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Marc Lièvremont et Raymond Domenech sont dans un bateau

Temps de lecture : 5 min

La tourmente autour de l’équipe de France de rugby et de son entraîneur n’est pas sans rappeler celle qui entourait la sélection de Raymond Domenech avant le Mondial sud-africain.

L'entraîneur tricolore en 2010, à Murrayfield. REUTERS/David Moir
L'entraîneur tricolore en 2010, à Murrayfield. REUTERS/David Moir

«Là, je crois que je vais laisser les joueurs se démerder tout seuls. » Marc Lièvremont a eu des mots durs envers ses joueurs après la défaite du XV de France face à l’Italie dans le Tournoi des VI Nations. Une contre performance qui confirme que l’équipe mise en place depuis 3 ans ne tient pas debout. Face à ce constat, le sélectionneur se tourne vers ses joueurs, à quelques mois de la Coupe du monde et leur demande de se prendre en main.

Cette situation en rappelle une autre. Mai 2010, la France du foot attend la Coupe du monde avec appréhension au vu des prestations médiocres de son équipe nationale. Le sélectionneur, jusque-là très protecteur avec ses joueurs — comme Lièvremont — décide de les mettre face à leurs responsabilités. «Il essaie de nous faire toucher du doigt qu'il est responsable du groupe mais que si nous, sur le terrain, on ne fait pas le maximum, on n'ira pas bien loin», déclarait Gaël Clichy en mai 2010.

Les joueurs les comparent

Marc Lièvremont est-il le cousin rugbystique de Raymond Domenech? Est-il victime du syndrôme Domenech s'interrogeait dès décembre The SundayTribune? Des joueurs auraient osé la comparaison d’après Midi Olympique, la bible de l’ovalie. Les deux hommes ont été choisis par leur fédération pour reconstruire. «Il y a certainement la fin d'un cycle», déclarait alors le rugueux ancien troisième ligne international lors de son intronisation. Une déclaration qui fait écho à celle de son homologue footeux dans l’Equipe. « Ne rien changer, ne rien tenter conduirait à monter directement à l'échafaud. Il faut changer les habitudes et donc il faut changer les gens. »

Ils n'ont pas fait leurs preuves

Choisis pour donner un nouvel élan aux sélections nationales, les deux entraîneurs présentaient le même maigre palmarès. Un titre de D2, obtenu avec Dax en 2007 pour Lièvremont et en 1989 avec Lyon pour Domenech, accompagné de résultats mitigés à la tête des jeunes espoirs nationaux. A l’époque de leur nomination, leurs supporters louent leur connaissance des jeunes pousses alors que leurs détracteurs soulignent leur manque d’expérience du haut niveau. Mêmes causes, mêmes effets. Les deux sélectionneurs procèdent dans les premiers mois à une large revue d’effectif qui aboutit à la construction d’un groupe élargi stable censé s'adapter aux adversaires dans le cas du XV tricolore mais ne permet pas de dégager une équipe type et une base de jeu. Près de quatre ans après sa nomination et malgré un Grand Chelem, Lièvremont se fait encore tacler pour son inexpérience, notamment par Guy Novès, l'entraîneur toulousain.

Ils ont une communication surprenante

Nos deux larrons accompagnent la conduite de ce chantier d’ampleur d’une communication valsant entre le vide absolu et l’absurde. Alors que Raymond répétait à qui voulait l’entendre qu’il faisait ce qu’il pouvait avec ce qu’il avait, Lièvremont avoue son incompréhension après chaque défaite majeure de son équipe. «Comment expliquer l'inexplicable?» demande-t-il aux journalistes, comme un aveu d’impuissance après le 16-59 infligé par l’Australie.

Ces moments de fragilité extrême s’accompagnent de scènes surréalistes pendant lesquelles un sélectionneur demande sa femme en mariage après l’élimination de son équipe et quand l’autre récite un poème de Kipling...

Les relations avec la presse sont également tendus. Et un grand quotidien sportif français se cache à peine de faire campagne pour le départ de Lièvremont et son remplacement par Fabien Galthié, quand ce même quotidien avait milité quelques mois auparavant pour l'arrivée de Laurent Blanc sur le banc du onze bleu.

Ils ont des relations tendues avec les joueurs

Assez rapidement, les discours des coachs passent mal auprès de leurs joueurs. RD doit appeler en renfort de récents retraités afin d’assurer la qualification pour la coupe du monde 2006. ML change de projet de jeu comme de chemise et est obligé de mettre par écrit ses idées pour s’assurer que ses joueurs les comprennent. Le XV de France passe d’un jeu de main fou-fou à une stratégie au pied restrictive et gagne le Grand Chelem en défendant... Pas étonnant donc, que les joueurs ne sachent plus quoi faire sur le terrain.

Là encore, on se souvient des essais tactiques de Domenech juste avant la Coupe du monde qui avait changé son système de jeu pour les matchs amicaux avant de revenir à son ancienne tactique lors des phases de poule.

Ces errements vont de paire avec des choix sur les hommes souvent controversés. Domenech et Lièvremont ont chacun leur liste noire. Pirès, Trezeguet, Giuly, Mexès d’un coté et Picamoles, Bastareaud, Fritz, de l’autre. Ces évictions, pas toujours méritées sportivement, sont entachées de folles rumeurs para-sportives.

Ils sont employés par des fédérations dépassées

Si Lièvremont et Domenech se ressemblent tant, cela tient aussi aux contextes, similaires en certains points, qui les entourent. En rugby comme en football, le milieu professionnel n’est pas tourné vers la bonne marche de l’équipe de France. L’affaire de Knysna a suffisamment remis en cause la FFF pour que nous ne revenions pas dessus ici. Le cas du rugby est encore plus flagrant: le championnat continue lorsque l’équipe de France joue.

Les internationaux se retrouvent sur de courtes périodes pour préparer les matches et ils explosent face à des nations mieux armées et au collectif plus rodé. Une inadéquation structurelle au monde professionnel qui ne pardonne pas. La France n’a jamais gagné la Coupe du monde de rugby.

Face aux résultats en dents de scie de leurs sélectionneurs, les présidents de fédération, Pierre Camou et Jean-Pierre Escalettes, deux vieux habitués au milieu amateur, défendent corps et âmes leur choix.

Ils ont de très bons joueurs pas forcément exceptionnels

Pourtant la France est une terre traditionnelle de rugby et son équipe une référence internationale. La vieille idée “french flair” fait toujours rêver et le Top 14 est considéré comme un des meilleurs championnats au monde, du moins est-il le plus puissant. Beaucoup de joueurs étrangers de premier plan viennent goûter aux âpres combats et aux salaires élevés. Les Français ont l’habitude de se voir en haut de l’affiche.

Face à la difficulté, Marc Lièvremont accuse ces mêmes joueurs de «lâcheté, peut-être propre à cette nouvelle génération». Des sportifs repliés sur eux-mêmes qui s’impliquent peu dans la vie de l’équipe de France, et doivent gérer un championnat qui les paie et les pressurise. Le constat était le même durant toute la période de qualification pour le Mondial sud-africain en football. Ribéry, Henry et consorts avaient défendu mordicus leur sélectionneur, avant d’avouer après la Coupe du monde qu’ils ne l’écoutaient plus.

L’impossible auto-gestion

A leur décharge, les quelques joueurs s’étant opposés à leur coach ouvertement, Parra, Ouedraogo, Henry, Malouda ont été remisés sur le banc... Des attitudes de management qui ne poussent pas à la discussion ouverte et contradictoire. Ce dramatique parallèle établi, Lièvremont connaîtra-t-il pour autant le destin de son homologue footballistique? Pas nécessairement. Thierry Henry avait bénéficié des largesses de l’arbitre pour distribuer une passe décisive face à l’Irlande et permettre à la France de sauver la face.

Contre l’Italie, l’homme en noir a refusé d’accorder dans les derniers instants une pénalité, méritée, à la mêlée tricolore, privant ainsi l’équipe d’une victoire ric-rac. Le groupe a explosé, le sélectionneur a avoué son incompréhension et a appelé les joueurs à se reprendre en main. Après tout, comme le rappelait encore vendredi Pierre Villepreux dans Le Figaro, ce sont les joueurs qui «sont sur le terrain». Contre l'Italie, poursuit l'ancien sélectionneur, ils auraient dû «se révolter, se révolter, désobéir aux ordres». Fédé, joueurs et entraîneurs ont désormais six mois pour recoller les morceaux.

En cas d’échec, le risque est grand de se retrouver avec une équipe de France moyenne en Coupe du monde. Un groupe capable d’un exploit sans lendemain en quart de finale mais dans l’incapacité d’être au niveau tout au long de la compétition. Comme d’habitude.

Olivier Monod

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