L’ETA vient de déclarer un cessez-le-feu, qualifié de «permanent et général». Mais l’organisation indépendantiste basque n’a pas voulu dire clairement ce que tout le monde attend (nous y reviendrons) et ce qu’espèrent y compris les basques associés à la gauche «abertzale», désireuse de participer dans des conditions normales aux élections et à la vie politique. L’ETA souhaite de nouveau négocier, pour la quatrième fois. Ses dirigeants ont encore «rendu» les armes.
La déclaration de l’ETA, accompagnée comme de coutume de l’oppressante mise en scène avec les cagoules, bérets et drapeaux ornés d’anciennes runes, a été diffusée en espagnol (traduction en anglais disponible sous la vidéo) et lue devant les caméras, attirant la plus grande attention des médias internationaux – comme s’il s’agissait de la disparition du groupe armé. Les chefs de l’ETA connaissent si bien l’état d’inanition du groupe qu’ils ne peuvent échapper à une menace d’autodissolution. D’où cette intervention, qui intègre les mots «définitif» et «fin de la lutte armée» et dans laquelle ils vont jusqu’à s’y engager. L’ETA n’est sans doute jamais allée aussi loin.
Mais ce pas de géant que l’organisation a décidé de faire est rendu interminable à cause du «processus» qui est mis en avant: «Ceci est l’engagement ferme de l’ETA vis-à-vis d’un processus [visant à trouver une] solution définitive et vis-à-vis de la fin de la lutte armée.» On demande à l’ETA de déposer une fois pour toutes les armes afin que la gauche indépendantiste basque puisse exister en toute légalité, participer aux élections et qu’on commence enfin à aborder le problème des prisonniers politiques. L’organisation répond, comme elle l’a fait à d’autres occasions, par une pirouette sémantique qui lui permet de garder à portée de main le revolver.
Il est vrai qu’il s’agit du processus «définitif». Nous comprenons tous que la dynamique engagée devra aboutir, à terme, à la paix et à la dissolution de l’ETA. Mais le cessez-le-feu, lui, n’est pas définitif. Voilà ce qui manque au discours de l’organisation séparatiste basque. Il n’y a probablement personne au sein de l’ETA qui oserait parler d’un «cessez-le-feu définitif», car quiconque a mobilisé toutes ses énergies pour exploiter la violence et parvenir à ses fins tente aussi de l’exploiter quand on décide d’y renoncer.
S’il y a peu de chances que l’ETA perpètre de nouveaux attentats, les rédacteurs de la déclaration du 10 janvier 2011 ont clairement voulu éviter que cela se sache. Les etarras, comme on les appelle, veulent plutôt laisser planer la crainte d’un regain de violences incontrôlables au moment-même où on progresserait vers la paix. Les informations dont dispose le gouvernement espagnol tendent pourtant à indiquer que le groupe armé est extrêmement affaibli et même de la disparition. Les quelques personnages clés qui font encore tenir sa structure en ruine organisent leur retraite pour tenter de donner à leur défaite l’apparence d’une victoire.
A travers ce communiqué, l’ETA s’est efforcée de conférer une envergure internationale au conflit basque. Leur horloge semble toutefois retarder non pas d’une, mais de trois époques. Bien qu’elle ait traversé l’issue de la guerre froide, l’avènement du terrorisme à grande échelle et la crise de la mondialisation, l’organisation indépendantiste n’a pas bougé; elle demeure impassible. Il convient de noter que les trois trêves de l’ETA (1989, 1999, 2006) sont à chaque fois intervenues à des périodes charnières de l’histoire récente.
L’Europe s’intéresse de moins en moins à l’ETA. L’Espagne à peine plus. A l’échelle internationale, le seul espoir du groupe armé indépendantiste basque peut être de se voir inscrit dans l’histoire comme protagoniste légitime le jour où il signera un accord qui marquera la fin à son existence. Le jour où l’ETA dira, sans détour, que c’en est terminé. Et pour de bon. Naturellement, l’organisation a beaucoup de mal à renoncer au pouvoir qui est le sien – aussi diminué soit-il de jour en jour.
Si l’ETA s’éternise en rejouant à chaque fois la même scène, le peu de pouvoir qui lui reste s’évaporera insensiblement. Alors, le rideau finira par tomber avant même qu’elle n’ait l’occasion de faire ses adieux aux voisins d’en face.
Lluís Bassets Sánchez
Traduit par Micha Cziffra