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Angry Birds, la colère mobile contagieuse

Temps de lecture : 4 min

Le jeu, créé spécifiquement pour mobile, a bien l'intention d'envahir des écrans plus grands, et plus lucratifs.

Angry Birds / DR
Angry Birds / DR

Un samedi matin, à Washington DC, sur le quai de la ligne rouge à la station Metro Center, deux gamins –des pré-ados, peut-être des ados– s'esquivent, se bousculent et se donnent quelques coups de pieds, comme dans une démonstration genre karaté. Le quai était bondé, mais personne n'a fait attention à eux. Apparemment, ce n'étaient pas des flashmobbers aguerris: si vous voulez instiguer un saute-mouton géant dans un métro bondé, la meilleure stratégie c'est au moins d'arriver en force. Mais d'autres se sont rassemblés avec plus de succès à travers le monde pour de pétillantes manifestations publiques, comme celle de Trafalgar Square, à Londres.

Les flashmobs –et les tentatives manquées– de ce samedi matin étaient toutes en l'honneur du premier anniversaire d'Angry Birds (NDT: «oiseaux furax»), ce jeu pour smartphone incroyablement populaire et bête comme chou. Son créateur, la société finnoise Rovio, s'était chargée d'organiser l'évènement au niveau mondial et avait promis de créer de nouveaux niveaux pour les villes qui rendraient le mieux hommage au jeu. Mais ses fans n'ont pas vraiment besoin de ce genre de carotte. Ce jeu absurde et qui rend parfaitement accro a contaminé la planète entière et a bien l'intention d'envahir des écrans plus grands, et plus lucratifs.

Créée pour les mobiles

Le jeu fonctionne ainsi: de gros cochons verts ont volé les oeufs d'oiseaux à gros sourcils. Les oiseaux veulent punir les cochons, donc le joueur utilise l'écran tactile de son téléphone pour catapulter les oiseaux suicidaires sur les remparts des cochons, détruisant ainsi les obstacles et gagnant des points au passage. Le style est naïf, le jeu ridiculement simple, et carrément addictif. Selon Rovio, la version iPhone à elle seule cumule 65 millions de minutes de jeu par jour. Ce qui veut dire que si Rovio payait chaque joueur le salaire minimum, cela leur coûterait environ 1,5 milliard d'euros par an.

Tous ces chiffres montrent à quel point le jeu a un succès tonitruant. Les fondateurs de Rovio, société basée à Helsinki, se sont rencontrés en 2003 lors d'un concours de jeu pour mobiles et ont sorti Angry Birds en décembre l'année dernière. Le succès a d'abord pris au niveau local, puis dans toute l'Europe, pour finir par toucher le monde entier, et ce de manière fulgurante. Numéro 1 des ventes de l'appstore britannique en février, et quelques mois plus tard, numéro 1 de l'appstore américain. La semaine dernière, Apple l'a consacré meilleure vente de 2010, avec plus de 30 millions de téléchargements iPhone, pour un peu moins d'un dollar chaque. Le jeu est également disponible sur Android, le système d'exploitation de Google, en version gratuite avec pubs, et 5 millions d'utilisateurs s'y sont inscrits, générant pas loin de 750.000 euros mensuels en revenus publicitaires. Aujourd'hui, Angry Birds cumule au total environ 50 millions de téléchargements.

Maintenant que les téléphones portables sont conquis, Rovio fait les yeux doux aux autres machines. Pour reprendre les mots d'un de ses directeurs, Angry Bird est «le premier exemple d'une marque créée pour les mobiles, et qui cherche à présent à s'étendre aux autres plateformes».

Comme toutes les sociétés d'édition de jeux pour mobiles, Rovio a commencé par travailler sur commande pour de plus grosses entreprises, comme Electronic Arts. Mais la concurrence féroce fait baisser le prix des jeux pour mobiles, et avec un écran de 5 centimètres sur 7 on est plutôt limités. Grâce à l'énorme succès du jeu et les prémices d'un culte de la personnalité pour ses personnages grincheux, Rovio a décidé de concevoir une marque multiplateforme dédiée à ses célèbres oiseaux.

Au cours de ces derniers mois, la société s'est développée jusqu'à employer plus de 30 personnes, et travaille sur de nouvelles versions du jeu pour des plateformes telles que Facebook et des consoles comme PlayStation, Xbox, et Wii. Ils sont également en train de, je cite, «développer la monétisation». D'abord, ils se sont mis à vendre des peluches Angry Birds –des oiseaux tout doux et qui froncent les sourcils, à catapulter sur des cochons tout doux et débiles, dans le confort de son salon– et des vêtements à leur effigie. Mais leurs ambitions ne s'arrêtent pas là, au contraire. Les fondateurs de Rovio citent Pixar –la société de production derrière Toy Story ou encore Wall-E– comme modèle, et s'intéressent actuellement à des adaptations pour la télévision et le cinéma –rien d'exceptionnel pour un jeu vidéo classique, mais une première pour un jeu mobile.

Et ça pourrait marcher. Les offres de rachat affluent en Finlande, et les gens –pas seulement les mordus du jeu, mais également de nombreux joueurs occasionnels– se sont pris d'affection pour les personnages. La presse spécialisée ne tarit pas d'éloges; c'est le moins qu'on puisse dire. (Extrait: «Une fureur aviaire jamais vue depuis le film d'Alfred Hitchcock. [Un] charme, un style, en un mot un génie qui devrait vous accrocher un sourire sur le visage.») De plus, le jeu s'est trouvé des admirateurs particulièrement fervents: Justin Bieber adore, David Cameron y joue sur son iPad, Conan O'Brien a montré la version iPad du jeu dans une publicité, Saturday Night Live en a parlé dans un sketch, où Julian Assange promet de pirater le jeu en Good-Natured Birds (Ndt: «oiseaux sympas») («Et c'est bien?» «Non, ça craint.»)

Mais tous ces gens connus, ce n'est rien comparé aux fans qui fabriquent par exemple leurs propres costumes Angry Birds, ou tentent de négocier un traité de paix entre les parties aviaires et porcines.

Pourtant, il subsiste un endroit où l'amour pour Angry Birds est un peu plus compliqué que ça: la Finlande. Le pays peut se vanter d'un niveau d'instruction très élevé, d'un important soutien du gouvernement en matière d'innovation, et d'un secteur technologique florissant. Mais pendant des années, une seule société dominait ce marché. Le géant de la téléphonie mobile Nokia a été une fois responsable de 3,5% du PNB finlandais –aux Etats-Unis, c'est ce que font McDonald's, Wal-Mart et Citigroup réunis. Aujourd'hui, ils n'en produisent plus que 1,6%. Et si Angry Birds a connu la gloire, c'est grâce à l'iPhone, un des concurrents responsables de la baisse des parts de marché de Nokia. Néanmoins, les Finlandais, gros consommateurs du jeu, espèrent que le succès de Rovio fera des émules parmi les startups. Et Rovio ne compte certainement pas s'arrêter en si bon chemin.

Annie Lowrey

Traduit par Nora Bouazzouni

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