Sydney est, selon moi, la ville la plus sensationnelle au monde. Et il faut croire que nombre de Français se sont donné le mot tant il est fréquent d’en croiser en se promenant dans ses rues. En descendant Pitt Street, l’autre jour, pour rejoindre Circular Quay, l’embarcadère d’où partent tous les ferries de la ville, tout à côté de l’Opera House, j’ai rencontré ainsi, à quelques dizaines de mètres d’intervalle, trois groupes de jeunes Français qui paraissaient avoir parfaitement leurs repères dans la cité olympique.
Il est d’ailleurs probable qu’autour de vous, vous connaissez quelqu’un, ou quelqu’un qui connaît quelqu’un, actuellement parti faire un tour à Sydney.
A l’inverse notamment de Paris, devenue une ville musée figée dans son passé glorieux, Sydney est, en effet, une cité vivante constamment en mutation et littéralement faite pour la jeunesse si l’on passe sur l’inconvénient de loyers très chers qui nécessitent, comme à Paris, le recours à la colocation.
Plages mythiques
Si Sydney attire autant de jeunes à travers le monde, elle le doit, en partie, à sa proximité avec le Pacifique qui fait complètement corps avec cette ville, probablement celle qui offre le plus de plages spectaculaires à l’image des mythiques Bondi, Manly, Coogee, Bronte ou Brighton. En fait, Sydney, comme l’Australie où 80% de la population vit au bord de l’océan, est un paradis pour personnes en recherche d’activité physique et c’est l’une des raisons qui la rend si attrayante pour de jeunes adultes.
Asseyez-vous sur un banc du Jardin Botanique à l’heure du déjeuner et vous verrez soudain débouler de tous les côtés des joggeurs en pagaille issus des bureaux des tours du quartier d’affaires. Prenez un bus à Hyde Park en direction de Bondi Beach et vous sourirez, au fil des arrêts, en regardant les planches de surf encombrer de plus en plus l’espace du véhicule dans une ambiance aussi décontractée que les tenues des voyageurs qui, évidemment, portent des tongs aux pieds.
Il faut le savoir: Sydney, dont sont originaires de nombreux champions olympiques de natation comme le légendaire Ian Thorpe, a la particularité d’être aussi la ville la plus nageuse de la planète. Dimanche 6 février s’est ainsi déroulée la Cole Classic, une course d’endurance en mer, la plus importante au monde en raison de ses quelque 5.000 participants qui s’élancent de la plage de Shelly pour arriver à celle de Manly. La Cole Classic, du nom de Graham Cole, son inspirateur, procède par 22 vagues successives de départ en fonction de l’âge et du niveau des nageurs sachant qu’il y a deux distances parcourues -un et deux kilomètres.
40 piscines de 50 mètres
A Sydney, l’amateur de longueurs baigne, en fait, dans un véritable petit paradis aquatique magnifié par les multiples et superbes plages de l’endroit et sublimé par une… quarantaine de piscines de 50m à faire pâlir d’envie bien des Parisiens nettement moins bien lotis, obligés de patauger dans leur ligne d’eau de 25 ou 33m la plupart du temps embouteillée et encombrée par des dossistes qui ne savent pas où ils (elles?) vont et contraints de composer avec les horaires des scolaires, plaie du nageur qui n’a pas le loisir et la liberté de nager quand il le souhaite. Paris est un enfer pour un nageur, Sydney est son royaume.
A Sydney, il y a, bien sûr, les bassins couverts comme la piscine olympique, l’ultramoderne Ian Thorpe Aquatic Centre inauguré en 2007 ou ceux, découverts, comme la North Sydney Olympic Pool, spectaculairement située au pied du Harbour Bridge. Mais à Sydney, il existe surtout ce que l’on appelle les «rock pools», véritables institutions de l’endroit et uniques en leur genre.
Les «rock pools» sont de très larges piscines d’eau de mer de 50m, construites sur les rochers au bord des plages et léchées par les vagues de l’océan. Presque toutes les grandes plages de Sydney ont la leur.
The Icebergs
La «rock pool» de Bondi, plage la plus fameuse d’Australie, reste la plus célèbre de toutes et est, peut-être, la piscine d’eau de mer la plus belle et la plus accessible du monde. Baptisé The Icebergs, ce club, qui dispose d’une vue imprenable sur la plage, a été créé en 1929 et a la particularité de compter environ 400 membres recrutés d’une drôle de manière. Sont membres ceux qui ont réussi à nager, trois dimanches sur quatre, pendant cinq ans, de mai à septembre, période la plus fraîche de l’année! Sachant que toute absence doit être dûment explicitée.
Mais rassurez-vous, il ne s’agit pas d’un club exclusif: l’accès reste libre, bien sûr, pour qui veut venir s’y baigner, contre un droit d’entrée de cinq malheureux dollars australiens (4 euros) pour un adulte (avec sauna en prime pour ceux qui le souhaitent).
The Icebergs qui, humoristiquement, ouvre sa saison hivernale en mai en forçant ses membres à nager un dimanche au milieu de blocs de glace jetés dans le bassin, a façonné sa légende au fil du temps au point d’être devenu l’une des images cartes postales de l’Australie. Fondé par des lifeguards en mal d’entraînement l’hiver, le club est longtemps resté un bastion masculin puisque les femmes ont dû attendre 1995 pour bénéficier d’un droit d’entrée. Lors de l’hiver austral, les conditions de nage peuvent, il est vrai, s’avérer pour le moins «viriles» dans la mesure où il est fréquent que les vagues, alors glacées, du Pacifique finissent leur course dans le bassin des Icebergs.
Ouverture
Au fond, ce club résume à lui seul l’esprit australien qui plaît tant aux jeunes étrangers. Il est accueillant, ouvert et «sport». Il ne s’adresse à aucune catégorie sociale particulière et tout le monde, pour devenir membre (sans que cela engendre des privilèges quelconques), est contraint au même sacrifice l’hiver, juste pour la beauté de la pratique aquatique.
Vous pourrez faire le tour du monde des enceintes sportives, aucun autre public que le public australien, ne pratique la simplicité et l’excellence à ce point alliant connaissance des disciplines et enthousiasme sans cesse renouvelé. Et Sydney, cadre de Jeux Olympiques qui ont fait date voilà 10 ans, est l’épicentre de cet art de vivre sportif même si Melbourne, l’éternelle rivale, contestera toujours cette position –après tout, c’est parce qu’il était impossible de réconcilier les deux villes que l’Australie s’est fabriqué de toutes pièces une capitale administrative, Canberra.
L’autre jour, après mes longueurs aux Icebergs, loin de ma vieillotte et tristounette piscine Blomet à Paris, je me suis offert le complément idéal d’une journée parfaite à Sydney. J’ai pris le ferry jusqu’à Manly, soit une traversée de 30 minutes au cœur de la baie de Sydney, la plus fantastique du globe, avec une vue à couper le souffle sur les immeubles de la métropole. Cette fois, je nageais en plein bonheur. Un conseil: si vous avez quelques économies et quelques semaines de vacances devant vous, attrapez votre valise et n’hésitez pas une seconde. Plongez dans cette aventure unique et n’oubliez pas d’aller faire quelques brasses au milieu des Icebergs…
Yannick Cochennec