Dans son nouveau film The American, George Clooney joue le rôle d’un mystérieux tueur à gages professionnel. The American a suscité chez L’explication une interrogation soudaine—dans la vraie vie, y a-t-il des gens qui gagnent leur pain quotidien en commettant des meurtres?
Probablement pas à plein temps. Beaucoup de gens tuent pour de l’argent, mais ils ne portent pas que cette seule casquette. Ils peuvent être cambrioleurs, passeurs de drogue ou gardes du corps dans des sociétés de sécurité privées. Et si des services de renseignements nationaux chargent parfois leurs agents sur le terrain d’exécuter des assassinats ciblés, il est fort peu probable qu’aucun d’entre eux n’ait dans ses listes d’employés des «assassins» dont la seule fonction soit de perpétrer des meurtres. Naturellement, on ne peut le savoir que pour les assassins capturés. Impossible d’exclure la possibilité qu’un tueur à gages grassement payé soit en ce moment même en train de se prélasser dans la campagne italienne en attendant un appel de son agent.
Le profil du tueur sous contrat dépend largement de l’endroit où il pratique son métier. Aux États-Unis et en Angleterre, ce sont généralement des criminels à la petite semaine qui cherchent à se faire des à-côtés (ces jobs rapportent entre quelques centaines de dollars et 25.000 dollars). En moyenne, chaque année, le FBI et la London Metropolitan Police enquêtent sur moins de 100 meurtres commis par des tueurs à gages. La plupart ont un rapport avec des gangs, mais il arrive que quelqu’un tente de liquider sa moitié pour toucher l’argent de l’assurance. Ces titilleurs de gâchette sont souvent des novices en termes de meurtres, pas des tueurs internationaux bien entraînés.
En Russie, les meurtres commis par des tueurs à gages sont plus systématiques. La police russe étant incapable ou peu encline à traquer des hommes soupçonnés de meurtre, des bandes organisées ont commencé à proposer des services de tueurs à gages dans les années 1990 en complément de leurs activités ordinaires de maquereautage, trafic de drogue, extorsion et cambriolages en tous genres. Mais, comme aux États-Unis et au Royaume-Uni, il est très improbable que des tueurs à gages ne travaillent que dans le secteur des meurtres, et la paie n’est pas franchement terrible: la plupart des assassinats rapportent seulement une centaine de dollars, à quelques lucratives exceptions près. D’aucuns estiment qu’au plus fort de la vague de crimes en Russie des années 1990, il y avait environ 1.000 meurtres par contrat par an (ce genre de crime semble avoir diminué un peu au cours des dernières années, tout en demeurant un problème non négligeable). À ce rythme, il semble peu probable que des meurtres commandités permettent à un gangster de nourrir sa famille, et d’ailleurs il n’existe aucune preuve qu’aucun ait jamais essayé.
Les assassins correspondant le mieux au profil de Clooney—bien entraînés, organisés, efficaces et discrets—travaillent directement pour des gouvernements. Le Mossad israélien est responsable d’un certain nombre de crimes dignes d’Hollywood, et les enquêteurs estiment que le récent assassinat du membre du Hamas Mahmoud al-Mabhouh dans un hôtel de Dubaï, sans doute exécuté par des agents israéliens, a nécessité 20 organisateurs et des mois de reconnaissance et de planification. Mais, une fois encore, même le Mossad ne dispose pas lui-même d’une écurie de spécialistes de l’homicide—il a simplement des agents qui, de temps en temps, assassinent.
L’explication remercie Jay Albanese de la Virginia Commonwealth University, Frank Hagan, auteur de Political Crime: Ideology and Criminology, et Kris Hollington, co-auteur de Terror Cops.
Brian Palmer
Traduit par Bérengère Viennot
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Photo: The Hitman, Mhogan35 via Flickr CC License by