Sports

Andrea Jaeger, star du tennis devenue bonne soeur

Temps de lecture : 6 min

Finaliste de Roland-Garros et de Wimbledon dans les années 1980, elle est un des exemples les plus frappants de sportifs qui ont consacré leur vie à Dieu.

Comme chaque année, Sœur Andrea aura passé Noël avec des enfants malades atteints du cancer. Depuis une vingtaine d’années, elle a fait don de sa vie à ces jeunes êtres qui souffrent et qui, pour la plupart d’entre eux, n’ont aucune chance de s’en sortir.

Longtemps, elle a été une simple militante au cœur d’une fondation qu’elle avait elle-même créée avant d’être emportée par sa propre cause jusqu’à ce 16 septembre 2006 où elle est devenue, à 41 ans, Sœur Andrea au sein d’une église dominicaine aux Etats-Unis. Ce choix s’est imposé à elle, a-t-elle déclaré, par le biais d’une révélation apparue au cours d’un rêve: «Je visitais un monastère en compagnie de Catherine de Sienne dont la mission était d’aider les pauvres et les malades

L’histoire de Sœur Andrea est étonnante, d’aucuns diront même extraordinaire quand on se rappelle qui elle était bien longtemps avant de mettre le voile voilà quatre ans. Andrea était l’une des meilleures joueuses de tennis au monde. En 1982, elle avait atteint la finale de Roland-Garros et en 1983 celle de Wimbledon, Martina Navratilova la dominant dans les deux cas.

Non, les amateurs de tennis d’il y a 30 ans n’ont pas oublié Andrea Jaeger et ses célèbres couettes. A l’époque, elle était un prodige destiné aux plus grandes victoires. Dans l’histoire du tennis professionnel, jamais aucune joueuse avant elle n’avait été aussi précoce. A 14 ans et huit mois, elle était déjà 19e mondiale. A l’issue de sa première saison parmi les professionnelles, elle était 7e. En août 1981, elle s’invite au 2e rang mondial, troublant la célèbre rivalité entre Chris Evert et Martina Navratilova.

Andrea Jaeger avait un sacré caractère. Elle était une sorte de petite sœur de John McEnroe. Sa mine était toujours renfrognée et elle avait l’insolence de son âge. Elle n’avait clairement aucun respect pour ses glorieuses aînées qui devaient être ses victimes. Cette adolescente, qui ne souriait guère, n’avait pas froid aux yeux. Quelques minutes après sa défaite en finale à Roland Garros, en 1982, elle attaqua Martina Navratilova bille en tête lors de la conférence de presse en l’accusant de coaching, c’est-à-dire d’avoir reçu, par le biais de gestes, des conseils techniques pendant le match de la part de Renee Richards, l’entraîneur de Navratilova à l’époque, ce qui est interdit par le règlement.

Andrea Jaeger paraissait en tension permanente. Son père, Roland, un maçon suisse qui fut boxeur et avait émigré à Chicago en 1956, la maintenait sous pression, il est vrai. Roland Jaeger, un personnage brutal et impopulaire sur le circuit féminin. L’un de ces géniteurs tellement répandus dans le tennis féminin qui voient leur progéniture avant tout comme une possible poule aux œufs d’or.

L’aventure sportive d’Andrea Jaeger bascule sur le central de Roland Garros en 1984 alors qu’elle n’avait que 19 ans. En frappant un revers lors de son match du premier tour contre Jamie Golder, une autre Américaine, elle se blesse violemment à l’épaule, abandonne le match et arrête sa carrière. Un total de sept opérations n’allait pas réussir à régler son problème. Elle avouera plus tard: «Cette blessure a été la plus belle chose qui me soit arrivée. C’est le choix de Dieu qui m’a guidée vers les enfants malades.»

La cause enfantine était déjà au cœur de ses préoccupations avant cette blessure, mais ses obligations professionnelles l’avaient empêchée de s’investir comme elle l’aurait voulu. Elle raconte:

«Un jour, alors que j’étais toujours joueuse professionnelle, dans le cadre d’un tournoi, j’étais allée offrir des jouets à des enfants malades dans un hôpital. Il y avait là un petit garçon qui n’avait plus de mains et me défiait à des jeux vidéo. Et moi qui avais besoin de mes mains pour jouer, j’ai eu le sentiment de recevoir avec lui une leçon de vie. Il y avait également une petite fille rendue chauve par une chimiothérapie. Elle s’est saisie de mes couettes et elle m’a dit que je devais avoir les pires difficultés pour entretenir une aussi longue chevelure. Ce jour-là, je me suis fait une promesse qu’une fois ma carrière terminée, toute ma vie servirait à venir en aide à de tels enfants.»

Le destin a donc précipité ce vœu. Après avoir dédié tous ses gains de joueuse -1,5 million de dollars- à la création de sa fondation, elle est allée encore plus loin en offrant tout à sa cause, à commencer donc par elle-même.

Après sa blessure, ses relations avec son père étaient devenues exécrables. Andrea Jaeger finira même par couper les ponts avec lui, ce qu’elle regrettera évidemment lorsque celui-ci mourut prématurément. «Mais nous avions fait la paix avant son départ», a indiqué cette inlassable visiteuse d’hôpitaux qui a même fait construire un ranch à Aspen, dans le Colorado, où elle accueille des dizaines d’enfants en fin de vie. Elle poursuit sa tâche, aidée par des donateurs comme Andre Agassi, Monica Seles ou l’ancien top model, Cindy Crawford, devenue l’une de ses proches.

Rares sont évidemment les sportifs à avoir ainsi embrassé un chemin religieux aussi radical. Quelles que soient les confessions, les prières font partie des rites des stades, mais elles s’arrêtent là dans la plupart des cas. Parmi les exemples des champions les plus dévots, citons la légende cycliste italienne Gino Bartali qui avait fait une construire une chapelle chez lui, le triple sauteur britannique recordman du monde Jonathan Edwards, un fils de vicaire, qui a refusé jusqu’à l’âge de 27 ans de sauter le dimanche, ou le handballeur Joël Abati, champion olympique en 2008, surnommé le «révérend» pour sa foi inaltérable et ses sermons dans le vestiaire. La Ligue 1 de football compte quant à elle deux pasteurs évangéliques das ses rangs, le Brésilien du PSG Ceara et le capitaine congolais de Brest Oscar Ewolo.

Parmi ceux qui sont allés jusqu’au bout de leur démarche et de leurs croyances, il y a la légende des San Antonio Spurs, «l'amiral» David Robinson, qui a donné des sommes colossales à des œuvres de charité pendant sa carrière en NBA et est devenu pasteur au Texas, à l’image de l’ancien boxeur George Foreman. Plus près de nous, et même s’il n’est pas très connu, l’exemple de Philippe Lebel, finaliste du championnat de France de rugby avec Dax en 1973, est aussi à souligner. Il a parlé de sa foi en détail dans un bulletin diocésain:

« Dans les déplacements du week-end, j’aimais la veille des matches, retrouver une église où je pouvais goûter au calme et dans le silence retrouver celui que je ne cessais de chercher malgré tout. A Toulouse, pendant mes études de kiné, au contact des malades, j’ai appris la compassion et petit à petit la perception d’un manque immense dans le coeur de beaucoup de personnes souffrantes: l’amour du Christ, qui permet de tenir dans les épreuves, la main dans sa main. Puis le choix de vie a frappé à ma porte. Il s’est présenté un jour à l’improviste et l’appel à tout quitter pour le suivre s’est éveillé ou réveillé en moi. Renoncements à la vie de famille, à une activité professionnelle, au rugby de haut niveau qui m’avait déjà tant apporté pour Jésus le Christ, pour l’Evangile…»

Très proche de celle d’Andrea Jaeger, la trajectoire de Mary Pierce, dernière Française à avoir remporté le tournoi de Roland Garros en 2000, est également à signaler. Mary Pierce, devenue Mary la pieuse en fin de sa carrière, qui avait pris l’habitude de dédier ses succès au tout puissant et qui s’est depuis immergée dans une église protestante évangélique à l’île Maurice.

Dans un reportage saisissant, en 2008, L’Equipe nous avait décrit sa vie frugale là-bas. Celle qui n’a toujours pas annoncé officiellement la fin de sa carrière après une grave blessure en 2006 confiait alors:

«Ma famille a du mal à comprendre, mais ma vie, c’est l’Église, c’est tout. Mon seul désir, ma seule motivation, c’est le Seigneur. Le plan de Dieu pour moi, c’est ça qui m’excite. Ma vie n’est plus la mienne depuis que je la lui ai donnée. Mon cœur désirait vivre des choses vraies, profondes et vivantes. Et je n’avais pas forcément trouvé ça dans les églises aux États-Unis ou en Europe. Ici, j’ai ressenti quelque chose de spécial, de fort dans la manière qu’ont les gens de s’aimer et de se servir les uns les autres. Être connu n’est pas important dans la mesure où Dieu n’a besoin de personne, ça peut juste faciliter les choses pour obtenir un rendez-vous pour l’association en faveur des enfants, avec l’Union européenne par exemple. Quant à l’argent pour l’église, il n’y a aucune obligation d’en verser, pas de pourcentage, rien. On est libre de donner si on en a envie...»

Comme Andrea Jaeger, Mary Pierce n’a pas eu un père facile: Jim Pierce valait bien Roland Jaeger en raison de ses débordements et de ses excès. Lors d’une confession à sensation qui avait fait la Une du magazine américain Sports Illustrated en 1993, l’ex-n°1 française avait même déclaré que son père cherchait à la tuer. Comme Andrea, Mary est restée longtemps fâchée avec lui avant de renouer des liens. Dans les deux cas, il est possible de dire, sans paraître ridicule, que leur quête du père, si difficile, a débouché sur une autre rencontre, celle de Dieu le père…

Yannick Cochennec

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