Monde

Le Qatar dans sa bulle

Temps de lecture : 2 min

Pourquoi le Qatar reste à l’écart de la fièvre révolutionnaire qui enflamme le monde arabe.

Doha, la capitale du Qatar, en 2010. REUTERS/Fadi Al-Assaad
Doha, la capitale du Qatar, en 2010. REUTERS/Fadi Al-Assaad

Au milieu du flux continu des informations sur les diverses révolutions du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, un pays brille par son absence. Contrairement à ses voisins, le Qatar, minuscule pays gorgé de pétrole, ne montre aucun signe d’agitation, arrivant bon dernier dans «l’indice des lanceurs de chaussures» des troubles arabes imaginé par The Economist. Qu’est-ce qui explique que tout soit si paisible au Qatar?

L’argent, et une très petite population. Les révolutions dans les pays voisins comme l’Égypte, le Yémen et le sultanat d’Oman ont été largement alimentées par des griefs économiques, tel le chômage et l’augmentation du prix des denrées alimentaires. Le Qatar, avec environ 1,5 million d’habitants dont approximativement 200.000 sont des citoyens qataris, connaît un taux de chômage de 0,5%. Son PIB par habitant est de 145.300$, soit le plus élevé du monde et son taux de croissance pour 2010 s’élevait à 19,4%, le plaçant encore en première position.

La richesse du Qatar provient du pétrole et du gaz naturel: le pays est assis sur 14% des réserves mondiales totales de gaz naturel et détient 15 milliards de barils de réserves prouvées de pétrole. Le Qatar devrait pouvoir maintenir son niveau actuel d’exportation de pétrole pendant 37 ans.

Et contrairement au Bahreïn, son voisin également riche en pétrole, le Qatar—pays majoritairement sunnite dirigé par des musulmans sunnites—ne se débat pas dans les violences sectaires. La meilleure comparaison pourrait être avec les Émirats arabes unis, majoritairement sunnites aussi et croulant sous l’argent du pétrole. Mais la population du Qatar est moins variée et plus réduite que celle des EAU, qui ont connu une certaine agitation récemment: de petites manifestations de travailleurs migrants ont été organisées en janvier, et une page Facebook promettait des manifestations dans la région pour le 25 mars. Un groupe d’intellectuels a également demandé au gouvernement de tenir des élections libres.

Pas d’agitation de la sorte au Qatar, dirigé par le sheikh Hamad ibn Khalifa al-Thani (qui renversa son père lors d’un coup d’État sans coup férir en 1995). Une population relativement réduite et la petite taille du pays permettent au sheikh al-Thani de gérer un État rentier: les Qataris ne paient pas d’impôts sur le revenu, et disposent d’un service public et d’un système de santé gratuits. L’éducation est aussi très subventionnée, et les étudiants reçoivent souvent des bourses complètes qui leur permettent d’étudier à l’université. En contrepartie de ces avantages, les Qataris permettent au sheikh al-Thani de gouverner sans opposition.

Si la plupart des Qataris semblent satisfaits de leur sort, un groupe est victime de flagrantes injustices. Les travailleurs migrants, dont la majorité viennent du sud-est asiatique, sont souvent sous-payés et maltraités. La polémique loi sur le parrainage, que d’autres pays du Golfe ont récemment abolie, les empêche de quitter le pays sans la permission de leur parrain, ce qui dans les faits établit une relation d’asservissement contractuel. Les travailleurs du sud-est asiatique n’ont pratiquement aucune voix politique au Qatar. S’ils descendaient manifester dans la rue, ils seraient expulsés.

Les Qataris sont pour le moins indifférents au triste sort de leurs travailleurs migrants. Une récente enquête du Qatar University Social and Economic Research Institute révèle que 77% d’entre eux estiment qu’il y a trop d’expatriés et de travailleurs migrants dans le pays, et 62% pensent que le nombre de travailleurs migrants admis dans le pays devrait être réduit.

L’Explication remercie Steven Cook et Steven Simon du Council on Foreign Relations, Shadi Hamid de la Brookings Institution et Toby Jones de la Rutgers University.

Elizabeth Weingarten

Traduit par Bérengère Viennot

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