Économie

Le G20 plus spectateur qu'acteur

Temps de lecture : 4 min

Les ministres des finances du G20 réunis à Paris vont-ils pouvoir contrer la flambée des prix des matières premières?

Marché à terme de Chicago / Reuters
Marché à terme de Chicago / Reuters

Le G20, présidé cette année par la France, n’a-t-il rien retenu des révolutions populaires qui ont enflammé la Tunisie et l’Egypte? Rien, non plus, des manifestations et émeutes qui ont secoué l’Algérie ou le Yémen et qui pourraient se propager à la Jordanie, à l’Irak ou au Maroc? Alors que les ministres des finances et gouverneurs de banques centrales se réunissent à Paris ce week-end, l’un des objectifs de Christine Lagarde, puissance invitante, consistera à «trouver un accord sur les indicateurs de performance économique». Le G20, tout à son projet de «croissance forte, équilibrée et durable», est-il déconnecté?

Reprenons. Installé au début de la crise pour trouver collectivement des solutions qui permettent d’éviter la faillite du système bancaire international, ce club des vingt pays les plus riches de la planète, et qui représente 85% du PIB mondial, n’a pas atteint tous les objectifs qu’il s’était fixé. Il a évité un blocage de l’économie mondiale, mais a échoué dans la lutte contre les paradis fiscaux, et la régulation financière mondiale est encore entièrement virtuelle. Quant à la lutte contre la corruption, à force de voir les institutions piétiner, ce sont les peuples eux-mêmes qui, en Tunisie et en Egypte, ont pris les choses en main. Les Etats représentés au G20 n’ont été, en l’occurrence, que des spectateurs.

«Business as usual» pour les banques… et même un peu plus

Aujourd’hui, la sortie de crise se précise grâce notamment aux mesures de relance budgétaires qui furent au programme des précédentes réunions du G20. Mais la crise n’est pas effacée pour autant. Avec l’explosion des dettes publiques, les contribuables vont maintenant être sollicités pour payer les intérêts des emprunts souscrits par les Etats afin d’empêcher des successions de faillites. En France, le service de la dette va être du niveau du budget de l’Education nationale.

Pour autant, les banques ont repris leur «business as usual». Et le G20 piétine, comme s’il ne voulait empêcher la constitution de bulles annonciatrices de crises à venir. Pourtant, Christine Lagarde a elle-même montré le ver dans le fruit. En préambule à la réunion du week-end à Paris, la ministre française Christine Lagarde a souligné lundi la «financiarisation excessive» des marchés de matières premières notamment alimentaires, et la «volatilité excessive» des prix pour des céréales comme le blé dont les cours ont augmenté de 40% en six mois. «A Chicago, il s’échange dans l’année 46 fois la production mondiale de blé, et 24 fois la production mondiale de maïs, entre des opérateurs privés qui n’ont aucun lien avec la matière première», a expliqué la ministre. Comme à l’occasion des émeutes de la faim de 2008, les populations les plus démunies sont les victimes de cette absence de régulation.

Les Etats du G20 décideraient-ils d’intervenir, pour défendre ces populations qu’ils représentent? «Nous ne voulons pas revenir à une administration des prix comme par le passé, mais réduire la volatilité en faisant la lumière sur les marchés», a expliqué Christine Lagarde. En clair, pour éviter que les cours ne s’emballent, mettre en place des indicateurs qui introduisent de la transparence, en espérant qu’elle sera dissuasive et fera reculer les pratiques excessives. Bien peu de choses pour faire peur aux spéculateurs. Et rien pour rassurer des populations qui subissent un triplement des prix des matières premières agricoles en trois ans.

Les financiers contre le G20

Les institutions financières pèsent de tout leur poids pour faire obstacle à ce qui limiterait leurs marges de manœuvre. Les marchés réhabilitent des pratiques pourtant clouées au pilori par les mêmes membres du G20 au plus fort de la crise. Les banques de financement et d’investissement basculent à nouveau dans des dérives provocatrices. Aux Etats-Unis, au titre de l’exercice 2010, les 25 plus importantes institutions financières de Wall Street auront distribué 135 milliards de dollars de salaires et bonus à leurs salariés; soit 20% de plus qu’en 2008 et 6% de plus qu’en 2009. En Grande Bretagne, les banquiers sont parvenus à éviter le plafonnement de leurs bonus en échange d’une augmentation de leurs prêts aux entreprises, comme s’il ne s’agissait pas là d’un fondement de leur mission. En France, les six grands groupes secourus par des prêts de l’Etat ont alloué un total de près de 3 milliards d'euros de bonus à leurs équipes de la banque d’investissement au titre de l'année 2009, en hausse de 60% par rapport à 2008. Et 2010 ne devrait pas être un mauvais crû pour les bonus qui vont bientôt être versés.

Les institutions financières creuseraient-elles un nouveau fossé qui les isolerait du reste du tissu social ? En ce cas, il appartiendrait aux présidents et chefs de gouvernement de corriger le système financier, démontrant ainsi qu’ils conservent les manettes du pouvoir au service des citoyens. Les opinions publiques ne comprendraient pas que, alors que la crise n’est même pas soldée, les mêmes excès puissent se reproduire sans réaction de leur part. Déjà, en Europe, les pratiques spéculatives de la finance internationale sont dénoncées par les europhobes de tout poil pour mettre l’Union européenne en échec, à commencer par les populistes qui progressent. Certes, on n’imagine pas que des régimes démocratiques occidentaux puissent être renversés de la même façon que dans les dictatures arabes. En revanche, des basculements à l’occasion d’élections sont des scénarios plausibles. Au Maghreb et au Mashreq, on n’avait rien vu venir non plus. Le G20 devrait y songer, en montrant un peu plus de détermination pour réguler les marchés mondiaux que l’établissement d’un simple indicateur.

Gilles Bridier

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