur des États-Unis auprès de l’OTAN, que le secrétaire américain au Trésor, Timothy Geithner, rappelle au gouvernement hollandais que leur participation au sommet du G-20 était contingente à leur implication continue dans la guerre. La nouvelle fut pour le moins assez mal accueillie aux Pays Bas, où la guerre en Afghanistan est très impopulaire. Après avoir retiré ses troupes en août, le parlement hollandais a approuvé en janvier le déploiement d’un contingent de 545 soldats pour former les recrues de la police afghane.
Berry Smutny
Directeur général d’OHB-System, un fabricant allemand de satellites, Berry Smutny a été la première victime issue du secteur privé à faire les gros titres: il a perdu son emploi en janvier après la parution d’un télégramme de l’ambassade américaine dans lequel il taxait le très cher programme de GPS européen Galileo (auquel sa société était associée) «d’idée stupide servant en premier lieu les intérêts français» et de «perte d’argent pour le contribuable européen». Berry Smutny a juré n’avoir jamais tenu de tels propos, mais cela n’a pas suffi à lui sauver sa place.
À l’instar des diplomates américains victimes de WikiLeaks, cependant, Berry Smutny a été imprudent, mais il n’a rien dit de faux. Le projet Galileo est en retard de six ans sur son calendrier, a déjà dépassé son budget de plusieurs milliards de dollars et, technologiquement parlant, il est, pour l’instant, à la traîne derrière le reste du secteur aérospatial.
Les candidats aux élections présidentielles péruviennes
Ollanta Humala, REUTERS/Mariana Bazo
Le 19 février, le quotidien espagnol El País a publié un télégramme de 2005 provenant de l’ambassade des États-Unis à Lima, qui racontait en détail une réunion entre l’ancien ministre de l’Intérieur péruvien Fernando Rospigliosi et des diplomates américains. Durant cette rencontre, Fernando Rospigliosi avait formulé ses craintes face à la montée d’Ollanta Humala, leader politique nationaliste de gauche qui faisait alors redouter aux Américains l’arrivée d’un nouvel Hugo Chávez ou Evo Morales s’il était élu, ce qui faillit bien arriver en 2006, à la suite d’une campagne tourmentée. Fernando Rospigliosi avait recommandé aux Américains de garder Ollanta Humala à l’œil et leur avait même suggéré de soutenir des campagnes médiatiques anti-Humala dans les régions rurales où il était le plus populaire —des révélations somme toute assez peu compromettantes, mais pouvant être très gênantes dans cette région où l’histoire fait que les ingérences des gringos ne sont jamais vraiment bien perçues.
Le télégramme s’est révélé particulièrement explosif, car l’ancien président péruvien Alejandro Toledo —à qui Rospigliosi était subordonné à l’époque— est actuellement en campagne pour les élections présidentielles, qui sont prévues pour le début du mois d’avril et qui l’opposeront à… Ollanta Humala. Heureusement pour Alejandro Toledo, à peu près tous les candidats péruviens aux élections présidentielles semblent devoir se justifier d’un télégramme les concernant. Le Premier ministre Pedro Pablo Kuczynski, qui s’est aussi déclaré candidat, apparaît par exemple dans un télégramme de 2005, dans lequel les diplomates américains laissent entendre qu’il a été d’une aide précieuse aux sociétés minières internationales pour étouffer l’agitation apparaissant dans les régions minières du Pérou. Un autre télégramme montrait qu’Humala travaillerait de façon très étroite avec Chávez, dont le soutien pourrait lui avoir coûté l’élection de 2006.
Howard Davies
Howard Davies, REUTERS/Andrew Shaw
Les raisons de démissionner n’ont pas manqué au début du mois de mars pour le directeur de la London School of Economics. Et la plupart étaient liées à Mouammar Kadhafi. D’après The Guardian, le coup de grâce a été porté par la révélation, apparue à l’origine dans des télégrammes de WikiLeaks, d’un programme de formation de fonctionnaires libyens à Londres, financé à hauteur de plusieurs millions de dollars par Tripoli.
Davies —qui reste en place dans l’attente d’un remplaçant— a assumé l’entière responsabilité de l’affaire. «J’ai recommandé au conseil [de l’établissement] d’accepter cet argent et il s’est avéré que c’était une erreur, a-t-il déclaré au Guardian. Accepter un financement provenant de sources associées à la Libye impliquait des risques qu’il aurait fallu prendre en compte plus sérieusement».
Manmohan Singh
Manmohan Singh, REUTERS/POOL New
Le premier ministre indien est dans une position délicate depuis la divulgation, le 17 mars dernier, par le Hindu, un journal national, d’un télégramme de juillet 2008 de l’ambassade de New Delhi affirmant que le parti du Congrès (parti au pouvoir de Singh) avait versé à certains parlementaires indiens des sommes colossales afin qu’ils soutiennent un accord nucléaire indo-américain. Cela donnait une image bien peu flatteuse de la plus grande démocratie du monde à l’œuvre: les votes décisifs de 20 députés, achetés à coups d’énormes dessous de tables, des promotions au sein du gouvernement et même, dans un cas, la possibilité de rebaptiser un grand aéroport. L’assistant parlementaire d’un élu du parti du Congrès a rapporté à un diplomate américain que quatre députés s’étaient vus offrir 2,5 millions de dollars chacun pour leur vote et que des coffres pleins de billets avaient même été ouverts devant eux pour le prouver.
Manmohan Singh a tout nié en bloc, mais les révélations de WikiLeaks sont arrivées à la suite d’une série d’accusations de corruption qui avaient déjà sévèrement touché son gouvernement —récemment un scandale portant sur 2,7 milliards de dollars perdus en licences de téléphonie a impliqué des membres du gouvernement et empêché le parlement de travailler durant deux mois. Néanmoins, Manmohan Singh s’est présenté comme il le devait face aux parlementaires, le 23 mars, pour se défendre des accusations de WikiLeaks. «C’est du piratage parlementaire, du détournement de députés, aurait déclaré à Associated Press Gurudas Dasgupta, leader du parti communiste. Ces agissements sont dignes de véritables gangsters.»
Julian Assange
Julian Assange, REUTERS/Stefan Wermuth
Avant que WikiLeaks ne lâche sa première bombe —la vidéo d’un hélicoptère de l’armée américaine tirant sur des civils à Bagdad— Julian Assange n’était pas connu des services de police (enfin, il faut le dire vite). Aujourd’hui, c’est le divulgateur de secrets d’État le plus célèbre depuis Daniel Ellsberg —et comme Ellsberg aurait pu le lui dire, ce n’est pas une position confortable.
Même si le rapport le plus complet à ce jour sur les finances de WikiLeaks suggère que le groupe n’est pas encore dans le rouge, les dépenses de l’organisation ont énormément augmenté au moment même ou ses activités de financement ont été bloquées par PayPal et MasterCard. Les dons faits au groupe semblent désormais surtout couvrir les frais judiciaires de Julian Assange, qu’il estimait lui-même à pas moins de 215.000 euros fin décembre et qui devraient encore grimper bien au-delà. Vanity Fair a rapporté au mois de janvier qu’on pouvait constater fin décembre que WikiLeaks n’avait plus obtenu de nouveaux documents depuis plusieurs mois. «[Julian Assange] est à court d’argent et de secrets, aurait dit au magazine une source proche du groupe. Tout s’est écroulé.»
L’été dernier encore, WikiLeaks était assez respecté de l’establishment médiatique pour que la très sérieuse Knight Foundation envisage de le financer; la personnalité et l’agenda compliqués d’Assange lui ont depuis valu de perdre certains de ses premiers partenaires médiatiques et font que les journalistes américains hésitent désormais à le soutenir publiquement. Certains des premiers membres clés de WikiLeaks ont laissé tomber Julian Assange et l’organisation a perdu le contrôle de l’accès à sa base de données il y a plusieurs mois. Une certaine lassitude s’est aussi installée: des journaux comme le Guardian (qui se jetait jadis avidement sur tous les nouveaux télégrammes publiés) sont en grande partie passés à autre chose et les journaux qui désirent un partenariat actif avec l’organisation se trouvent désormais dans des pays comme la Turquie et le Pérou.
En attendant, le ministère américain de la Justice a toujours Julian Assange en ligne de mire et a obtenu ce mois-ci une décision de la cour fédérale disant que Twitter devait lui donner accès aux comptes des membres de WikiLeaks. En outre, les poursuites à l’encontre d’Assange pour «agression sexuelle» lui ont non seulement valu un combat coûteux pour éviter son extradition, mais l’ont aussi sans doute privé de soutiens potentiels, qui ont préféré garder leurs distances —sans parler du type d’articles on ne peut plus racoleurs auxquels elles l’ont exposé, dans des colonnes généralement réservées aux frasques de Charlie Sheen et consorts. Comme le dit en parodiant un film un t-shirt vendu dans la boutique de soutien à Wikileaks, «On ne peut pas divulguer 250.000 télégrammes diplomatiques sans se faire quelques ennemis.»
Charles Homans
Traduit par Yann Champion