Au moment où j’écris ces lignes, quelques heures à peine après l’explosion qui s’est produite à l’aéroport de Domodedovo à Moscou, l’identité de l’auteur de l’attentat est encore inconnue. Voici ce que nous savons:
Certaines choses ont changé
Le président russe Dmitri Medvedev s’est déjà adressé à la nation à la télévision, a présenté ses condoléances aux victimes et repoussé son voyage en Suisse, où il doit intervenir dans le cadre de la conférence de Davos à la fin de la semaine. Autrefois, les dirigeants russes mettaient bien plus longtemps à réagir aux catastrophes. Le secrétaire général de l’ex-Union Soviétique Mikhaïl Gorbatchev avait attendu trois semaines avant d’évoquer la catastrophe de Tchernobyl en 1986. Il avait fallu cinq jours à l’ex-président Vladimir Poutine pour réagir au naufrage du sous-marin Koursk en 2000.
Des leçons ont été tirées du passé
Le ministre de la Santé russe a ouvert une «hotline», destinée à fournir une aide psychologique aux victimes et à leurs familles. L’aéroport de Domodedovo a d’ores et déjà posté un numéro de téléphone pour les demandes d’informations sur son site Internet. Le bilan du nombre de victimes a été rendu public: à l’heure où nous publions cet article, lundi vers 23 heures, il s’élève à 35 tués, plus de 100 blessés, un grand nombre dans un état critique. Les hôpitaux qui accueillent les victimes ont été identifiés. Lors de la prise d’otage de Beslan en 2004, les responsables avaient fourni des informations aussi tardives que contradictoires sur le nombre et l’état des victimes dès le départ.
De nouvelles embûches ont fait leur apparition
Un témoin sur place s’est plaint sur Twitter que les chauffeurs de taxi de l’aéroport exigeaient maintenant 20.000 roubles (environ 670 dollars) pour une course jusqu’à la ville. Un immense embouteillage s’est formé autour de l’aéroport. Des agents de circulation supplémentaires ont été envoyés pour gérer le problème, car des automobilistes énervés pris dans l’embouteillage refusent de laisser passer les ambulances.
Certains problèmes viennent de loin
D’après les informations communiquées par les médias russes, il semble que la bombe ait explosé hors de la zone de sécurité de l’aéroport, dans le hall des arrivées. Voilà qui disculpe le système de sécurité de l’aéroport, mais donne une mauvaise image de la police, puisque le terroriste doit par conséquent être un résident de Russie. Ce qui n’est pas si surprenant: depuis 1999, la Russie a subi, en moyenne, au moins une attaque terroriste importante par an. Elles sont généralement imputées à des Tchétchènes ou autres nord-Caucasiens —citoyens de la Fédération russe—mais de nombreux cas restent non résolus. Quand les Tchétchènes ont perdu leur guerre pour la souveraineté au début des années 2000, certains de leurs dirigeants ont promis de livrer leur combat jusqu’au cœur de la Russie. Ce qui vient de se produire en est peut-être une conséquence.
Mis à part ça, les attentats n’obéissent pas à un schéma précis. Ils ont eu lieu dans des trains, des avions, dans des aéroports et dans des théâtres, à Moscou et dans le Caucase. Il visaient des enfants, des passagers d’avion et des banlieusards. «Nous les trouverons, et nous les détruirons», avait promis Medvedev l’année dernière, quand une bombe a explosé dans le métro moscovite. Il ne les a pas trouvés, ils n’ont pas été détruits. Certaines choses ont changé—mais ce n’est pas encore suffisant.
Anne Applebaum
Traduit par Bérengère Viennot
» Notre revue du web, en direct, réactualisée toute la journée de lundi