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Tiger Woods, de pire en par

Temps de lecture : 5 min

Celui qui est encore numéro 1 mondial n'a plus gagné la moindre épreuve depuis l’automne dernier. A l’évidence, Woods n’y est plus techniquement et mentalement et ne sait plus trop pourquoi et comment il joue au golf.

Tiger Woods le 9 août 2010 à Whistling Straits. REUTERS/Matt Sullivan
Tiger Woods le 9 août 2010 à Whistling Straits. REUTERS/Matt Sullivan

«L’année a été longue.» C’est Tiger Woods qui le dit à la veille du PGA Championship, quatrième et dernier tournoi du Grand Chelem de la saison, disputé à Whistling Straits, dans le Wisconsin, du 12 au 15 août.

Cette lassitude, manifestée, dimanche 8 août, en marge du tournoi d’Akron, dans l’Ohio, a succédé à une semaine catastrophique pour celui qui reste encore n°1 mondial alors qu’il n’a plus gagné la moindre épreuve depuis l’automne dernier.

A Akron, Woods a plongé littéralement sans que l’on sache vraiment s’il a touché le fond ou s’il peut encore descendre plus bas. Sur un parcours qui lui sied pourtant à merveille puisqu’il y a triomphé à sept reprises entre 1999 et 2009, il a complètement déjoué pour finir par compiler une ahurissante série de contre-performances. A Akron, cette fois, il a terminé 78e et avant-dernier, sur un score de 18 au-dessus du par, soit à 30 coups du vainqueur, son compatriote Hunter Mahan, premier à -12.

Dimanche, il a également rendu une carte de 77, la pire de toute son aventure professionnelle entamée en 1996. Cerise sur cet indigeste gâteau, il a réussi à blesser un spectateur à la mâchoire en ratant complètement l’un de ses coups sur le trou n°15 (vers 1min50).

Dans ces conditions apocalyptiques, il est bien difficile de l’imaginer nanti, le 15 août, d’un 15e titre du Grand Chelem qui serait le premier pour lui depuis juin 2008 et l’US Open joué à Torrey Pines, en Californie. Limiter la casse, au contraire d’Akron, serait déjà un petit succès personnel.

A l’évidence, Tiger Woods n’y est plus techniquement et mentalement et ne sait plus trop pourquoi et comment il joue au golf. En principe, 2010 aurait dû être son année avec trois des quatre tournois du Grand Chelem organisés sur ses parcours préférés, là où il avait l’habitude de massacrer la concurrence: Augusta (Masters), Pebble Beach (US Open) et Saint Andrews (British Open).

Rien ne va plus

A Augusta, il s’est classé à une très belle 4e place à l’occasion de son tournoi de rentrée après ses démêlés conjugaux. A Pebble Beach, où il avait triomphé avec 15 coups d’avance sur le second en 2000, il s’est contenté du même 4e rang sans jamais paraître s’approcher de la victoire. A Saint Andrews, cadre de deux de ses trois triomphes au British Open, il s’est noyé dans la masse (23e). Jusqu’à la débâcle d’Akron.

Tiger Woods a toujours refusé de s’épancher sur ses résultats, préférant s’engouffrer dans la première voiture venue plutôt que dans une salle de conférence de presse. Le mystère demeure donc sur les raisons de cet effondrement inhabituel pour un champion de ce calibre, quelle que soit la discipline. Invincible hier, le voilà devenu fragile comme du cristal. «J’ai connu d’autres périodes qui n’étaient pas bonnes non plus», a-t-il consenti à déclarer. Elles n’avaient jamais été, toutefois, aussi désastreuses.

Démasqué dans sa vie personnelle, où il ne peut plus donner la pleine mesure de sa «toute-puissance» masculine, Woods est désormais «à poil» sur les parcours qui ont fait sa légende. Et nul n’est capable de dire s’il pourra recoller les morceaux du puzzle tant le golf est un sport subtil dont la maîtrise peut vous échapper du jour au lendemain et se dissiper pendant des lustres quand la confiance vous a abandonné. Il y a quelques mois, Woods réussissait toujours les putts qui faisaient la différence. Aujourd’hui, il les manque avec une régularité tout aussi métronomique.

Tout simplement humain?

A bientôt 35 ans, il lui reste évidemment de très belles années devant lui, mais la période de son outrageante domination semble à jamais révolue. Tout le monde était persuadé qu’il battrait sans coup férir le record des 18 victoires de Jack Nicklaus dans le Grand Chelem. Mais voilà, la 14e et dernière de Tiger Woods, remonte, on l’a dit, à juin 2008. S’il ne remporte pas le PGA Championship cette semaine, cela voudra dire que Woods n’aura pas gagné de Grand Chelem pendant près de trois ans, le prochain, le Masters, ayant lieu en avril. Trois ans, une paille pour un phénomène comme l’Américain qui, aussi sensationnel qu’il soit, n’échappe pas au vieillissement de tout mortel.

Depuis 1970, comme le relève le magazine américain Sports Illustrated, l’âge moyen des vainqueurs du Grand Chelem est de 32 ans. Aujourd’hui, Woods est donc passé de l’autre côté de la «frontière» sachant que rares sont les joueurs à avoir gagné plus d’un tournoi du Grand Chelem après 35 ans: Jack Nicklaus (quatre), Gary Player (quatre), Ray Floyd (deux), Nick Price (deux), Vijay Singh (deux), Mark O’Meara (deux), Angel Cabrera (deux) et Padraig Harrington (deux) sont ces cas exceptionnels.

Sur le grill depuis 1997, année de son premier succès dans le Grand Chelem, Woods en est aussi à sa 14e saison vécue sous très haute pression, pression d’autant plus forte qu’il est n°1 mondial sans interruption depuis juin 2005. Là aussi, rares sont les golfeurs qui ont été en mesure de s’accommoder de l’air des cimes pendant aussi longtemps. Gary Player, vainqueur de son premier titre majeur en 1959 et du dernier en 1978, et Jack Nicklaus, couronné pour la première fois en 1962 et encore vainqueur du Masters en 1986, ont été ces êtres de tous les records, mais en des temps nettement plus paisibles où les médias ne s’accrochaient pas à leurs basques semaine après semaine, où le golf restait un aimable sport de country clubs joués entre gentlemen.

Une méforme pas si mal venue

Depuis qu’il est enfant, Woods, bombardé sportif n°1 de la planète après le retrait de Michael Jordan, vit sous le feu constant et agressif des projecteurs et il est normal qu’à bientôt 35 ans, l’âge normal d’une retraite sportive dans toutes les autres disciplines, il éprouve un ras-le-bol légitime et le besoin de souffler un peu dans le sillage, de surcroît, de la révélation de ses débordements extraconjugaux. Reste à savoir si c’est pour quelque temps ou pour toujours.

Mais ce ressac ne tombe pas si mal. En affichant sa mauvaise forme, Tiger Woods s’élimine tout seul de la course à la sélection pour la prochaine Ryder Cup (match Europe/Etats-Unis) qui aura lieu au Pays de Galles au début de l’automne. Actuellement, il n’est plus dans les points pour être automatiquement qualifié et ne peut donc compter que sur une invitation délivrée par Corey Pavin, le capitaine américain, qui, en temps normal, ne pourrait pas se priver d’un tel atout. Mais Woods a tout intérêt à ne pas être de la fête galloise. Organisée tous les deux ans, la Ryder Cup laisse la part belle aux épouses des joueurs des deux camps qui font partie du folklore de cette compétition par équipes. Elles participent à la rencontre, à leur manière, en constituant des bataillons de supportrices souvent voyantes. On n’imagine pas qu’Elin, l’épouse bafouée de Woods, puisse être cette fois du voyage, comme il est difficile de croire que les conjointes des coéquipiers américains du n°1 mondial, amies pour la plupart d’Elin en raison de Ryder Cups passées, aient envie d’accueillir l’infidèle à bras ouverts.

Si Tiger Woods joue la prochaine Ryder Cup, cela signifiera qu’un événement exceptionnel se sera passé, c’est-à-dire qu’il aura remporté le PGA Championship. Il est permis d’en douter depuis le 8 août.

Yannick Cochennec

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