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Israël-Palestine: le plan de paix secret d'Obama

Temps de lecture : 6 min

Le président des Etats-Unis veut imposer à Jérusalem les futures frontières de l'Etat palestinien et négocier avec Netanyahou au nom des Palestiniens.

Benjamin Netanyahou, Barack Obama et Mahmoud Abbas Jason Reed / Reuters
Benjamin Netanyahou, Barack Obama et Mahmoud Abbas Jason Reed / Reuters

Le parti conservateur américain devrait remporter haut la main les élections de mi-mandat. Les Israéliens peuvent-ils s'en réjouir? Ils n’ont pas une affection particulière pour Barack Obama qu’ils accusent de favoritisme à l’égard des Arabes. La propension de certains commentateurs politiques de l’affubler de son deuxième prénom, Hussein, en dit long sur le niveau des arguments employés. En Israël, on lui reproche, en vrac, d’être allié des islamistes, de s’acharner sur le gouvernement Netanyahou pour le faire tomber, de prendre position contre les implantations de Cisjordanie, de se prêter au jeu de l’Iran et, enfin, de laisser la Turquie tomber vers l’islamisme.

Plus grave encore, Jérusalem reproche au président américain d’avoir cherché une nouvelle doctrine au Proche-Orient et de vouloir faire bouger des lignes politiques figées depuis 60 ans. Sa politique prudente à l’égard de l’Iran n’est pas comprise car, de délais en reports de décision, le programme d'armement nucléaire iranien poursuit son chemin. Les nationalistes le suspectent de bloquer les décisions militaires du gouvernement israélien et l’état-major est accusé de mollesse par tous ceux qui veulent en découdre avec les mollahs. Les faucons estiment d’ailleurs que le nouveau chef de Tsahal, qui prendra ses fonctions en février 2011, a été choisi pour satisfaire l’aile dure de la coalition au pouvoir.

Mais les Israéliens s’inquiètent encore plus du «plan secret» qu’Obama aurait l’intention d’imposer dans la région. Les grandes lignes de ce schéma de paix commencent à être connues. L’idée principale est d’imposer aux Israéliens les futures frontières de l’Etat palestinien. Pour parvenir à ses fins, Obama veut sortir de son rôle d’intermédiaire pour se transformer, auprès des Israéliens, en négociateur direct mandaté par l’Autorité palestinienne.

Solution imposée

Ce plan a été dévoilé par le vice-président Joe Biden lors de sa visite en Israël en mars 2010 et confirmé depuis à plusieurs reprises par l'envoyé spécial de la Maison Blanche au Proche-Orient Georges Mitchell à chacune de ses rencontres avec les dirigeants israéliens. Officiellement, Joe Biden était venu transmettre le veto américain à une aventure militaire israélienne contre l’Iran. Il avait été chargé également d’exposer un projet qui n’avait d’avenir que dans une région pacifiée, sous-entendu sans guerre. Le problème des constructions en Cisjordanie a certes été abordé, mais il n’est pas la cause principale de l’inquiétude du gouvernement israélien. En revanche, le plan très élaboré d’Obama a plongé dans la stupeur les dirigeants israéliens qui n’avaient alors trouvé comme seule parade que d’humilier le vice-président.

Le projet a été présenté au président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, qui ne s'y est pas opposé. Il est de toute façon trop affaibli politiquement et trop isolé pour rejeter une telle opportunité. Les Américains l’ont convaincu qu’un accord sur des frontières définitives est primordial pour débloquer les autres problèmes épineux, à savoir la question des réfugiés palestiniens et celle de Jérusalem. Mahmoud Abbas a aussi obtenu des assurances américaines qu’Israël ne pourrait pas refuser la proposition sans mettre en danger son économie et sa sécurité. Barack Obama est décidé, en cas de refus, à prendre des mesures coercitives telles que la suppression de garanties financières américaines, la fermeture du marché américain et l’embargo sur la fourniture d’armement.

Ce plan a aussi été exposé à Nicolas Sarkozy lors de sa visite à Washington en mars 2010 et il semble qu’il l’ait approuvé. La chancelière allemande, Angela Merkel, et le Premier ministre espagnol, Jose Luis Rodriguez Zapatero, ont été aussi mis dans la confidence.

Un plan en plusieurs phases rapprochées

Israël se retirerait sur les frontières de 1967, corrigées par la cession par les Palestiniens de 4% de leur territoire en Cisjordanie. Les contours de cette cession ne sont pas précisés, mais ils feraient l’objet d’une négociation tripartite. Les Américains se sont inspirés des négociations engagées entre Mahmoud Abbas et Ehud Olmert lorsque ce dernier était Premier ministre. Ehud Olmert s’était engagé à un accord sur la base du maintien de 6% de la Cisjordanie dans le giron israélien. Ce pourcentage incluait les parties juives de Jérusalem-est et plusieurs implantations importantes. Cette proposition avait été repoussée par les Palestiniens qui n’acceptaient de ne céder que 2%.

Jérusalem-est reviendrait au nouvel Etat palestinien à l’exception des quartiers juifs qui resteraient sous contrôle israélien. Les Palestiniens et les Israéliens partageraient la souveraineté du Mont du Temple sous l’égide d’un comité chapeauté par le Vatican. Le président américain veut imposer un délai de quatre mois pour la fixation définitive des frontières qui donnera le signal à la création d’un Etat palestinien indépendant.

La conséquence immédiate serait alors l’évacuation de 140.000 habitants israéliens de Cisjordanie, la moitié de ceux qui y résident. L’évacuation complète de l’implantation d’Ariel a été exigée par Mahmoud Abbas qui a prévenu le vice-président américain qu’aucun accord ne pourra être signé sans le transfert à l’Etat de Palestine de cette ville nouvelle de 20.000 habitants qui vient de se doter d'une université. Le choix d’une autre ville à évacuer, Maale Adoumim ou Efrat, est laissé à l’appréciation du gouvernement israélien.

Restructuration de l’Etat d’Israël

Le projet prévoit l’évacuation des juifs de Cisjordanie dans un délai de quatre mois. Cela s'annonce particulièrement compliqué. L’évacuation de Gaza a pris quelques jours, mais il ne s’agissait à l’époque que de 8.500 colons et cela ne s'était pas fait sans heurts.

Le président américain n’a pas l’intention de s’arrêter en chemin puisque, aussitôt ce plan mis en application, il a l’intention de résoudre dans la foulée le problème du Golan qui devrait être restitué pour satisfaire les demandes syriennes. Reste encore à faire venir les deux parties à la table des négociations.

Benjamin Netanyahou ne va pas se faire forcer la main comme cela. Il défend bec et ongles ses principes de sécurité qui ne sont pas pris en considération par le plan d’Obama. La stratégie de défense du ventre mou du pays, large d’une quinzaine de kilomètres au centre d’Israël, est articulée autour de trois villes (voir la carte ci-jointe): Ariel, Maaleh Adoumim près de Jérusalem et Efrat au sud de la Cisjordanie. L’évacuation imposée de deux d’entre elles nécessiterait une réorganisation militaire presque impossible dans un délai aussi court. La ville d’Ariel a été conçue pour prévenir une attaque de Tel-Aviv par l’est. Maale Adoumim est le bouclier de Jérusalem tandis qu’Efrat, la capitale du Gush-Etsion, protège la région sud du pays.

D’autres implantations importantes pour la sécurité devront être évacuées: Elkana (4.000 habitants) au nord d’Ariel, Alfé Ménaché (7.000) au sud de Qalquilya, Emmanuel (3.000) au centre, et Modiin-Ilit (10.000) à quelques encablures de l’aéroport Ben Gourion.

Cisjordanie: Territoires occupés  Source: ONU

Ce plan très ambitieux manque de réalisme quand il prévoit des déplacements de populations en quatre mois et une réorganisation militaire en moins de deux ans. Mais compte tenu de l'élection présidentielle américaine, Obama veut imposer la date butoir de fin 2011 pour la réalisation de son projet.

Il est clair que Jérusalem freinera avec le souvenir douloureux des conséquences de l’évacuation de Gaza de 8.500 personnes qui ont créé une scission au sein du gouvernement israélien et des partis politiques et ont grevé le budget de l’Etat pour un montant de 13 milliards de dollars.

Le gouvernement israélien compte sur ses alliés aux Etats-Unis pour convaincre Obama de faire marche arrière. Certains conseillers à la Maison-Blanche sont convaincus de la dangerosité d’un tel projet. Le conseiller de Barack Obama pour la Sécurité nationale, le général James Jones, a démissionné car il a pris ombrage de ne pas avoir été consulté. Il se dit également que la démission du secrétaire de la Maison Blanche, Rahm Emanuel, d’origine israélienne, officiellement pour briguer la mairie de Chicago, serait liée à ce plan. Dennis Ross, conseiller du président pour le Proche-Orient, opposé à une solution aussi rapide et contraignante, a été la cible du site Politico qui l’a accusé de double allégeance: «Il semble très sensible à la politique de la coalition de Netanyahou.»

Les Israéliens misent sur la défaite d'Obama aux élections de midterm pour l'affaiblir suffisamment pour qu'il soit contraint de renoncer à un projet qu'ils jugent irréaliste et dangereux. Les révélations distillées sur l'existence plan au moment même des élections américaines visent clairement à le torpiller en mobilisant les alliés traditionnels de Jérusalem.

Jacques Benillouche

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