Life

Dans la vie d'une femme de Hugh Hefner

Temps de lecture : 6 min

Quand on a 24 ans, partager la vie du mythique et octogénaire patron de Playboy n'est pas forcément un conte de fée.

Hugh Hefner en juillet 2010. REUTERS/Lucy Nicholson
Hugh Hefner en juillet 2010. REUTERS/Lucy Nicholson

Dans les jours qui ont suivi l'annonce de ses fiançailles avec Crystal Harris, playmate de 24 ans, Hugh Hefner a profité du battage médiatique pour démentir certaines rumeurs, selon lesquelles son cher manoir Playboy serait depuis peu couvert de crottes de chien.

«Nous n'avons qu'un chien au Manoir (Charlie) et il est propre», déclarait-il récemment sur Twitter.

Le tabloïd britannique Daily Mail avait traité le Manoir de «prison sordide» régentée par un senior autoritaire, qui versait une rente hebdomadaire à ses petites amies et organisait partie fine sur partie fine dans sa demeure délabrée. Le papier devait beaucoup à un livre de révélations publié il y a quatre ans par Izabella St. James, une ancienne petite-amie, qui semble avoir une dent contre Hefner et un don pour l'emphase. Quoi qu'il en soit, la question mérite d'être posée: ça fait quoi, d'être mariée à Hugh Hefner?

Se coucher tôt, regarder de vieux films

Si l'on en croit les biographies, les profils et les interviews de l'homme, son quotidien n'a visiblement rien de bien passionnant. En fait de prison, le manoir Playboy semble être un lieu particulièrement peu sexy: l'emploi du temps y est strict, on s'y couche tôt et on y regarde de vieux films. Le visionnaire qui a popularisé le concept de l'enterrement de vie de garçon permanent se trouve être un casanier guindé et adepte de la vieille école. Cela n'a rien d'étonnant. Après tout, Hugh Hefner a 84 ans.

Résumons son parcours conjugal. Hefner s'est marié deux fois -en 1949, avec Millie Williams, une camarade de lycée, qui lui a donné deux enfants; puis en 1989, avec la playmate Kimberley Conrad, avec qui il en a eu deux autres. Le premier mariage a duré dix ans. Selon Steven Watts, historien à l'Université du Missouri, cette première rupture est imputable à l'incompatibilité d'humeur des deux époux et à l'infidélité manifeste d'Hefner. Mais la seconde (qui remonte à plus de dix ans; leur divorce n'a été prononcé que récemment) serait due au mode de vie étonnement étriqué du playboy.

«Le strict emploi du temps de son époux semble avoir été une source de mécontentement», explique Watts dans Mr. Playboy, sa biographie d'Hefner. Selon Watts, au manoir, le programme était toujours le même: quatre soirs par semaine, on projetait des films pour les invités (le lundi, seuls les hommes étaient conviés; c'était le jour de la «soirée virile»). Le mercredi, on jouait aux cartes entre amis. Watts explique que Conrad n'arrivait pas à se faire à cette existence sans surprises. Elle voulait un peu plus de spontanéité -un «simple diner en tête-à-tête», ou «une soirée dans un piano-bar»- et désirait s'éloigner des regards indiscrets des invités.

Dans une interview accordée au Washington Post en 1999, Conrad explique qu'Hefner était «très autoritaire» et «extrêmement possessif».

«Il fallait que je rentre tôt; vers 17h30 ou 18h00, dit-t-elle. Et ce chaque jour de la semaine. C'était sur son emploi du temps, en quelque sorte. Tout cela était un peu monotone. Et si je voulais me coucher à 23h00, il insistait pour que je reste avec lui jusqu'à une ou deux heures du matin, à regarder des films. Je lui expliquais que je voulais me coucher tôt, pour pouvoir me lever à 6h30 et faire de l'exercice. Ça le mettait de mauvaise humeur. Il n'aime pas être seul.»

Le jeudi et le samedi, c'est boîte de nuit

Après la rupture, en 1998, Conrad et ses deux fils ont emménagé dans une maison voisine du manoir. Quelques années plus tard, un autre article du Washington Post a décrit les nouvelles habitudes d'Hefner. Soirée famille le mardi, avec Conrad et les garçons. Le jeudi et le samedi, soirées en boîte de nuit avec ses sept petites amies. (Le nombre des concubines d'Hefner a évolué au fil des ans; il semble n'avoir jamais dépassé les sept. Ce chiffre fut plus réduit pendant un temps; Hefner a ainsi vécu avec un trio très soudé, constitué d'une femme prénommée Brande et de deux jumelles, Mandy et Sandy.)

Hefner a travaillé dur pour donner à son mode de vie l'apparence d'une pièce de théâtre, dans laquelle il joue le rôle d'un patriarche bienveillant entouré d'une troupe de femmes surexcitées, éternellement jeunes et presque interchangeables. «Je suis à la tête d'un camp de girl-scouts», a-t-il un jour déclaré. Dans l'allée menant au manoir, un panneau nous fait cette éternelle promesse: «Les playmates s'amusent» [«Playmates at play»].

Un registre de son activité sexuelle

Mais cette image décontractée se heurte à la nature de l'homme, bourreau de travail obsessionnel dictant à ses petites amies l'art et la manière de prendre du bon temps. Plusieurs de ces dernières ont, comme Conrad, fait part de leur irritation face à ces règles -un mode de vie des plus «stricts», selon l'une d'entre elles; le personnel du manoir était par exemple chargé de noter leurs allées et venues. Elles n'aimaient pas se voir imposer le couvre-feu de vingt-et-une heures (qui était parfaitement nécessaire, selon Hefner, comme il l'a expliqué il y a peu: «Je voulais pas qu'elles aillent voir ailleurs!»). Il a dit tenir un registre précis de son activité sexuelle; de simple «notes d'observation», selon lui.

Il est certes toujours difficile d'analyser le fonctionnement d'un couple (et plus encore lorsqu'il s'agit d'un ménage à quatre); reste que les liaisons d'Hefner semblent prendre fin sans raison véritable. Certaines petites amies ont trouvé un nouveau compagnon, d'autres ont changé de carrière (téléréalités, spectacles érotico-burlesques). Selon Hefner, l'une de ces concubines (Holly Madison) voulait devenir sa femme; elle fut anéantie par son refus. Plusieurs de ses ex-petites amies se sont dites partagées quant à cette période de leur vie. Dans une interview accordée à US Weekly, Kendra Wilkinson, qui a joué son propre rôle de concubine d'Hefner dans l'émission de téléréalité «Girls Next Door», explique qu'elle ne le voyait pas très souvent lorsqu'elle vivait au manoir, et qu'ils ne «sortaient jamais ensemble en tête-à-tête». Elle dit être «complètement opposée» au fait de sortir à plusieurs; et parle d'Hefner avec une gratitude quelque peu mitigée.

«Hef était un peu comme mon meilleur ami, mais il avait aussi un côté sugar daddy», explique-t-elle.

Etre la numéro un

Mais alors, qui pourrait, forte de toutes ces informations, vouloir encore épouser Hugh Hefner? L'interchangeabilité de ses petites amies est sans doute l'un des principaux éléments de réponse: le mariage, c'est avant tout la sécurité. Etre la femme d'Hefner, c'est mieux que d'être la numéro un (titre qu'il décerne à l'une de ses concubines, lorsqu'il en a plusieurs). Ce titre serait conditionné par «l'ancienneté» et par certains points communs. Hefner avait pour habitude de dire qu'il avait décerné le titre de numéro 1 à Madison, ancienne Hooters girl, parce qu'elle partageait son amour pour Bix Beiderbecke, jazzman des années 1920 (ce qui n'est pas franchement crédible). Mais cette position est pour le moins précaire, et Madison l'a appris à ses dépends. Dans une interview accordée après leur rupture, Hefner a déclaré que «les filles faisaient la queue devant la grille du manoir» pour la remplacer.

Chez Hefner, le mariage est également synonyme de monogamie. Steven Watts (l'auteur de Mr. Playboy) explique qu'au manoir, les règles ne sont pas les mêmes pour tout le monde: les concubines se doivent d'être fidèles, mais Hefner, lui, peut faire ce qui lui chante. Sa conception de la vie conjugale, en revanche, semble avoir évolué depuis son premier mariage. Hefner affirme ne jamais avoir trompé Conrad avant leur rupture; et sur The Daily Beast, il a déclaré vouloir être fidèle à sa nouvelle épouse. Harris semble déjà jouer un rôle de premier plan au manoir: les concubines les plus récentes, les jumelles Kristina et Karissa, sont parties il y a près d'un an.

Que les époux optent ou non pour un contrat de mariage, il va sans dire que madame Hefner jouira de quelques avantages financiers. Elle n'aura sans doute pas à subir l'humiliant rituel décrit par d'anciennes petites amies: se mettre en rang pour recevoir un «budget vestimentaire"» hebdomadaire de 1.000 dollars.

Enfin, on peut vouloir devenir madame Hugh Hefner pour vivre un amour simple et sans risques (si l'on peut parler d'amour). Hefner et Harris semblent aujourd'hui éprouver une grande affection l'un pour l'autre. Pour Noël, elle lui a offert un tableau commandé par ses soins, représentant le couple et leur chien (le fameux Charlie). Le cadeau d'Hefner était une bague de fiançailles –cachée dans boîte à musique ayant pour thème La Petite Sirène (c'est son film préféré. Et nous ne sommes pas les premiers à faire remarquer qu'elle n'avait que 3 ans lors de la sortie du dessin-animé).

Dans les interviews qu'elle accorde, Harris affirme qu'elle ne remarque pas leur différence d'âge. Hefner loue sa dévotion; dit qu'elle est son «âme soeur», et compare leur histoire à celle d'Humphrey Bogart et de Lauren Bacall. Il s'en extasiait récemment sur Twitter: «C'est la belle vie, mon ami. Pourvu que cela dure toujours.»

Libby Copeland

Traduit par Jean-Clément Nau

Photo: Hugh Hefner et Crystal Harris le 27 décembre 2010. REUTERS/Steve Marcus

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