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Mercredi 26 janvier
Mandat d'arrêt international contre Ben Ali
La justice tunisienne a lancé un mandat d'arrêt international contre l'ex-président Ben Ali, rapporte la BBC. Accompagné de sa femme Leïla Trabelsi, il est réfugié en Arabie saoudite depuis le 14 janvier. Le ministre de la Justice Lazhar Karoui Chebbi précise qu'il est poursuivi pour «acquisition illégale de biens mobiliers et immobiliers» et «transferts illicites de devises à l'étranger». Leïla Trabelsi était soupçonnée d'avoir transféré 1,5 tonne d'or hors de la Tunisie en décembre.
A Tunis, la capitale, les manifestations contre le gouvernement de transition continuent. Des centaines de personnes seraient toujours rassemblées devant l'immeuble où se trouve le bureau du premier ministre Mohammed Ghannouchi. Selon la BBC, la police a tiré des gaz lacrymogènes pour refouler les manifestants.
Le remaniement du gouvernement est attendu ce mercredi 26 janvier.
Mardi 25 janvier
«Remaniement Imminent»
La pression des manifestants pour faire tomber le gouvernement de transition continue, note El Watan.
Lundi, Taieb Baccouche, porte-parole du gouvernement et ministre de l'Education annonçait un «remaniement imminent» de la formation du gouvernement du premier Ministre Mohammed Ghannouchi. Elle inclut des anciens membres du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), l'ancien parti majoritaire de Ben Ali, d'où de vives contestations.
Malgré cette annonce, «les marcheurs venus des régions déshéritées de Tunisie, de Sidi Bouzid, de Kassrine, de Thala ou de Gabès ont continué à manifester en campant sous les fenêtres du premier Ministre» la nuit de lundi à mardi note Le Monde.
«La bataille se jouera à Tunis. C'est pour cela que nous sommes venus. Il faut faire tomber le gouvernement. Ils sont comme un cancer, on ne peut pas en laisser un bout. On ne se satisfera pas d'un remaniement.» lançait Lotsi Abbes, un pharmacien du sud du pays à El Watan. Taieb Baccouche a précisé que ce remaniement ne signifiait pas la dissolution totale du gouvernement de transition, soulignant que les cinq ministres qui avaient démissionné la semaine du 18 janvier devraient être remplacés. Il s'est aussi dit favorable «à titre personnel» au maintien de ceux qui ont servi sous Ben Ali «pour la continuité de l'Etat»
La Journée de la révolte en Egypte
«La Tunisie est la solution», «Après Ben Ali à qui le tour?» tels sont les propos scandés depuis le début de l'après-midi dans le centre ville du Caire, la capitale égyptienne. Selon l'AFP, des dizaines de milliers de policiers auraient été mobilisés pour contenir les manifestations.
Prenant pour modèle l'insurrection qui a provoqué le départ du président tunisien Zine El Abidine Ben Ali le 14 janvier, les manifestants se sont rassemblés pour exprimer leur opposition à Mohammed Hosni Moubarak, chef de l'Etat égyptien depuis 1981. Deux appels sur le Web sont à l'origine de ce rassemblement, rapporte le Guardian. Le premier a été lancé par un groupe qui rend hommage à Khaled Said, un homme de 28 ans originaire d'Alexandrie, battu à mort par la police en juin 2010. Le second appel vient du mouvement du «6 avril» en référence au 6 avril 2008 où trois jeunes égyptiens aurait été tués par la police dans le delta du Nil. Sur Facebook, 90.000 personnes s'étaient dit prêtes à manifester. Salma Said, une activiste de vingt- cinq ans, a déclaré au Guardian:
«Manifester contre la brutalité policière signifie bien sûr s'élever contre le président Moubarak et tout son gouvernement car ce sont eux qui sont à l'origine de ce système.»
Ce mardi 25 janvier a alors été baptisé la «Journée de la révolte contre la torture, la corruption, la pauvreté et le chômage» rapporte le Guardian . Comme le note Le Monde, cette dénomination fait écho à la «Journée de la police», le jour férié égyptien qui rend hommage au travail des forces de l'ordre. Les manifestants réclament entre autres le limogeage du ministre de l'Intérieur Habib Al-Adli, qui a déclaré devant ces évènements:
«Les forces de l'ordre sont capables de faire face à toute menace contre la sécurité de la population. Nous ne prendrons à la légère aucune atteinte aux biens ni aucune infraction à la loi.»
Lundi 24 janvier
Lundi 24 Janvier
Des Tunisiens réclament le départ de Mohammed Ghannouchi
Des Tunisiens continuent de manifester contre la présence d'anciens membres du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD, l'ancien parti majoritaire du président déchu Ben Ali, au sein du gouvernement de transition formé par Mohammed Ghannouchi, le premier ministre.
Selon la BBC, des centaines de manifestants venant de province sont arrivés ce week-end à Tunis. Ils ont siégé toute la nuit de dimanche à lundi devant l'immeuble où se trouve le bureau du premier ministre, et ce malgré le couvre-feu en vigueur de 20h à 5h du matin. Ils demandent la démission immédiate de Mohammed Ghannouchi alors que celui-ci n'envisage de se retirer qu'après les élections, prévues au plus tard dans six mois. Lundi matin, la police aurait utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser la foule, toujours postée devant le bureau du premier ministre.
D'autre part, deux proches de Ben Ali auraient été arrêtés, Abdelaziz Bin Dhia, son ancien conseiller, et Abdallah Qallal, l'ex-ministre de l'Intérieur.
Un homme tente de s'immoler à Paris
Un homme a tenté de s'immoler par le feu samedi 22 janvier à Paris rapporte Le Figaro. Tandis que 800 personnes se rendaient devant l'ambassade de Tunisie pour manifester leur soutien au peuple tunisien, l'homme s'est aspergé d'essence sous l'Arc de Triomphe, situé à l'ouest de la capitale. Selon la Préfecture de Police, des agents l'ont empêché de s'immoler in extremis.
Dimanche 23 janvier
Arrivée de la «caravane de la libération»
Un millier de manifestants sont arrivés dans le centre de Tunis dimanche matin, ont constaté des journalistes de l'AFP. Les manifestants scandaient des slogans comme «Le peuple vient faire tomber le gouvernement!».
Arrivés vers 7h30 dans le centre de la ville, les manifestants en ont remonté l'artère centrale et symbolique –l'avenue Habib Bourguiba, où ont lieu les défilés quotidiens–, et se sont installés en sit-in devant le ministère de l'Intérieur, où ils ont déployé un portrait de Mohammed Bouazizi, le jeune homme qui s'est immolé le 17 décembre, déclenchant la «révolution de jasmin» dans le pays.
Samedi 22 janvier
Départs de marches sur Tunis
Des centaines d'habitants du centre-ouest de la Tunisie ont entamé une marche sur Tunis, appelée «la caravane de la libération», pour réclamer le départ du gouvernement des anciens membres du parti de Ben Ali. L'AFP rapporte que le mouvement a grossi au fur et à mesure de la marche, atteignant le chiffre de 800 personnes dans la soirée (2.500 d'après un syndicaliste qui participe à la marche). D'autres marches vont partir d'autres villes du pays, pour toutes rejoindre Tunis.
Dans le même temps, des centaines de personnes ont défilé dans le centre de Tunis, pour demander la même chose. Des policiers, en civil et en uniforme, ont bloqué pendant un temps l'accès du siège du gouvernement à la voitur du président tunisien de transition Foued Mebazaa, rapporte Le Monde.
Manifestations réprimées à Alger
El Watan parle d'état de siège pour décrire l'atmosphère oppressante à Alger, alors que les partisans du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD) ont tenté de manifester dans les rues de la ville samedi. Tout Alger était sévèrement contrôlé par des dizaines de camions de police rapporte El Watan, et une foule de militants, sympathisants et journalistes «assiégés des heures durant dans les locaux du RCD» par un cordon de policiers antiémeute. L'ensemble des mesures prises par le gouvernement (hélicoptère, camions de la Protection civile, ambulances, barrages de police...) a fait qu'un «véritable climat de guerre régnait sur la capitale».
Les partisans se sont finalement dispersés, mais le président du RCD a déploré 42 blessés et de nombreuses interpellations, rapporte Le Monde. Le RCD avait maintenu cette «manifestation pour la démocratie» malgré l'interdiction du gouvernement (en vertu de l'état d'urgence en application depuis 1992). Une prochaine marche est prévue pour le 9 février, date à laquelle l'état d'urgence a justement été déclaré il y a près de 20 ans.
Vendredi 21 janvier
Trois jours de deuil national
Trois jours de deuil national ont été décrétés jeudi en Conseil des ministres pour rendre hommage aux 90 victimes (100 selon l'ONU) de la Révolution du jasmin. Les émeutes avaient été déclenchées par l'immolation du jeune Mohamed Bouazizi le 17 décembre 2010. Après sa mort, la tension était montée jusqu'à provoquer de violents affrontements entres les forces de l'ordre et les manifestants qui réclamaient le départ de Ben Ali. Des tirs à balle réelles s'étaient échangés, faisant plusieurs morts parmi les civils. Ben Ali avait finalement fui la Tunisie le 14 janvier pour se réfugier en Arabie saoudite.
La plupart des commerces sont fermés en ce jour de prière, rapporte Le Monde, et les forces de police restent mobilisées dans la capitale pour prévenir de nouvelles manifestations.
Jeudi 20 janvier
Les Tunisiens ne décolèrent pas
Les gages d'ouverture donné par le gouvernement de Ghannouchi n'ont pas convaincu les Tunisiens. Ils continuent de contester cette formation où d'anciens membres du Rassemblement constitutionnel démocratique (qui ont quitté le parti ce jeudi) ont des postes, rapporte Le Monde.
Malgré la dissolution du bureau politique du RCD, un millier de manifestants brandissaient des pancartes «Traîtres» devant le siège du parti à Tunis aujourd'hui. L'armée aurait effectué des tirs de sommation pour ne pas que la situation dégénère. Une autre manifestation se tenait devant le Palais de justice, avocats et magistrats réclamant «l'indépendance de la justice».
Des manifestations anti-gouvernementales auraient également eu lieu dans les provinces de Gafsa et Kef, dans le sud du pays.
Internet ne fait pas la révolution, mais y contribue
Le Sénat français a mis en ligne sur Facebook sa synthèse des opinions sur le rôle du web dans la «révolution de jasmin».
D'un côté, il y aurait les tenants d'une «e-révolution», à l'instar de Jean-François Julliard, président de Reporters sans frontières. Selon cette revue de presse sénatoriale, pour le Nouvel Obs, l'Agence France Presse, ou encore El Watan, Internet a eu un rôle décisif dans la chute de Ben Ali. Les événements n'auraient pas pris une telle ampleur sans la divulgation et la diffusion d'informations (Wikileaks) ou l'appel à la mobilisation (Facebook, Twitter).
De l'autre côté, il y a ceux qui considèrent que l'on pose la question à l'envers. Pour Guy Birenbaum, journaliste et blogueur français qui s'exprimait sur Europe 1:
«La révolution passe par le web, mais elle n'a rien de virtuel. N'oublions pas que le sang a abondamment coulé. Tout a commencé parce que que Mohamed Bouazizi s'est immolé. Internet joue un rôle de relais, pas de déclencheur.»
Après le départ de Ben Ali le 14 janvier, Internet s'installe comme un outil d'information privilégié en Tunisie. Le Parisien l'illustre avec Slim Amamou (le blogueur tunisien arrêté puis relâché mi-janvier, désormais secrétaire d'Etat à la Jeunesse et aux Sports) tweetant en direct depuis le Conseil des ministres ce jeudi. «Une situation impensable il y a quelques semaines.» note le site du quotidien.
Ce que le web a révolutionné, c'est une forme de liberté d'expression en Tunisie. Un Tunisien sur cinq serait sur Facebook; c'est cette présence qui a permis de structurer l'opposition et a rendu le mouvement efficace.
Taoufik Ben Brik annonce sa candidature à la présidence de la République tunisienne
Cet écrivain et journaliste tunisien a déclaré à Slate Afrique qu'il serait «le premier président de la Tunisie indépendante et révolutionnaire». Il avait déjà présenté sa candidature à la dernière présidentielle d'octobre 2009, mais elle avait été rejetée. Ben Brik a écrit de nombreux articles sur Slate et est notamment l'auteur du Rire de la Baleine aux éditions du Seuil. Il est le deuxième candidat déclaré après Moncef Marzouki, médecin, opposant démocrate de longue date du régime de Ben Ali.
Mohammed Ghannouchi, le Premier ministre, a annoncé qu'une élection présidentielle se tiendrait dans un délai six mois.
Quant à l'ancien président Ben Ali, il a été accueilli en Arabie saoudite «en respect des usages arabes, à condition, néanmoins, qu’il n’exerce aucune activité en Tunisie depuis le Royaume» a indiqué le ministre des Affaires étrangères saoudien. Ben Ali souhaiterait retourner en Tunisie mais le premier ministre Ghannouchi lui aurait répondu que cela était «impossible», révèle Nejib Chebbi, leader de l’opposition, chargé désormais du portefeuille du Développement régional et local, à Reuters.
Le RCD, c'est du passé
L'arrestation de trente-trois membres de la famille Ben Ali suspectés de «crimes contre la Tunisie» a été annoncée à la télé tunisienne hier soir. La Suisse vient également de geler les avoirs de Ben Ali et de son entourage. Le gouvernement de transition a déclaré qu'une enquête serait lancée sur les biens acquis par l'ex-président et sa femme à l'étranger.
Ces mesures concrètes semblent faire écho à la volonté de rupture totale avec l'ancien régime exprimée par les Tunisiens, écrit l'Irish Times. En outre, tous les membres du gouvernement de transition qui faisaient partie du Rassemblement Constitutionnel Démocratique, le seul parti autorisé sous Ben Ali, viennent de le quitter rapporte CNN .
Mohammed Ghannouchi, premier ministre, et Foued Mebazaa, président par intérim, avaient pris la même décision mardi alors que les manifestants brandissaient des pancartes «RCD dégage» pour dénoncer la nomination d'anciens ministres de Ben Ali au gouvernement de transition. Et ce jeudi, selon Ahram Online, des manifestants portaient des cercueils pour signifier les «funérailles» de ce parti, créé en 1988 par Ben Ali.
Houssine Dimassi, du syndicat de l'Union générale des travailleurs tunisiens, qui avait démissionné de son poste de ministre du Travail mercredi, a déclaré:
«Nous ne pouvons pas exclure totalement le RCD du gouvernement. Cela n'a pas de sens. Mais il faut qu'il ait une place proportionnelle à son poids.»
Le RCD a toujours eu une majorité écrasante au Parlement en raison de l'interdiction de la plupart des partis d'opposition. Il revendiquait deux millions de membres sur une population de dix millions de Tunisiens.
Les dommages collatéraux du silence français
«La France n’aurait-elle pas perdu en crédibilité dans une région qui lui est proche et familière?» se demande El Watan alors que Michèle Alliot-Marie, ministre des Affaires étrangères, a été auditionnée par la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée Nationale après ces propos du 11 janvier. Elle proposait le «savoir-faire» français pour «régler cette situation sécuritaire.»
«Mon propos a peut-être été mal interprété et parfois déformé», s’est-elle défendue mardi devant les députés, en ajoutant, «Soyons honnêtes, nous avons tous, hommes politiques, diplomates, chercheurs, journalistes, été surpris par la rapidité de cette révolution.»
Le député socialiste Gaëtan Gorce a également estimé que l'attitude la France avait «affaibli sa position dans le monde et sur le continent africain». Henri Guaino, conseiller spécial du président français Nicolas Sarkozy, s'exprimait lundi sur RTL: «Imaginez que la France intervienne dans les affaires d’un pays qui est un ancien protectorat français, qu’aurait-on dit ?», ajoutant que les autres pays n'en avait pas dit beaucoup plus.
Selon le journal satirique français Le Canard Enchaîné (cité par The Independent) l'ambassadeur de France à Tunis, Pierre Ménat, aurait envoyé des télégrammes jusqu'au 14 janvier pour l'informer que Zine el-Abidine Ben Ali avait la situation sous contrôle. Ce même jour en fin d'après-midi, le président tunisien s'exilait en Arabie Saoudite.
Dans un article intitulé «Chronique de la faillite d'une supercherie» paru sur Afrique Actu, un journaliste montre que le président Obama, contrairement à l'Elysée, a déploré les violences et salué le courage et la dignité du peuple tunisien avant que Ben Ali ne tombe.
Le Financial Times rapporte qu'un «Ben Ali Wall of Shame» a été créé par des Tunisiens sur Facebook. Il dénonce un aveuglement de la communauté internationale sur le régime de Ben Ali. Et c'est l'attitude de la France qui est la plus critiquée.
Mercredi 19 janvier
Libération des détenus politiques et d'opinion
Nejib Chebbi, le ministre du Développement régional, a signalé la libération de tous les prisonniers politiques ce mercredi. Y compris les membres du mouvement des islamistes conservateurs Ennahda, réprimés sous Ben Ali. Afrik.com rapporte que le secrétaire général d'Ennahda, Hamad Jebari, aurait rencontré le premier ministre Mohammed Ghannouchi lundi.
La Gazette de Montréal précise que ce sont 1.800 détenus condamnés pour des délits mineurs à des peines de moins de six mois qui ont été libérés. Le premier ministre Mohammed Ghannouchi avait promis cette mesure lundi dernier.
Tour d'horizon des conseils aux voyageurs
Alors que l'ONU fait état de plus de cent morts dans son dernier bilan de la crise en Tunisie, le site de la diplomatie française continue de les passer sous silence sur sa page «Conseils aux voyageurs». Des «mouvements sociaux» sont indiqués mais aucune information sur leur nature n'y figure.
Les autres instances occidentales détaillent un peu plus le cheminement de cette révolte sociale qui a provoqué la chute de Ben Ali. Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) suisse signale «des affrontements violents (...) causant des blessés et des morts» et ajoute: «Il faut compter avec d'autres incidents de ce genre. Une dégradation de la situation sécuritaire est possible.»
Idem pour le Canada, qui relève que «des manifestations liées aux problèmes socio-économiques et des épisodes d'agitation populaire ont fait plusieurs morts et blessés ainsi que des dégâts matériels importants.»
La Belgique prévient: «Tous nos compatriotes en Tunisie doivent être bien conscients que des incidents isolés impliquant des armes à feu, des échanges de tirs et des pillages sont encore possibles.»
Les Etats-Unis de leur côté publient un communiqué spécial mentionnant, à l'instar de la France, des «troubles sociaux», mais donnent des détails sur la façon dont ceux-ci se sont déroulés, et précise que l'état d'urgence ainsi qu'un couvre-feu national ont été décrétés.
Les conseils les plus à jour viennent sans doute du Royaume-Uni, qui souligne un retour au calme dans la nuit du 18 au 19 janvier mais invite tout de même les voyageurs à la vigilance.
La Tunisie «épinglée» par les agences de notation financière
L'agence de notation Moody's vient d'abaisser la côte de qualité d'investissement de la Tunisie de Baa2 à Baa3, note l'agence Bloomberg. Dans leur échelle de notation, c'est la note la plus basse.
Tristan Cooper, chef régional de la dette souveraine chez Moody's, souligne:
«La crise en Tunisie a mis en lumière les risques qui découlent d'un mélange de chômage élevé et de hausse des prix dûs à une politique restrictive.»
Selon le Fonds monétaire international, le taux de chômage en Tunisie est de 13, 2% [PDF]. Par ailleurs, la situation dans les autres pays de la région est très surveillée. Comme ajoute Tristan Cooper:
«Nous suivons de près les risques politiques et fiscaux dans les pays de la région qui présentent de telles caractéristiques car elles peuvent être touchés par la contagion.»
En Egypte, le taux de chômage officiel est de 9%, mais le chiffre non-officiel approcherait les 40%.
Les autres agences de notation Standard & Poor's et Fitch Ratings auraient également annoncé que leur cote de surveillance de la Tunisie pourrait passer dans les fourchettes négatives.
En ce moment à Charm el-Cheick, en Egypte, se tient le deuxième sommet économique arabe, et la question du retour à la stabilité de la Tunisie est au coeur des débats. Ce sommet devrait également confirmer l'engagement pris en 2009 lors du précédent sommet de créer un fonds pour financer les petites et moyennes entreprises.
Mardi 18 janvier
Ghannouchi et Mebazaa quittent le RCD
Mohamed Ghannouchi, le premier ministre tunisien, et Foued Mebazaa, président du Parlement nommé président par intérim, se sont tous deux retirés du Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD), le parti de l'ex-président Ben Ali.
Selon BBC News, cette décision répond aux manifestations qui ont eu lieu aujourd'hui contre le nouveau gouvernement. Les Tunisiens descendaient dans la rue pour réclamer la démission des membres du RCD reconduits, comme Kamel Morjane du ministère des Affaires étrangères ou Ahmed Friaâ au ministère de l'Intérieur.
De nouvelles immolations en Egypte et en Mauritanie
Le geste désespéré de Mohamed Bouazizi le 17 décembre dernier n'en finit pas d'inspirer des actes similaires dans le monde arabe.
Lundi, Yacoub Dahoud s'est immolé devant le palais présidentiel de Nouakchott, la capitale mauritanienne, rapporte CNN. Sur Facebook, il avait créé un groupe «Stop à l'injustice en Mauritanie» pour protester contre le régime du président Mohamed Ould Abdel Aziz —arrivé au pouvoir par un coup d'Etat en 2008.
Mardi, deux immolations par le feu ont eu lieu en Egypte. Hamed Sayed Hashem, un chômeur de 25 ans, a succombé à ses blessures à Alexandrie. Mohamed Farouk Mohamed lui, est sorti sain et sauf après sa tentative d'immolation devant le Parlement du Caire. Cet avocat d'une quarantaine d'années aurait décidé de se suicider après que son ex-femme lui ait refusé de voir sa fille.
Blake Hounshell, auteur du blog Passport hébergé par le site Foreign Policy, écrivait lundi que ces tentatives étaient «désespérées, choquantes mais tactiques car elles attirent instantanément l'attention, le dégoût, mais aussi la sympathie.»
Syndicats et manifestants continuent le combat - Démission de quatre ministres (Màj)
«Nous voulons un gouvernement qui réponde à nos aspirations et nous allons continuer, avec le peuple et les travailleurs, à le réclamer» déclarait Abelsalam Jerad, chef de l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) expliquant que la centrale syndicale avait officiellement décidé mardi de ne pas reconnaître le gouvernement de transition.
Trois des membres de l'UGTT nommés la veille au gouvernement ont démissionné pour soutenir cette position: Houssine Dimassi était ministre du Travail, Abdeljelil Bédoui ministre sans portefeuille, et Anouar Ben Gueddour ministre du Transport.
En plus de cette contestation syndicale, des manifestations ont eu lieu dans la capitale Tunis ainsi que dans d'autres villes comme Sfax, El Kef et Kairouan. A Sousse, à 130 km au sud de Tunis, des manifestant ont pris d'assaut le siège du RCD.
Malgré les déclarations du premier ministre Mohammed Ghannouchi assurant que «tous avaient les mains propres», des milliers de personnes continuent de réclamer le départ des anciens ministres reconduits à des postes clés comme le Ministères de l'Intérieur, des Affaires étrangères, de la Défense et des Finances. Une «mascarade» selon les propos de l'opposant Moncef Marzouki sur I-télé. «Nous refusons ce gouvernement criminel qui veut voler la révolte de notre peuple. Nous voulons un gouvernement qui représente vraiment le peuple. Nous dénonçons les partis de l'opposition fantoche qui sont maintenant au gouvernement», a expliqué un manifestant à Europe 1.
Le leader de l'opposition du Forum démocratique pour les libertés et le travail (FDLT) Mustapha Ben Jaafar aurait également démissionné, rapporte Challenges qui cite un avocat membre du Forum. Il avait été nommé ministre de la Santé.
Lundi 17 janvier
Une victime parmi soixante dix-huit autres
Lucas Mebrouk Dolega, photographe franco-allemand travaillant pour l'Agence européenne de photographie de presse (EPA) est décédé des suites de ses blessures cet après-midi.
Selon le site suisse Romandie News, «il couvrait les manifestations à Tunis devant le ministère de l'Intérieur, quand il a été atteint vendredi en début d'après-midi par un tir de grenade lacrymogène tirée "à bout portant" par un policier tunisien, selon un de ses confrères, Julien Muguet.»
Le gouvernement français a demandé que «toute la lumière soit faite sur les circonstances de sa mort» et a condamné «toute forme de violence».
Peu après avoir dévoilé la composition du gouvernement de transition, le premier ministre Mohammed Ghannouchi a annoncé le dernier bilan depuis le début des affrontements: ils auraient fait soixante dix-huit victimes à ce jour.
RFI se paie le silence du «pays des droits de l'homme»
Tous les matins, le 7h13 de RFI propose un collage sonore humoristique de trois minutes en rapport avec l’actu ; jeudi dernier, avec «Notre ami Ben Ali», l’équipe a raillé le silence du gouvernement français à propos des émeutes en Tunisie. Une «volée de bois vert» que France Inter a même repérée sur le site d'opposition tunisien Nawaat il y a quelques jours.
Ghannouchi a révélé la composition du gouvernement de transition
Certaines informations concernant la composition du nouveau gouvernement de transition vient d'être confirmées par le premier ministre Mohammed Ghannouchi, qui reste à la tête de la formation jusqu'aux élections présidentielles, annonce El Watan. Les trois chefs de l'opposition sont bien aux postes révélés il y a quelques heures par Jeune Afrique: Néjib Chebbi (PDP) est ministre du Développement régional; Ahmed Brahim (parti Ettajdid) ministre de l'Enseignement supérieur et scientifique; Mustapha Ben Jaafar (Forum Démocratique pour le travail et les libertés) ministre de la Santé.
Six membres de l'ancien gouvernement ont été reconduits malgré les protestations de ce matin, dont Ahmed Friaâ et Kamel Morjane, respectivement au ministère de l'Intérieur et à celui des Affaires étrangères.
Selon le site Numerama, le blogueur Slim Amamou, arrêté par la police tunisienne le jeudi 6 janvier et libéré le 13, aurait hérité du Secrétariat à la Jeunesse et aux Sports.
Le ministère de l'Information, qui gérait la censure sur le Net, aurait été supprimé. La libération de tous les prisonniers d'opinion a également été annoncée.
La Libye touchée par des protestations sociales
Le monde arabe continue de ressentir l'effet domino de la «révolution de jasmin» tunisienne qui a fait tomber le régime de Ben Ali.
En Libye des manifestants sont descendus dans les rues ce week-end pour protester contre la corruption et l'incompétence du gouvernement dans la distribution des logements sociaux, rapporte le magazine égyptien Ahram Online.
A Bani Walid, une ville situé à 180 km de la capitale Tripoli, des centaines de personnes ont investi des appartements vides, et des rassemblement auraient eu lieu dans les villes de Bidaa, Darna et Sabhaa à l'est du pays.
Il est assez rare d'avoir accès à de telles informations dans ce pays, car les médias sont verrouillés par le régime de Mouammar Khadafi. Comme en Tunisie, ce sont Twitter et YouTube qui ont joué un rôle majeur dans la médiatisation de ces revendications. Quelques vidéos circulent sur Internet pour en témoigner.
Ce matin, RFI présumait que la Libye serait la prochaine terre d'accueil de Ben Ali et sa famille. Le général Khadafi est en effet le seul à avoir exprimé son soutien envers de l'ancien président tunisien.
Pour un gouvernement en rupture avec l'ancien régime
Après avoir provoqué la chute et l'exil du président Ben Ali en Arabie Saoudite, la révolution» continue lundi, rapporte le journal algérien El Watan.
Alors que l'annonce d'un nouveau gouvernement de transition est attendue dans la journée, ce matin à Tunis des centaines de manifestants ont demandé la dissolution du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti du président déchu; ils ne veulent pas qu'un membre de l'ancien régime figure dans le nouveau gouvernement. Les forces armées auraient fait usage de gaz lacrymogène et tiré en l'air pour disperser la foule.
Ce sont les déclarations de Mohamed Ghannouchi, le premier ministre qui assure l'intérim depuis le 14 janvier, qui ont provoqué cette colère. Il a annoncé qu'il formerait le 17 janvier un gouvernement d'union nationale dans lequel le ministre de l'Intérieur, Ahmed Friaâ (nommé le 12 janvier par Ben Ali) et celui des Affaires étrangères, Kamel Morjane, devraient garder leur place, suppose RFI. Ils sont tous les deux membres du RCD, ce que la population n'accepte pas.
La composition du gouvernement n'a pas été rendue publique, mais le site de Jeune Afrique fait état de «fuites». Les partis d'opposition devraient faire partie de la nouvelle formation et notamment «Néjib Chebbi, pour le Développement régional, Mustapha Ben Jaafar pour la Santé, Ahmed Ibrahim, à l’Enseignement supérieur, Lazhar Karoui Chebbi à la Justice et Yadh Ben Achour aux Réformes.»
Les élections devaient être organisées dans les deux mois, comme le stipule la Constitution, mais elles auraient été repoussées à dans six mois. Selon The Guardian, cette initiative viendrait du parti d'opposition PDP (Parti démocratique progressiste) qui fait valoir que «les Tunisiens ont besoin de temps pour se familiariser avec les partis après des décennies de règne du parti unique. C'est la crédibilité de ces élections qui est en jeu.»
Pour l'instant, le seul candidat déclaré est Moncef Marzouki du Congrès pour la République (CPR), la gauche laïque. Il est rentré de France, où il s'était réfugié pendant 20 ans.
Immolations en série
Presqu'un mois après l'immolation de Mohamed Bouazizi à Sidi Bouzid, déclencheur de la «révolte de jasmin» en Tunisie, l’Algérie, dont le pouvoir redoute un effet domino, connaît une vague de suicides par le feu.
El Watan rapporte plusieurs tentatives dans différents endroits du pays, en l’espace de 48h. Un homme de quarante ans, agent de sécurité, s’est immolé «pour protester contre son exclusion de la liste des bénéficiaires de logements sociaux de sa localité»; un jeune de 26 ans parce qu’il «(n’arrivait) plus à faire face à ses problèmes sociaux»; ainsi qu’un homme de 27 ans.
Par ces actes d’une extrême violence, les auteurs de ces tentatives de suicide dénoncent les conditions de vie et la hogra (le «mépris») dans lequel les tiennent selon eux les dirigeants politiques algériens.
Le pays a connu de violents affrontements les 5 et 6 janvier derniers, de nombreux jeunes sont descendus dans la rue pour protester contre la hausse des prix.
Sud Ouest rapporte également l'immolation d'un homme ce matin devant l'Assemblée du Peuple, au Caire. Il aurait ainsi cherché à protester contre le fait «qu'il n'avait pas reçu de coupons pour acheter du pain pour son restaurant».
L'or des Ben Ali
[Le Monde] Selon les services secrets français, la famille Ben Ali se serait enfuie vendredi 14 janvier avec 1,5 tonnes d'or (soit 45 millions d'euros). C'est Leïla, la femme de l'ex-président, qui aurait pris cette initiative, d’abord contre l’avis de son époux, qui lui aurait ensuite donné son aval. Une information pourtant démentie par la Banque centrale de Tunisie: «Je n'ai reçu aucun ordre verbal ni écrit de sortir de l'or monétaire. Notre stock d'or n'a pas bougé.»
Le Monde cite néanmoins un conseiller de l’Elysée selon qui «l'information vient essentiellement de source tunisienne, en particulier de la Banque centrale. Cela a l'air relativement confirmé.»
[UPDATE] Le Monde a mis son article à jour, rapportant les propos d'«un membre haut placé des services secrets français», qui précise que ce retrait n'aurait pas été effectué vendredi dernier mais fin décembre, et «l'or se trouverait aujourd'hui en Suisse».
Dimanche 16 janvier
Un nouveau gouvernement lundi
[AFP] Alors que la composition du nouveau gouvernement doit être annoncée lundi, d eux proches de Ben Ali, son neveu Kaïs Ben Ali et le général Ali Sériati, ont été arrêtés pour leur participation aux violences des derniers jours, alors qu'un autre neveu de l'ancien président, Imed Trabelsi, est mort vendredi poignardé, possiblement lors d'un réglement de comptes. Des combats ont opposé dans la journée dans le centre de Tunis les forces loyales aux autorités de transition et des miliciens armés restés fidèles à Ben Ali.
Ca bouge en Libye et au Yémen
La situation est troublée dans plusieurs pays arabes depuis la chute de Ben Ali. En Libye, où Kadhafi à fait part de sa «douleur» après l'éviction de Ben Ali, des affrontements auraient eu lieu dans plusieurs villes. Au Yémen, un millier d'étudiants ont défilé dimanche à Sanaa, appelant les populations du monde arabe à se soulever contre leurs dirigeants.
Un photographe français entre la vie et la mort
Le consulat français à Tunis a annoncé à l'AFP dans la soirée que le photographe franco-allemand de l'agence EPA blessé vendredi par un tir de grenade lacrymogène, Lucas Mebrouk Dolega, était dans un état critique, et non pas décédé comme cela avait été annoncé dimanche matin. Selon l'organisation Reporters sans frontières, il a été «délibérément visé par la police».
La «réserve» d'Alliot-Marie
Dans un entretien au Journal du dimanche, la ministre des Affaires étrangères Michèle Alliot-Marie justifie l'attitude française par le sentiment d'une «certaine réserve» due à un «ancien protectorat». Elle revient également sur la polémique sur sa proposition d'aide au régime tunisien en réaffirmant que les forces de police française ont «un savoir-faire reconnu pour gérer des mouvements de foule sans usage disproportionné de la force». Dans Le Parisien, l'amiral Jacques Lanxade, ancien ambassadeur de France en Tunisie, estime lui que «c'est l'armée qui a lâché Ben Ali».
Samedi 15 janvier
Après la Tunisie, l'Algérie?
Selon le quotidien algérien El Watan, deux jeunes hommes se sont immolés par le feu vendredi et samedi dans le nord-est de l'Algérie, à Jijel et Tebessa. Le premier souffrirait de brûlures au troisième degré mais sa vie ne serait pas en danger. En ce qui concerne le second cas, l'article parle d'un «climat de tension» dans la région. Un troisième citoyen algérien, toujours selon la même source, s'est immolé par le feu mercredi dans le nord du pays après avoir été exclu d'une liste pour l'attribution d'un logement social, mais ses jours ne seraient pas en danger. C'est l'immolation par le feu, le 17 décembre, de Mohamed Bouazizi, un vendeur ambulant de Sidi Bouzid, décédé le 4 janvier, qui a lancé les quatre semaines de révolte en Tunisie. Cliquez ici pour en savoir plus sur un possible scénario «à la tunisienne» en Algérie.
Un nouveau président, et bientôt un nouveau gouvernement
16 h [AFP] La situation restait animée en milieu de journée, moins de 24 heures après le départ de Ben Ali du pays. A Tunis, des manifestations ont eu lieu pour réclamer la démission de Mohammed Ghannouchi, mais se sont dispersées sans incident après l'annonce de la décision du Conseil constitutionnel confiant la présidence par intérim à Foued Mebazaa. Ce dernier a prêté serment et a chargé le Premier ministre de former un gouvernement d'unité nationale. Au moins 42 prisonniers sont morts dans l'incendie d'une prison de Monastir, provoqué par un prisonnier qui a mis le feu à un matelas en tentant de s'évader, et des tentatives d'attaques de prison ont été signalées dans d'autres villes du pays.
Pendant ce temps-là, en France...
Des manifestations de joie et de soutien des Tunisiens de France ont eu lieu dans plusieurs villes, avec par exemple 5.000 à 10.000 personnes réunies à Paris, selon les estimations de l'agence Reuters et des autorités. Par ailleurs, Nicolas Sarkozy a annoncé que la France prenait des dispositions pour empêcher les mouvements suspects d'avoirs tunisiens (ceux de la famille Ben Ali notamment) en France, et a affirmé, à l'issue d'une réunion à l'Elysée, que la France apportait «un soutien déterminé» au peuple tunisien. Le porte-parole du gouvernement, François Baroin, a lui affirmé qu'aucune demande d'arrivée de Ben Ali sur le sol français n'avait été faite et qu'elle n'aurait de toute façon «pas été acceptée», et a précisé que les proches de l'ex-président présents en France n'avaient «pas vocation à rester».
La France a-t-elle tout faux?
La France s'est-elle trompée en ne lâchant pas Ben Ali, puis en appuyant la prise de pouvoir de Mohammed Ghannouchi, à qui le Conseil constitutionnel vient de retirer la présidence par intérim? C'est la thèse que défend le site Maghreb Emergent, selon qui «la France officielle montre qu'elle est plus proche d'un sérail déboussolé que des réalités politiques tunisiennes». L'article explique que les diplomates français «ont été, comme Ben Ali, dépassés par un mouvement populaire dont l'évolution actuelle s'apparente à une déclinaison des révolutions "orange" ou "verte" promues par les Etats-Unis» et que «certains analystes estiment que l'Elysée et le Quai d'Orsay ont été court-circuités dans la gestion de la crise par les Américains, dont l'influence au sommet de l'armée tunisienne est très perceptible». Le Monde, lui, décrit comment, de Mitterrand à Sarkozy en passant par Chirac, la France s'est révélée «très protectrice» pour le régime de Ben Ali, et rappelle des propos tenus il y a deux ans et demi par le chef de l'Etat: «Certains sont bien sévères avec la Tunisie, qui développe sur bien des points l'ouverture et la tolérance. [...] L'espace des libertés progresse».
Une révolution numérique?
Avec l'exil de Ben Ali, une question commence à être débattue: quel rôle a joué internet dans le renversement du dirigeant tunisien? Entre ceux qui vantent avec force la façon dont Twitter, Facebook ou YouTube ont été utilisés par les protestataires et ceux qui nuancent fortement ce constat, le débat est ouvert...
Ben Ali définitivement évincé, Mebazaa président par intérim
12 h [AFP] Le Conseil constitutionnel a déclaré une vacance du pouvoir, fermant la voie à un retour au pouvoir de Ben Ali. Il a donc proclamé en conséquence président par intérim le président du Parlement tunisien, Foued Mebazaa. On passe ainsi de l'application de l'article 56 de la Constitution (selon lequel en cas d’«empêchement provisoire, le Président de la République peut déléguer par décret ses attributions au Premier ministre») à celle de l’article 57 («en cas de vacance de la Présidence de la République pour cause de décès, de démission ou d'empêchement absolu», et une fois celle-ci constatée par le Conseil constitutionnel, le président de la Chambre des députés est «immédiatement investi des fonctions de la Présidence de l'Etat par intérim, pour une période variant entre quarante-cinq jours au moins et soixante jours au plus»). A noter: toujours selon la Constitution, le président par intérim ne peut pas être candidat aux présidentielles anticipées.
11 h [REUTERS] Mohamed Ghannouchi doit rencontrer dans la journée les dirigeants de plusieurs partis d'opposition, comme le Forum démocratique pour le travail et la liberté, le Parti démocratique progressiste et l'Ettajdid, pour tenter de former un gouvernement d'union nationale. Des centaines de soldats sont déployés dans les rues de la capitale après les évènements de la nuit.
01h40 [REUTERS] Des gangs violents profiteraient de la relative vacance du pouvoir tunisien pour piller et provoquer le chaos, affirme des sources à l'agence de presse. Quelques coups de feu et des hélicoptères ont été entendus dans le centre de Tunis, tandis que l'armée aurait été déployée dans au moins une ville proche de la capitale.
Où est donc Ben Ali? [Episode 6]
00h40, mis à jour à 01h40 - [AFP] L'avion de Ben Ali a atterri à Djeddah, en Arabie Saoudite. «Le président tunisien en fuite est descendu au salon d'honneur de l'aéroport», a dit à l'AFP une source aéroportuaire. Il n'est pas précisé qui sont les personnes qui l'accompagnent. Un communiqué du palais royal cité par l'agence officielle saoudienne SPA a confirmé l'information, ajoutant que le président tunisien était accompagné de sa famille.
00h20 - Indésirable en France, au Qatar, l'avion de Ben Ali aurait été contraint à une escale technique en Sardaigne. Il aurait pris la direction, selon Al Jazeera, des Emirats Arabes Unis ou de l'Arabie Saoudite.
Vendredi 14 janvier
22h- [Al Jazeera] - Selon Rashed Ghanouchi, leader du parti islamiste Ennahda (interdit), la nomination de son homonyme Mohammed Ghannouchi en tant que président par intérim n'est «qu'une manoeuvre dilatoire». Pour ce leader politique qui vit en exil à Londres, «cette nomination est la troisième tentative du clan Ben Ali pour tromper le peuple tunisien». Et d'ajouter: «Personne ne peut exclure que Ben Ali revienne dans quelques jours et il sera toujours président. Il faut que cette statue tombe et avec lui toute sa clientèle».
Où est donc Ben Ali? [Episode 5]
21h40 - Selon Le Monde, la France ne souhaite pas la venue de Ben Ali. La plus grande confusion règne quant à savoir où est son avion. Selon Al-Jazeera, le point de chute de l'ex-président tunisien pourrait bien être un pays du Golfe.
Où est donc Ben Ali? [Episode 4]
Ben Ali n'ira pas à Malte, selon les dernières informations. L'avion de l'ex-président tunisien a bien survolé le territoire maltais mais il se dirigerait vers le nord, assure l'AFP. «Ben Ali ne vient pas à Malte et le gouvernement n'a aucune indication qu'il viendra à Malte», a déclaré le chef de la diplomatie maltais, Tonio Borg.
Le nord, donc Paris? Une réunion s'est tenue ce soir à l'Elysée entre Nicolas Sarkozy et François Fillon. La France a d'ailleurs pris «acte de la transition constitutionnelle».
Le ministère des Affaires étrangères français assure que la France «n'a reçu aucune demande d'accueil» de Ben Ali et examinerait toute éventuelle requête «en accord avec les autorités constitutionnelles tunisiennes».
Où est donc l’ex-président Ben Ali? [Episode 3]
Dans des termes très prudents, un porte-parole de l’Elysée a déclaré à Reuters n’avoir «pas d’information» sur une arrivée de Ben Ali à Paris. Deux responsables au Quai d’Orsay ont également dit ne pas savoir si Ben Ali était arrivé en France, et assuré qu’ils se renseignaient.
Un coup d’Etat et un tour de passe-passe constitutionnel?
Il y a deux lectures de la constitution tunisienne. Selon son article 56, en cas d’«empêchement provisoire, le Président de la République peut déléguer par décret ses attributions au Premier ministre». C’est ce qu’a invoqué dans sa déclaration le Premier ministre Mohammed Ghanouchi, en annonçant que le président Ben Ali était dans l'incapacité «temporaire» d'assumer ses responsabilités. En revanche, d’après l’article 57, «en cas de vacance de la Présidence de la République pour cause de décès, de démission ou d'empêchement absolu», et une fois celle-ci constatée par le Conseil constitutionnel, le président de la Chambre des députés — actuellement Fouad Mebazaâ, pas très apprécié par la population tunisienne — est «immédiatement investi des fonctions de la Présidence de l'Etat par intérim, pour une période variant entre quarante-cinq jours au moins et soixante jours au plus».
Selon un avocat tunisien contacté par un contributeur de Slate.fr, «il s'agit d'un tour de passe-passe constitutionnel pour éviter que cela soit le Président de l'Assemblée qui remplace Ben Ali». Plusieurs internautes, sceptiques, craignent que le 14 janvier 2011 soit un nouveau 7 novembre 1987, quand Ben Ali, Premier ministre, avait succédé au président Habib Bourguiba.
En attendant, Ben Ali est toujours président.
19h20 — La Maison Blanche a déclaré surveiller la situation en Tunisie et demandé aux autorités de respecter les droits de l'homme:
«Nous condamnons la violence contre les civils en Tunisie, et nous appelons les autorités tunisiennes à remplir les engagements pris par le président Ben Ali dans son discours [...], notamment le respect des droits humains de base et un processus nécessaire de réforme politique»
19h10 – Lors de son allocution télévisée, Mohamed Ghannouchi a expliqué en des termes vagues la passation de pouvoir :
«Puisque le président n’est temporairement pas capable d’exercer ses devoirs, il a été décidé que le Premier ministre exercera temporairement les devoirs (présidentiels)»
Où est donc l’ex-président Ben Ali? [Episode 2]
Le chef de l’Etat tunisien a donc quitté son pays dans la journée de vendredi. Selon BFM qui ne cite pas ses sources, il serait arrivé à Paris; selon Al Arabya, il serait à Malte.
Ben Ali a quitté la Tunisie
18h40 — Le président Ben Ali a quitté la Tunisie, affirment al-Jazeera (via BBC) et l'AFP (qui cite deux sources proches du gouvernement). Dans une allocution télévisée sur TV7, le Premier ministre Ghannouchi a annoncé assumer la fonction de président de façon temporaire. Il a appelé au calme et a promis de respecter la Constitution.
(Mohamed Ghannouchi, en octobre 2010 à Tunis/REUTERS)
Bouazizi, ce héros
Le nom de Bouazizi revient dans le statut de plusieurs Facebookers et statuts Twitter. Certaines chaînes satellitaires ayant annoncé la fuite du président Ben Ali, un hommage est rendu au «héros» par qui tout a commencé le 17 décembre 2010. On parle du sacrifice de Mohamed Bouazizi qui a libéré l’ensemble du peuple tunisien.
Où est le président Ben Ali? [Episode 1]
Les Tunisiens traquent la moindre rumeur, le moindre bout d’info pour chercher du sens. Sur Twitter et Facebook, on se demande si c’est bien l’avion du chef de l’Etat qui a décollé de l’aéroport.
Coup d'Etat à Tunis?
- 18h16 - Le déploiement de l'armée et la proclamation de l'Etat d'urgence font dire à plusieurs de nos interlocuteurs à Tunis qu'un coup d'Etat serait en cours à Tunis. Ben Ali aurait été destitué par le chef d'Etat major Rachid Ammar.
Les internautes pensent que le compte à rebours a commencé, et flairent déjà «le parfum de la liberté». Sur Facebook, on ne parle que de l’arrestation des Trabelsi (la famille de l'épouse de Ben Ali) par l’armée, de coup d’État de l’armée et de destitution de Ben Ali. On attend l’annonce «importante» annoncée par la chaîne nationale TV7 qui, pour l’instant, continue de diffuser des documentaires.
18h14 - La cellule de crise du Quai d'Orsay conseille vivement aux Français de différer les voyages qui ne sont pas importants (tous les séjours de type touristiques par exemple) et de s'arranger avec son opérateur pour repousser son départ. Il est aussi vivement conseillé de suivre l'évolution de la situation mais il n'y a pas encore de consigne de rapatriement pour les ressortissants français sur place et pas d'inquiétudes à avoir, assure la diplomatie française.
Des informations confirmées dans les conseils aux voyageurs avant le plan de communication du ministère qui doit sortir dans les minutes qui viennent.
18h00 - [Al Jazeera, Kalima] - Al Jazeera évoque une «intifada» tunisienne et se demande jusqu'où la révolte des Tunisiens va aller. Le journaliste Lotfi Zitouni relève que c'est la première fois depuis l'arrivée au pouvoir de Ben Ali le 7 novembre 1987 que l'opposition tunisienne arrive à s'entendre autour d'un communiqué commun pour soutenir les revendications de la population.
Sihem Bensedrine, opposante au régime de Ben Ali, plusieurs fois arrêtée et emprisonnée, est rentrée ce vendredi 14 janivier 2011 en Tunisie, annonce le site algérien Kalima.
17h57 - [RMC Info] Et le hand? Hasard du calendrier: alors que leur pays est en pleine révolte, les handballeurs tunisiens font leur entrée dans le championnat du monde de la spécialité en Suède, face à la France, à 18 heures. RMC Sport les a interrogés sur les événements au pays et rapporte leurs propos prudents:
«C’est vrai qu’on y pense, mais il ne faut pas mélanger sport et politique», «On est là pour jouer une compétition officielle et il faut se concentrer sur le jeu. Mais [...] on pense vraiment à ce qui s’est passé, à notre peuple et à notre Tunisie»...
D’après le site de la radio, «en “off”, certains joueurs reconnaissent qu’ils ont reçu des consignes pour ne pas s’exprimer sur ce qui se passe au pays».
Une minute de silence en hommage aux victimes des troubles en Tunisie a été observée avant le match, rapporte l'AFP (via Lefigaro.fr).
17h55 - Le blog Nawatt a créé une galerie de photos prises aujourd'hui vendredi devant le ministère de l'Intérieur.
17h50 - Business as usual sur les médias officiels, violence sur les autres médias arabes: la télévision tunisienne par satellite TV7 diffuse son feuilleton après une émission religieuse. Sur son site, le quotidien Al Chourouk, continue d'affirmer que les Tunisiens ont répondu par la joie au discours du président Ben Ali. En revanche, le site de la chaîne al-Arabiya diffuse les images de policiers ouvrant le feu sur des manifestants et des tirs de gaz lacrymogènes horizontaux et l'envoyé spécial d'Al Jazeera en langue arabe évoque une intervention violente de la police contre les manifestants qui étaient rassemblés de manière pacifique devant le ministère de l'intérieur, avenue Bourguiba.
17h42 - [Al Khabar, quotidien algérien arabophone] Des personnes arrêtées torturées? L’avocate et militante des droits de l'homme Radhia Nasraoui affirme que de nombreux prisonniers arrêtés au cours des derniers jours n'ont pas encore été relâchés malgré les promesses de Ben Ali. Elle affirme aussi détenir les preuves que des personnes arrêtées ont été torturées.
Un des blogueurs appréhendés par la police jeudi 6 janvier a posté un statut sur Twitter, pour la première fois depuis une semaine. Slim Amamou, blogueur sur Nawaat.org a annoncé: «je suis libre». Après sa disparition du réseau social, Nawaat avait indiqué que son téléphone portable le géolocalisait «dans les locaux du ministère de l’intérieur sur l’avenue Habib Bourguiba».
17h26 - [Al Jazeera] - L'aéroport serait contrôlé par l'armée et l'espace aérien tunisien est fermé.
Etat d'urgence, rassemblements de plus de 3 personnes interdits
17h22 – Télévision tunisienne, via REUTERS // Mise à jour à 17H55 // L’état d’urgence a été déclaré dans le pays pour une période indéterminée: un couvre-feu est établi de 17h à 7h, les rassemblements de plus de trois personnes sont interdits, et les forces de l'ordre ont l’autorisation de tirer à balles réelles «si un suspect ne s’arrête pas quand on le lui ordonne» .
17h20 - Taoufik Ben Brik, écrivain et journaliste, que vous avez pu lire sur Slate, nous a confirmé à 17h20 par téléphone que sa sœur a bien été arrêtée ce vendredi alors qu'elle se cachait dans un appartement à Tunis. Elle avait participé aux manifestations de ce vendredi après-midi, et notamment à une marche sur le ministère de l'Intérieur:
«Elle m'a appelé pour me prévenir mais je n'ai pas pu savoir où ils l'ont emmené».
Le dissident tunisien n'a pas pu préciser par qui elle avait été enlevée:
«Il arrête tout ceux qu'ils trouvent, et tirent à balles réelles dans la rue».
16h30 – [The Daily Mail] ) - Les agences de tourisme anglaises Thomas Cook et First Choice «conseillent fortement» à leurs 3.300 clients britanniques qui ont pris des vacances en Tunisie de quitter le pays au plus vite en prenant les premiers vols de retour disponibles. First Choice fait de même et assure «surveiller l'évolution de la situation». Thomas Cook a par ailleurs annulé les prochains départs prévus en Tunisie qui devaient avoir lieu dimanche 16 janvier.
16h — [Al Jazeera, El Watan] UPDATE à 17h10 - Le président Ben Ali viendrait de dissoudre le gouvernement et d'appeler à des élections législatives anticipées dans les 6 mois. La nouvelle a été annoncée aux médias d’Etat par le Premier ministre, chargé par le président de former un nouveau gouvernement, ajoute El Watan.
14h30 — [BFM] Mezri Haddad, l'ambassadeur de la Tunisie auprès de l'UNESCO annonce en direct sa démission. Il était l'invité ce vendredi matin de la matinale de France Inter.
Un blogueur tunisien a reproduit dans son intégralité sa lettre de démission à Ben Ali, dans laquelle celui-ci revient sur son soutien au président et aux conseils qu'il lui avait, en vain, donnés.
12h — Un live-stream qui fonctionne pour le moment, sur Justin TV.
11h — 5.000 Tunisiens devant le ministère de l'Intérieur
Le discours de Ben Ali n'a pas convaincu, et depuis ce matin, sur Twitter et Facebook de nouvelles manifestations s'organisent, notamment devant le ministère de l'Intérieur à Tunis. Ils seraient actuellement plus de 5.000 à scander des slogans contre Ben Ali et exiger son départ. De nombreux Tunisiens comme jasminrevolt ou iPolo711 filment en direct du rassemblement, et d'autres publient des photos sur Twitter. Pour y suivre les manifestations, le hashtag #SidiBouzid est le plus populaire.
Jeudi 13 janvier 2010
Les promesses de Ben Ali
Le chef de l'Etat tunisien est intervenu jeudi soir à la télévision, pour la 3e fois depuis le début des troubles. Il a promis qu'il ne briguerait pas un nouveau mandat en 2014, ordonné aux forces de l'ordre de ne plus faire usage d'armes à feu contre les manifestants, une baisse des prix du pain, du lait et du sucre et annoncé la liberté de la presse et la fin du blocage d'internet. Ce que Nawat, un des sites les plus actifs en Tunisie, a confirmé en fin de soirée, via Twitter:
Morjane n'a pas démissionné
Il y a quelques heures, un blog portant le nom du ministre tunisien des Affaires étrangère, Kamel Morjane, publiait une lettre de démission en son nom, en français, anglais et arabe. Immédiatement démentie par le fils de l'intéréssé sur Twitter puis par le ministre interrogé par plusieurs médias, la lettre dénonce un «gouvernement despote et manipulateur», une «répression aveugle» et présente un Morjane indigné par cette «mauvaise gestion de crise», «prêt à être jugé devant un tribunal libéré du joug de la dictature (…) de ce qu'(ils ont) fait à la Tunisie».
La fausse lettre de démission évoque également des casseurs et des pilleurs payés par le gouvernement pour «décridibiliser (sic) les manifestants» ainsi que la responsabilité du «Clan» Ben Ali, dont Morjane, qui a épousé la fille d'un des cousins du président, fait partie.
Morjane, ancien ministre de la Défense, a été nommé aux affaires Etrangères il y a un an. Selon un des câbles du Département d'Etat américain diffusés par WikiLeaks, il est sensible à un rapprochement diplomatique avec les Etats-Unis.
Hammamet envahie par des pilleurs
Des journalistes de l'AFP à Hammamet rapportent que la station balnéaire, située à 60 km de Tunis, est aux mains des pilleurs depuis la fin de l'après-midi, et ces derniers ont déjà détruit ou vandalisé plusieurs bâtiments:
«Les pillages ont commencé après une marche pacifique dans cette ville très touristique, qui compte des dizaines d'hôtels, et après les funérailles d'un réceptionniste de l'un de ces établissements, Zouheir Souissi, qui a été tué mercredi par les tirs de la police.»
En Tunisie et en Algérie, la jeunesse oubliée se révolte
Les troubles que connaît l'Algérie depuis le 5 janvier semblent rappeler la crise sociale en Tunisie. Pour le site Tout Sur l'Algérie:
«Les deux mouvements ont démarré sur une colère exprimée par une frange de la jeunesse oubliée du développement économique, victime du chômage, du manque de perspectives d'avenir.»
Mais «la comparaison s'arrête là». En Algérie, les émeutes seraient la conséquence du développement de l'économie parallèle, affirment des experts cités par l'AFP. Ce phénomène, qui prive le gouvernement de revenus fiscaux, semble être à l'origine de la flambée des prix des denrées alimentaires qui ont poussé les manifestants dans la rue. Mais ce genre d'affrontements entre jeunes de quartiers populaires et forces armées ne sont pas nouveaux, bien que les heurts les plus récents ont été d'une violence rare. Pour Abderezak Mera, journaliste à El Watan, cette récurrence n'est pas normale:
«Face aux même phénomènes de contestation qui deviennent cycliques pour plus de démocratie, une meilleure gouvernance et plus d’équité dans la répartition des richesses, les gouvernants opposent le surenchérissement démagogique et les… représailles.»
En Tunisie, cependant, la situation est sans précédent. La répression du régime de Ben Ali a été très violente et les déclarations du chef d'Etat ont été vaines à calmer les manifestants, tandis qu'en Algérie le président Bouteflika ne s'est même pas exprimé.
Pourquoi la France se tait?
Cité par l'AFP, le premier ministre français François Fillon s'est dit «extrêmement préoccupé de la situation» et le porte-parole du gouvernement François Baroin a déclaré que la France n'avait pas à «s'ingérer dans les affaires de Tunis.»
Malgré ces réactions, les médias internationaux s'interrogent sur le silence, et surtout sur l'absence de prise de position de la France à propos de cette crise tunisienne. Pour Time le gouvernement français se garde de faire des déclarations à ce sujet car Ben Ali leur serait un allié stable dans le combat contre l'installation des djihadistes en Afrique du Nord.
Néanmoins, sur son site le ministère français des affaires étrangères a conseillé aux voyageurs «d'adopter la plus grande réserve et d'éviter de se mêler à toute forme de rassemblement.»
Bilan après la nuit de mercredi à jeudi
Cette nuit aura été «mortelle en Tunisie», note l'Express. Selon la Fédération internationale de la ligue des droits de l'homme, citée par le journal, il y aurait eu huit morts dans la nuit de mercredi à jeudi; 66 depuis le début de la crise (certains opposants parlent d'une centaine, lire plus bas).
On déplore également la mort d'un autre civil à Douz, là où Hattam Bettehar a été tué mercredi soir. Dans la banlieue de Tunis, à Ettadahem, «Magid, 25 ans, a été mortellement blessé par des tirs de la police, une heure environ avant le couvre-feu», a indiqué un habitant de la cité. A Thala dans le centre, un autre homme aurait été tué par balle, et «une femme a été violée par un policier devant son mari», raconte l'avocate Mounia Bou Alia, qui se trouve sur place, au quotidien algérien El Watan, et d'ajouter que «les manifestants demandent le départ du président».
Le NouvelObs rapporte également la mort d'une franco-suisse dans le nord du pays et celle du lycéen Omar Haddad à Sfax, sur la côte nord-est de la Tunisie.
Après ces affrontements de la nuit, l'armée s'est retirée de Tunis à la mi-journée, rapporte l'AFP. Elle a été remplacée par «des cars remplis de policiers anti-émeute», postés dans les rues de la capitale.
Mercredi 12 janvier 2010
Mercredi, de violents affrontements ont eu lieu entre les manifestants et les forces de l'ordre tunisiennes. Hattam Bettahar, un universitaire franco-tunisien a été abattu à Douz, une ville au sud du pays, une scène filmée par BFM TV mise en ligne sur YouTube (edit du 15 janvier).
Au total, les affrontements auraient fait une centaine de victimes, selon un opposant exilé en France, Moncef Marzouki, rapporte 20minutes.fr. S’exprimant sur Canal+, le président du Congrès pour la République (CPR), parti d'opposition tunisien interdit a déclaré:
«Ça fait quatre semaines que la police tire sur le peuple. Je tiens à attirer votre attention sur le fait que nous sommes actuellement à une centaine de morts.»
La nuit de mercredi à jeudi a été le théâtre de violents affrontements, selon Le Nouvel Obs:
«De violents affrontemements ont opposé les forces de sécurité à des jeunes dans la banlieue de Tunis dans la nuit de mercredi à jeudi 13 janvier malgré le couvre-feu. Les témoins se déclarent "ahuris" par l'ampleur des dégâts.»
Pourtant, mercredi, on aurait pu croire à un possible apaisement. En effet, le président Ben Ali avait demandé, par la voix de son Premier ministre Mohammed Ghannouchi, la libération de toutes les personnes détenues à la suite des émeutes, «à l'exception de ceux dont l'implication dans les actes de violence graves, de dégradation préméditée et d'incendie des biens, a été prouvée par les informations judiciaires», rapporte l'Agence France Presse. Lundi, le président tunisien avait déclaré que 300.000 emplois seraient créés d'ici deux ans. Pour le site GlobalNet Tunisie, il s’agissait là «des premières décisions concrètes qui sont en mesure de baisser un tant soit peu la tension».
Mais des indices montraient déjà que la situation n’était pas encore sur la voie de l’apaisement. Un communiqué de Reporters Sans Frontières dénonçait l'arrestation du journaliste Nissar Ben Hassen mardi à son domicile. Il couvrait les évènements pour la webradio Radio Kalima. Hamma Hammami, porte-parole du Parti communiste des ouvriers tunisiens, aurait également été arrêté, dans la matinée du 12 janvier 2011, alors qu’il se trouvait à son domicile.
Outre ces annonces, Ben Ali avait également limogé son ministre de l'Intérieur, Rafik Belhaj. Ce dernier a été remplacé par Ahmed Friaâ.