Le tremblement de Terre au Japon est exceptionnel par sa puissance (magnitude 9,0) et pourtant il n’était pas inattendu. D’abord, parce qu’il se situe dans une zone d’affrontement des plaques tectoniques. D’autre part, parce que contrairement à d’autres zones à risques, l’énergie s’y accumule sans se dissiper continuellement sous forme de petits séismes. C’est ce qu’on appelle une zone de «silence» (gap en anglais).
Lorsque finalement l’énergie accumulée se dissipe brutalement cela conduit a un gros tremblement de Terre. Pour donner quelques idées simples, il faut savoir que lorsque la magnitude augmente d’une unité, la puissance augmente d’un facteur 30. Ainsi entre un séisme de magnitude 7 et un séisme de magnitude 9 il y a presque un facteur mille d’accroissement de puissance.
Ce séisme japonais a remis en mouvement une zone de faille sur plus de 200 kilomètres. Il faut donc s’attendre à de nombreuses répliques de forte intensité. Ce séisme a comme on pouvait s’y attendre induit un tsunami qui a été l’événement le plus meurtrier et a endommagé le fonctionnement de trois centrales nucléaires.
Le nombre de morts qui auront été victime de ce désastre est aujourd’hui largement sous-évalué et devrait à mon avis dépasser le 25.000 victimes. En majorité dans les zones atteintes par le tsunami. Ceci étant, au milieu de cette horreur, on peut noter quelques sujets d’espérance.
Les constructions parasismiques ont remarquablement résisté notamment à Tokyo où l’on pouvait craindre un effondrement des tours gigantesques. C’est là un test en vraie grandeur de la robustesse de ces structures qui a une valeur considérable pour le futur. Le système d’alerte au tsunami a lui aussi bien fonctionné sauf bien sûr dans la zone proche ou les délais d’alerte étaient trop courts, d’où les morts à déplorer.
Quant aux accidents nucléaires sur lesquels nous n’avons que des informations partielles et éparses, il faut préciser plusieurs points.
Lorsqu’on associe Japon et nucléaire, la rémanence du sentiment d’horreur d’Hiroshima et Nagasaki est si forte qu’il faut lever quelques préalables. Disons très fort qu’une centrale nucléaire ne peut pas se transformer en bombe atomique. Lorsqu’on parle aujourd’hui d’explosion, il s’agit d’une explosion causée par des gaz accumulés sous pressions, qui font «sauter le couvercle». Comme dans une cocotte-minute surchauffée. Il faut aussi préciser que les centrales nucléaires japonaises sont à la fois moins rustiques que celle de Tchernobyl et moins élaborées que les centrales utilisées en France. En France, aucune centrale ne peut-être endommagées par un tsunami. En France, il n’y aura jamais un séisme de magnitude 9. Donc toute extrapolation d’une situation à une autre doit être faite avec précaution.
Je me refuse pour ma part d’aller au-delà, et en particulier d’entrer dans un débat de politique intérieure française sur le nucléaire. Le temps n’est pas au débat. Parce qu’il faut se concentrer sur les choses importantes et tragiques qui se produisent au Japon et que, les informations précises nous manquent. Ceci étant dit, il est possible de tirer quelques conclusions pour l’avenir.
Des drames de ce type se reproduiront, car la croissance démographique du monde amène les populations à occuper de plus en plus les zones à risques et rien ne pourra jamais les protéger d’évènements dont la puissance est plus de dix fois celle d'une bombe H. La France métropolitaine n’est pas une zone à risques importants mais les départements d’outre mer le sont. Il y a une inquiétante zone de silence en Guadeloupe. Ou, malgré des efforts, bien des constructions sont encore fragiles.
En Europe, l’Italie et la Grèce sont des zones à risques importantes avec des possibilités de déclenchement de tsunami vers l’Afrique du Nord ou l’Egypte avec des délais de prévention réduits.
En ce qui concerne le nucléaire et la sûreté des centrales, il faudra bien sûr tirer toutes les conclusions utiles lorsque l’épisode sera terminé et qu’on aura toutes les informations disponibles, mais il est bon de rappeler que les accidents survenus dans les centrales japonaises ne résultent pas du séisme lui-même mais du tsunami. Extrapoler cela à la France n’a pas de sens. La France métropolitaine ne sera jamais atteinte ni par un séisme de cette magnitude ni par un tsunami de cette ampleur.
Claude Allègre
Photo: Un survivant dans les ruines de la ville d'Oguchi Damir Sagolj / Reuters