«L'Europe a les salaires les plus élevés du monde. Peut-elle s'infliger d'avoir, en plus, les coûts de l'énergie les plus élevés du monde?» Cette réflexion d'un industriel, les gouvernements commencent à la partager, pays par pays, avec effroi.
En France, François Fillon vient de présenter de nouvelles règles du jeu pour la filière photovoltaïque que l'on découvre archi non compétitive. Beaucoup de projets sont «de piètre qualité», note le Premier ministre, qui déplore l'opportunisme de la chasse aux subventions. Il tente de fermer la caverne d'Ali Baba des trésors pas renouvelables.
La France n'est pas seule: l'Espagne, en grande difficulté, a coupé court aux subsides promis avant la crise. L'Allemagne devrait faire de même en avril. Le constat va venir immanquablement dans l'éolien.
Les promesses d'avant crise
La France a décidé de lancer une ferme d'éoliennes offshore, elle reviendra quinze fois plus cher qu'une centrale au gaz. Est-ce bien le moment lorsque, justement, le prix du gaz baisse après la découverte des ressources immenses des schistes américains?
Le voile se lève sur les coûts des promesses écologiques faites en 2007, avant la crise. L'Europe, qui se veut à l'avant-garde de la lutte contre le réchauffement climatique, a promis, d'ici à 2020, de couper ses émissions de gaz à effet de serre de 20% (par rapport au niveau de 1990) et de relever à 20% la part des énergies renouvelables dans sa consommation.
On mesure mieux aujourd'hui les sommes colossales d'investissement que cela représente et les conséquences sur les prix que devront payer les industriels et les consommateurs. On mesure mieux aussi en France, au passage, que les équipements sont étrangers, chinois surtout, et que les subventions encouragent les importations.
Le photovoltaïque comme l'éolien sont des énergies aussi chères que peu fiables, au sens où elles dépendent par définition du soleil et du vent. Que faire en cas de nuages et de calme? Pour garantir la lumière et le chauffage aux ménages, on va miser sur des ordinateurs capables de gérer «intelligemment» les ressources en temps réel.
Mais il reste qu'il faut être capable de disposer de suffisamment de sources classiques. Autrement dit, il faut garder l'essentiel des autres centrales. EDF va même augmenter son parc nucléaire pour des raisons d'exportation: il faut des «vitrines» en France. L'Europe verte impose d'investir deux fois.
Où trouver l'argent?
Moderniser ces parcs existants et ces réseaux de transport nécessite déjà de mobiliser des sommes impressionnantes.
En France, l'avantage d'un prix de l'électricité inférieur d'un tiers aux moyennes européennes, grâce aux efforts faits dans les années 1970 et 1980, devrait du coup disparaître. Nicolas Sarkozy a remercié le patron d'EDF Pierre Gadonneix en 2009 parce qu'il réclamait une hausse de l'électricité de 20% en trois ans pour financer cette modernisation. Son successeur laisse évoquer que le bon chiffre sera plutôt de 25%... en réalité sûrement encore très minoré.
Anciennes énergies rénovées et nouvelles: au total, selon le Financial Times, l'Europe devra investir 1.000 milliards d'euros d'ici à 2020. C'est grosso modo doubler le rythme actuel réalisé par les opérateurs du secteur.
Où trouver cette montagne d'argent? Dans les fonds souverains? Auprès d'investisseurs chinois?
On a relevé des premières prises de participation en Europe et en Amérique. Mais jusqu'où est-ce possible dans ce secteur jugé stratégique qu'est l'énergie?
La seule réponse possible sera d'offrir une garantie de retour aux investisseurs et donc de laisser les opérateurs rehausser les tarifs payés par les clients.
De combien? En Grande-Bretagne, le régulateur a estimé que la facture d'électricité des ménages devra doubler pour représenter 2.000 livres (2.400 euros) par an soit environ 10% des dépenses des ménages. En France, la note finale devrait être proche. Ce sera vrai dans toute l'Europe.
Dans les dix ans à venir, les Européens vont voir leur pouvoir d'achat rogné par la course à la compétitivité, par les hausses des matières premières, dont le pétrole, et par les impôts de remboursement des dettes de crise. Vont-ils accepter de voir doubler leur facture d'électricité?
La lutte contre le réchauffement climatique est un choix de société. Certes. A condition de dire aux citoyens que ce choix va accaparer une bonne part de leurs maigres gains de revenu.
Eric Le Boucher
Chronique également parue dans Les Echos