France

La France éclipse le solaire

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La subvention à la production d’électricité d’origine solaire baisse. Objectif: freiner l’installation de panneaux photovoltaïques. La France recule sur la promotion des énergies renouvelables.

Des panneaux solaires à côté de Séville, en Espagne. REUTERS/Marcelo del Pozo
Des panneaux solaires à côté de Séville, en Espagne. REUTERS/Marcelo del Pozo

Les énergies renouvelables n’ont plus la cote, surtout l’éolien et le photovoltaïque. Après les nouvelles contraintes imposées à l’éolien au printemps dernier pour éviter le «mitage» du territoire, le photovoltaïque est touché pour la deuxième fois cette année. Non seulement EDF rachètera moins cher l’électricité produite notamment par les entreprises et les agriculteurs, rendant l’équation financière moins séduisante, mais encore François Baroin a annoncé que le crédit d'impôt sur les installations sera diminué de moitié.

Dix fois plus de solaire en deux ans

Le dispositif pour promouvoir l’énergie solaire avait tendance à s’emballer. Pour favoriser la promotion des énergies renouvelables, la France a adopté –après l’Allemagne– un système rémunérateur pour les particuliers et les entreprises qui se dotent d’installations ad hoc. Le courant produit par des éoliennes ou des panneaux solaires est racheté par EDF à des prix cinq à six fois plus élevés que le prix de vente moyen du kWh (0,10 euro). Et pour être encore plus incitatifs, les contrats conclus avec EDF s’étalent sur vingt ans.

Compte tenu d’un amortissement de l’investissement en sept ou huit ans, la rentabilité de l’opération (correspondant à un placement à 6%, voire plus) avait de quoi intéresser les propriétaires d’entrepôts, de hangars ou de surfaces au sol non utilisées. Au point que la puissance installée en photovoltaïque a été multipliée par 10 en deux ans, passant de 81 mégawatts (MW) fin 2008 à 850 MW prévus fin 2010, selon le ministère de l’Energie. Rien qu’à la fin 2009, la progression a atteint 30% en seulement un trimestre.

Toutefois, malgré cette progression, le photovoltaïque ne représente aujourd’hui que 0,7% de la capacité de production d’électricité en France. Et même si, compte tenu des… 3.000 MW potentiels dans les projets déjà déposés, l’objectif du Grenelle de l’Environnement (prévoyant 1.100 MW installés fin 2012 et 5.400 fin 2020) doit être largement dépassé, le photovoltaïque doit rester très marginal dans le bouquet énergétique français composé aux trois quarts de nucléaire.

Baisse des prix de rachat en septembre, la deuxième de l’année

Pour dégonfler la bulle, les prix de rachat par EDF de l’électricité produite par des panneaux solaires sont donc revus à la baisse. Déjà, le 12 janvier dernier, une baisse des tarifs de 2006 avait été décidée, qui pouvait atteindre jusqu’à 30% dans certains cas. Ce qui amputait sérieusement la rentabilité des investissements consentis par les logisticiens (qui utilisent les toits des entrepôts pour installer des panneaux solaires) ou les agriculteurs (qui créent des centrales photovoltaïques au sol ou sur des hangars pour se procurer des revenus complémentaires), les particuliers étant toutefois peu concernés. Cette fois, depuis le 1er septembre, la baisse des tarifs de rachat est de 12%. Toutefois, les particuliers qui ont installé moins de 30m2 de panneaux ne sont pas touchés, et les tarifs de janvier dernier seront maintenus pour toute demande complète de raccordement déjà déposée et pour les projets en cours d’examen sur les bâtiments agricoles.

Lourde incidence sur les tarifs d’EDF

Mais cette forme de subvention à la production d’énergie renouvelable a forcément un coût pour EDF, mécaniquement répercuté sur le prix du kWh vendu par l’entreprise à 28 millions de foyers. Pour une puissance de 5.400 MW et avec des tarifs de rachat non révisés, le surcoût aurait atteint entre 2,2 et 2,9 milliards d’euros pendant 20 ans, entraînant des hausses de facturation de l’ordre de 10%, avance EDF. Une très mauvaise situation pour l’électricien, qui réclame déjà des hausses de tarifs pour faire face à la modernisation des centrales nucléaires, à la construction de nouvelles tranches, et à l’amélioration du réseau. La dernière hausse de tarifs en date, de 3% en moyenne, ne remonte qu’à mi-août, et il faut s’attendre à 7% de nouvelles augmentations l’an prochain, selon les simulations de la Commission de régulation de l’énergie. De quoi alimenter la rogne des consommateurs, qui supportent mal des hausses supérieures à l’inflation alors que la sortie de crise impose de se serrer la ceinture. A Bercy, cette situation crée manifestement un malaise. Dans ces conditions, EDF insistait pour freiner la progression de la «contribution au service public de l’électricité» qui alourdit les factures d’électricité pour honorer les contrats conclus avec les producteurs indépendants.

Les tarifs de rachat vont encore évoluer

Le gouvernement réfute pourtant tout recul sur les énergies renouvelables. Il souligne que l’Allemagne, l’Espagne et les Etats-Unis, qui ont adopté des systèmes similaires, ont également réduit le montant des incitations. Crise oblige. Et la tendance va se poursuivre: après avoir amorcé la pompe du solaire, le gouvernement annonce que «cette évolution tarifaire est la première étape d’une adaptation nécessaire du système de régulation des tarifs de rachat». Autrement dit, plus le photovoltaïque va devenir mature, moins la subvention d’EDF sera importante. «Cette évolution, qui doit garantir à la filière des perspectives solides et durables de développement jusqu’en 2020, sera préparée à l’automne en concertation avec l’ensemble des acteurs du secteur», poursuit le ministère de l’Energie. Au-delà de 2020, les subventions auront donc vécu pour les nouvelles installations.

Recul sur les énergies renouvelables

Ce virage, pourtant prévisible, désoriente les agriculteurs qui espéraient amortir la restructuration de leur activité (avec la réforme à venir de la PAC) et les aléas de leurs productions par un revenu complémentaire de quelques dizaines de milliers d’euros par an. Par ailleurs, ce coup porté au photovoltaïque intervient peu après celui qui a visé l’éolien terrestre en mai dernier, et après la volte-face sur la taxe carbone. Comme si la France reconsidérait ses avancées en matière de politique énergétique. Manifestement, pour atteindre l’objectif de 23% d’énergie verte en 2020, le gouvernement compte plus sur la biomasse (qui en fournit les 2/3), l’hydraulique (22%) et la géothermie (5%) que sur l’éolien et le photovoltaïque qui, ensemble, ne représentent que 6 à 8% de la production des énergies renouvelables.

L’enjeu est bien sûr écologique, mais il est aussi industriel. Alors que la France est de plus en plus défiée dans le nucléaire, elle ne doit pas faire l’impasse sur les autres technologies. Or, même si les ministres répètent qu’une croissance verte peut être porteuse d’emplois, l’industrie française regarde passer les trains. Dans l’éolien terrestre, «la France a raté son développement faute de pouvoir s’appuyer sur un marché interne», a noté le Commissariat général au développement durable. Le rapport du député UMP Patrick Ollier préconise une focalisation sur l’éolien off-shore, mais l’Hexagone accumule déjà les retards, comparativement aux avancées en Grande-Bretagne, en Allemagne et au Danemark. Dans le photovoltaïque, même inertie: seulement 8.500 emplois dans le secteur, contre 60.000 en Allemagne par exemple. Malgré l’accord passé l’an dernier par EDF Energies nouvelles avec l’américain First Solar, les espoirs fondés sur le développement d’une filière industrielle semblent se dégonfler… comme si l’essor de la production chinoise de panneaux solaires, qui alimente près de la moitié du marché mondial, avait eu raison des ambitions de départ. Mais sans volonté plus affirmée, la France risque fort de rater aussi le train du solaire.

Gilles Bridier

Photo: Des panneaux solaires à côté de Séville, en Espagne. REUTERS/Marcelo del Pozo

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